J-09-03
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – REQUETE AUX FINS D’ETRE AUTORISE A SIGNIFIER UNE ORDONNANCE – AUTORISATION – OPPOSITION – CONDAMNATION AU PAIEMENT – APPEL – ARRET CONFIRMATIF – POURVOI EN CASSATION.
COUR D’APPEL – COMPETENCE DES CHAMBRES – DECISION RENDUE PAR UNE CHAMBRE INEXISTANTE – VIOLATION DES ARTICLES 3 ET 11 LOI 10-93/ADP (OUI).
PRETENTIONS DES PARTIES – ARTICLE 21 CPC – OBLIGATIONS DU JUGE – OMISSION DE STATUER – ACTE D’OPPOSITION – APPELANTE PRINCIPALE – NON SIGNIFICATION A TOUTES LES PARTIES – ARTICLE 11 AUPSRVE – DECHEANCE DU DROIT D’OPPOSITION – ARRET DEFERE – VIOLATION DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 20 ET 21 CPC (NON).
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES – OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES – ARTICLE 1165 CODE CIVIL – EFFET RELATIF – SOCIETES COMMERCIALES – ARTICLE 110 AUSCGIE – ACTES ET ENGAGEMENTS NON REPRIS – INOPPOSABILITE (OUI).
DECISION DE L’ARRET – MENTIONS ET CONTENU – NON MENTION DE LA BASE LEGALE – VIOLATION DE L’ARTICLE 384-8e CPC (OUI).
ORDONNANCE – AUTORISATION A FAIRE SIGNIFIER UNE ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – DECISION D’INJONCTION DE PAYER (NON) – JUGEMENT SUR OPPOSITION – ARRET CONFIRMATIF – VIOLATION DES ARTICLES 5 ET 9 AUPSRVE (OUI).
ANNULATION ET CASSATION (OUI) – RENVOI.
La déchéance de l’article 11 AUPSRVE tend à faire obstacle à l’action de la partie qui ne signifie pas son opposition à toutes les parties. Elle ne peut être invoquée que par la partie qui n’a pas reçu l’acte.
Dès lors, il ne peut être fait grief au juge d’appel d’avoir statué « infra petita » en confirmant le premier jugement qui a condamné une seule des défenderesses suite à son opposition au motif qu’elle n’avait pas signifié son opposition à l’autre partie défenderesse et de ce fait est déchue de son action, alors que la demande initiale du requérant tendait à obtenir la condamnation solidaire des deux sociétés.
Conformément à l’effet relatif des contrats à l’égard des tiers et aux dispositions de l’article 110 AUSCGIE, « les actes et engagements qui n’ont pas été repris par la société dans ses statuts ou approuvés par l’assemblée générale ordinaire sont inopposables à la société et les personnes qui les ont souscrits sont tenues solidairement et indéfiniment par les obligations qu’ils comportent »
Une ordonnance qui n’a fait qu’autoriser le requérant à faire signifier une ordonnance d’injonction de payer n’est pas une décision d’injonction de payer. Elle n’est donc pas susceptible d’opposition. Par conséquent, le juge d’appel, en confirmant le jugement sur opposition, pour prononcer une condamnation contre le défendeur au pourvoi, alors même que la décision attaquée n’est pas une injonction de payer et la voie de recours n’est pas celle prévue en pareilles circonstances, n’a pas tirer les conséquences juridiques des faits et l’arrêt encourt ainsi annulation et cassation.
Article 5 AUPSRVE ET SUIVANTS
Article 110 AUSCGIE
Article 11 LOI 10-93/ADP DU 17/05/1993 PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE AU BURKINA FASO
Article 20 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 21 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 384 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 1165 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1315 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1319 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1322 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1326 CODE CIVIL BURKINABÈ
(COUR DE CASSATION, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 20 du 14 décembre 2006, Société TELECEL FASO c/ Spéro Stanislas ADOTEVI).
LA COUR
Statuant sur le pourvoi en cassation formé par maître LOMPO O. Frédéric, au nom et pour le compte de la Société TELECEL FASO S.A., contre l’arrêt n 63 du 07 mai 2004 rendu par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Ouagadougou, dans une instance qui oppose sa cliente à monsieur Spéro Stanislas ADOTEVI.
Vu la loi organique n 013-2000/AN du 09 mai 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle.
Vu la loi n 22-99/AN du 18 mai 1999 portant code de procédure civile.
Vu le mémoire ampliatif du demandeur.
Vu les conclusions du ministère public.
Ouï le conseiller en son rapport.
Ouï monsieur l’avocat général en ses observations orales.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Introduit dans les formes et délais prévus par la loi, le pourvoi est recevable.
AU FOND
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué que le 03 octobre 2002 Spéro Stanislas ADOTEVI a introduit une requête aux fins d’être autorisé à signifier une ordonnance d’injonction de payer.
Que le 07 octobre 2002, la juridiction du président du tribunal de grande instance de Ouagadougou a par ordonnance n 565/2002, autorisé le requérant à faire signifier une ordonnance d’injonction de payer, telle que l’a sollicité le demandeur.
Que le 28 octobre 2002, la Société TELECEL FASO a, par exploit d’huissier, fait opposition à cette ordonnance ayant autorisé la signification d’une ordonnance d’injonction de payer; le tribunal de grande instance de Ouagadougou par jugement n 062/2003 du 08 janvier 2003, a condamné la Société TELECEL FASO à payer à Spéro Stanislas ADOTEVI la somme de cinquante deux millions cinq cent mille (52.500 000) de francs; sur appel, la Cour d’appel par l’arrêt critiqué confirmait le jugement du 8 janvier 2003.
Attendu que le demandeur invoque :
La violation, fausse interprétation ou fausse application des articles : 3 et 11 de la loi n 10-93/ADP du 17 mai 1993; 20 et 21 du code de procédure civile; 1319, 1165, 1322, 1315, 1326 du code civil; 110 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique; et le défaut de base légale :
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation, fausse interprétation ou fausse application de la loi
Sur la première branche du moyen tiré de la violation des articles 3 et 11 de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993
Attendu que l’article 3 de la loi 10-93/ADP du 17 mai 1993 précise que le ressort, le siège, la composition et la compétence des juridictions sont déterminés par la loi.
Que l’article 11 de la même loi fixe la composition des chambres de la Cour d’appel en les distinguant des unes des autres ainsi qu’il suit :
– une Chambre civile;
– une Chambre commerciale;
– une Chambre sociale;
– une Chambre criminelle;
– une Chambre correctionnelle;
– une Chambre d’accusation.
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir méconnu les dispositions des articles suscités en statuant dans une chambre inexistante qui serait compétente pour statuer à la foi en matière « civile et commerciale » alors qu’aucun texte ne prévoit une telle chambre.
Attendu qu’il est constant que l’article 11 en organisant les chambres de la Cour d’appel, impose au juge de statuer soit en chambre commerciale soit en chambre civile. Que la Cour d’appel, en statuant en matière « civile et commerciale » comme elle l’a fait, l’arrêt déféré encourt annulation.
Sur la deuxième branche du moyen de cassation tiré de la violation des articles 20 et 21 du code de procédure civile
Attendu qu’aux termes de l’article 20 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Et le juge au sens de l’article 21, doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir statué « infra petita » en confirmant le premier jugement qui a condamné la seule société TELECEL FASO suite à son opposition au motif que l’appelante principale n’avait pas signifié son opposition à TELELCEL International et de ce fait est déchue de son action, alors que la demande initiale de Spéro Stanislas ADOTEVI tendait à obtenir la condamnation solidaire de Télécel International et de TELECEL FASO.
Attendu que la déchéance de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, tend à faire obstacle à l’action de la partie qui ne signifie pas son opposition à toutes les parties; que cette déchéance ne peut être invoquée que par la partie qui n’a pas reçu l’acte. Et l’arrêt déféré en décidant comme il a fait n’a violé aucune disposition de la loi.
Que le moyen de pourvoi est à rejeter.
Sur la troisième branche du premier moyen pris de la violation des articles 1165, 1319 et 1322 du code civil
Attendu que l’article 1165 du code civil pose le principe de l’effet relatif des contrats qui n’ont d’effets qu’entre les parties contractantes; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par la loi; que l’article 1319 précise que l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes; et que l’article 1322 du code civil ajoute que l’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l’on souscrit la même foi que l’acte authentique.
Attendu que le pourvoi reproche à l’arrêt critiqué d’avoir condamné TELECEL FASO pour exécuter une obligation contractuelle alors même que cette obligation a été souscrite avant sa création et elle ne l’a pas ratifiée après sa création et elle n’a pas non plus été incorporée dans ses statuts. Qu’une telle convention n’engage que ses signataires au sens des articles précités.
Attendu que l’article 110 de l’Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique tranche en disposant que « les actes et engagements repris par la société régulièrement constituée et immatriculée sont réputés avoir été contractées par celle-ci dès l’origine ».
Mais que « les actes et engagements qui n’ont pas été repris par la société dans ses statuts ou approuvés par l’assemblée générale ordinaire sont inopposables à la société et les personnes qui les ont souscrits sont tenues solidairement et indéfiniment par les obligations qu’ils comportent »; qu’ainsi une telle convention comme celle qui existe entre Spéro Stanislas ADOTEVI et TELECEL International n’engage que ses signataires; Que l’arrêt entrepris en statuant comme il l’a fait encourt cassation.
Sur la quatrième branche du premier moyen pris de la violation des articles 1315 et 1326 du code civil
Attendu qu’aux termes de l’article 1315 du code civil, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
Que l’article 1326 vient préciser : « le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose appréciable doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ou du moins il faut qu’en outre sa signature, il ait été écrit de sa main un « bon » ou un « approuvé » portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose ».
Attendu que pour entrer en voie de condamnation, l’arrêt querellé a retenu comme pièce fondamentale une correspondance privée du 04 septembre 2001 de TELECEL FASO ne comportant ni le montant de la créance ni la mention « bon ou approuvé » portant en toute lettre la somme en cause.
Que l’arrêt pour avoir décidé comme il l’a fait encourt cassation.
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation de l’article 384-8e
Attendu que l’article 384-8e du code de procédure civile dispose : que « tout arrêt, jugement ou ordonnance comporte obligatoirement les motifs retenus à l’appui de la décision avec référence à la règle juridique dont il est fait application ».
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt de n’avoir indiqué nulle part, la disposition légale sur laquelle il s’est fondé pour parvenir à la condamnation de TELECEL FASO; que l’arrêt pour ce fait encourt cassation.
Sur le moyen de cassation d’office tiré de la violation des articles 5 al. 1 et 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que l’article 5 al. 1 précise que si au vu des documents produits, la demande d’injonction de payer lui paraît fondée en tout ou en partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe.
Que contre cette décision d’injonction de payer, l’article 9 a prévue l’opposition comme voie de recours ordinaire.
Attendu que l’ordonnance n 565/2002 du 07 octobre 2002 ne comporte aucune condamnation et n’est pas une décision d’injonction de payer, qu’elle n’a fait qu’autoriser le requérant à faire signifier une ordonnance d’injonction de payer.
Attendu que l’arrêt confirmatif critiqué, en confirmant le jugement sur opposition, pour prononcer une condamnation contre le défendeur au pourvoi, alors même que la décision attaquée n’est pas une injonction de payer et la voie de recours n’est pas celle prévue en pareilles circonstances, le juge d’appel n’a pas tirer les conséquences juridiques des faits, et ainsi l’arrêt encourt annulation et cassation.
PAR CES MOTIFS
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme
Reçoit le pourvoi.
Au fond
Casse et annule l’arrêt n 63 du 07 mai 2004 de la Cour d’appel de Ouagadougou.
Renvoie la cause et les parties devant ladite Cour autrement composée.
Met les dépens à la charge du défendeur.