J-09-05
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – REDRESSEMENT JUDICIAIRE – PLAN D’APUREMENT DU PASSIF – CESSION DE CREANCE – MONTANT – CONTESTATION – ASSIGNATION EN PAIEMENT – RADIATION – REQUETE AFIN D’INJONCTION DE PAYER – DECISION D’INJONCTION DE PAYER – COMMANDEMENT AUX FINS DE SAISIE IMMOBILIERE – SOMMATION DE PRENDRE CONNAISSANCE DU CAHIER DES CHARGES – EXCEPTION DE NULLITE – JUGEMENT AVANT DIRE DROIT – NULLITE DE LA SOMMATION (NON) – JUGEMENT D’ADJUDICATION – APPEL.
EXCEPTION DE NULLITE – ACTE D’APPEL – QUALITE DE L’APPELANT – LIQUIDATION JUDICIAIRE D’UNE PERSONNE MORALE – DESSAISISSEMENT – ARTICLE 53 AUPCAP – ACTES CONSERVATOIRES – APPEL D’UN JUGEMENT – NULLITE DE L’ACTE (NON).
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – INCIDENTS DE LA SAISIE IMMOBILIERE – ARTICLES 300 ET 301 AUPSRVE – PRINCIPE DE LA CREANCE – PROPRIETE DES BIENS SAISIS – OMISSION DE STATUER – RECEVABILITE DE L’APPEL (OUI).
ADMISSION EN REGLEMENT JUDICIAIRE – INJONCTION DE PAYER – CREANCE NON CERTAINE – CONVENTION DE RACHAT – OPERATION FRAUDULEUSE (OUI) – DECISION PORTANT INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE ET DES DROITS DE LA DEFENSE – NON-RESPECT – IMMEUBLE SAISI – PROPRIETE DU DEBITEUR (NON).
SAISIE-IMMOBILIERE – VENTE – AUDIENCE EVENTUELLE – VIOLATION DES ARTICLES 273 ET 274 AUPSRVE (OUI) – VENTE DE BIENS NON SAISIS – NON-RESPECT DES REGLES DE PROCEDURE – NULLITE – JUGEMENT AVANT DIRE DROIT ET JUGEMENT D’ADJUDICATION – ANNULATION (OUI).
Aux termes de l’article 53 AUPCAP, le principe du dessaisissement connaît une exception s’agissant d’actes conservatoires. Peut être assimilé à un acte conservatoire le fait pour le débiteur d’interjeter appel d’un jugement défavorable à la masse… Concernant les incidents de la saisie-immobilière, il est constant que l’appelant a soulevé dans ses dires et observations le principe de la créance qui n’est pas fondée, et le problème de la propriété des biens saisis toute chose rentrant dans les champs d’application des articles 300 et 301 AUPSRVE. Par conséquent, les exceptions tenant à la nullité de l’acte d’appel et de la recevabilité de l’appel ne peuvent être retenues.
Dans le cas de l’espèce, les nombreuses irrégularités commises au cours de cette procédure de saisie immobilière (omission de statuer sur les incidents de la saisie, absence d’audience éventuelle, défaut de signification de la sommation et enfin adjudication de biens non saisis) entachent sérieusement la validité du jugement d’adjudication qui ne peut être porteur d’effet de droit.
Article 273 AUPSRVE ET SUIVANT
Article 300 AUPSRVE ET SUIVANT
Article 110 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ET SUIVANTS
Article 1699 CODE CIVIL BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 97 du 07 décembre 2001, Tagui c/ OUEDRAOGO Salif Déré).
LA COUR
Faits et procédure
Par acte de cession en date du 15 juin 1995, enregistré à Bobo-Dioulasso le 28 juin 1995, la BFCI-B a cédé à Salif Déré OUEDRAOGO qui a accepté l’intégralité de sa créance de 680.555.698 F détenu sur la société Tagui au montant réel de 300 000 000 F CFA.
La Société Tagui étant en redressement judiciaire, la créance fut alors produite dans le plan d’apurement du passif pour un paiement étalé en une période de 36 mois à compter du 1er juillet 1994. Soit la somme de 18.324.324, 94 F par mois.
Tagui a ainsi opéré des règlements partiels de 250 000 000 F à Salif Déré.
Le 26 août 1997, monsieur Salif Déré Ouédraogo assignait Tagui devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour s’entendre dire et juger que le montant de la somme qui lui est due au titre de la créance cédée par la BFCI-B est le montant nominal de la créance soit 680.555.698 F et non le prix de cession de la créance qui est de 300 000 000 F CFA.
S’entendre en conséquence Tagui condamné à lui payer le reliquat (680.555.698 – 250 000 000) = 430.555.698 F.
Cette procédure était radiée le 6 juin 1999, alors qu’elle avait le mérite de statuer sur le principe de la créance dont le montant est contesté par Tagui qui estime qu’il faut s’en tenir à l’article 2 de la convention qui précise que la cession s’est fait à 300 000 000 F CFA; Et que la demande de paiement de 430.555.698 F CFA constitue un enrichissement sans cause.
Le 16 mai 2001, abandonnant la procédure ordinaire de l’assignation, Salif Déré introduisait une requête afin d’injonction de payer la somme de 430.555.298 F CFA représentant le reliquat de sa créance rachetée au motif qu’il est subrogé à la BFCI-B dans tous ses droits, obligations garanties et privilèges attachés à cette créance.
Par ordonnance présidentielle n 226/01 du 06/03/2001 Tagui était condamnée au paiement de ladite somme en principal outre les intérêts échus ou à échoir.
Le 14 mai 2001 Salif Déré délaissait à Tagui commandement aux fins de saisie immobilière sur trois lots d’immeuble abritant des stations services dans les secteur 2, 3 et 11 de la ville de Ouagadougou.
La sommation de prendre connaissance du cahier des charges et d’assister à l’audience éventuelle d’adjudication est faite à parquet, tandis que les dates du 08/08/2001 et 12/09/2001 prévue respectivement pour l’audience éventuelle et Y audience d’adjudication.
Le 12/09/2001, par arrêt avant dire droit dont le dispositif transparaît uniquement du relevé du plumitif, le Tribunal rejetait l’exception de nullité de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges soulevé par Tagui et au fond adjugeait les immeubles saisis à la société Tamoil représentée par monsieur André Cornet à la somme de 503.000 000 F CFA.
Le 26 septembre, Tagui, agissant par représentation de son directeur général, assisté de maître BAADHIO, avocat à la Cour relevait appel contre les décisions rendues le 12/09/2001.
EN LA FORME
Attendu que Salif Déré, sous la plume de maître Harouna SAWADOGO, soulève principalement l’exception de nullité de l’acte d’appel et subsidiairement son irrecevabilité.
De l’exception de nullité de l’acte d’appel
Attendu que Salif Déré conclut à la nullité de l’appel de Tagui.
Qu’aux termes de l’article 53 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif « la décision de liquidation judiciaire d’une personne morale emporte de plein droit sa dissolution; elle emporte également le dessaisissement par le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et ceux qu’il peut acquérir à quelque titre que ce soit sous peine d’inopposabilité de tels actes sauf s’il s’agit d’actes conservatoires ».
Qu’ainsi les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés pendant toute la durée de la liquidation des biens par le syndic-liquidateur seul ou en représentation du débiteur.
Qu’en conséquence Tagui ne peut plus valablement ester seul en justice. Qu’il eut fallu introduire l’action à la requête de la société Tagui en liquidation représentée par le syndic-liquidateur.
Qu’en l’état l’acte d’appel est nul et de nullité d’ordre public.
Mais attendu d’une part que l’appel a été interjeté alors que Tagui n’était pas encore admise en liquidation judiciaire, et en tout état de cause avant que l’avis de cette liquidation judiciaire ne soit donné par insertion dans les journaux d’annonces légales.
Attendu d’autre part que le principe du dessaisissement connaît une exception s’agissant d’actes conservatoires.
Qu’en effet la notion d’actes conservatoire a considérablement évolué en jurisprudence qui assimile à des actes conservatoires le fait pour le débiteur de renouveler une inscription hypothécaire, d’opérer une saisie-arrêt, d’interjeter appel d’un jugement défavorable à la masse (comm 13/1/1968 D 1968-1396) etc., comme dans le cas de l’espèce.
Attendu que les correspondances adressées par le syndic-liquidateur à la juridiction d’appel après la mise en délibéré du dossier et tendant à denier à l’avocat du débiteur le défaut de mandat doivent être écartées des débats.
Qu’en effet, si la procédure engagée nuit aux intérêts de la société en liquidation qu’il représente, il lui appartenait de s’y joindre en qualité de partie par conclusions ou tout autre acte d’intervention volontaire conformément aux dispositions des articles 110 et suivants du code de procédure civile.
Attendu qu’il échet d’écarter le moyen tiré de la nullité de l’acte d’appel.
De la recevabilité de l’appel
Attendu que l’intimé invoquant les articles 293 et 315 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution expose que le jugement d’adjudication est insusceptible d’appel; Que l’appel est autorisé que pour les incidents de la saisie-immobilière et non des jugements d’adjudication dont les nullités sont portées devant le Tribunal de grande instance lui-même (art. 313).
Attendu que Tagui fonde son appel sur les articles 300 et 301 dudit acte qui disposent que « les décisions judiciaires rendues en matière de saisie-immobilière ne sont pas susceptibles d’opposition, qu’elles ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe de la créance, ou sur des moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété de l’insaisissabilité ou de l’inviolabilité des biens saisis ».
Attendu qu’il est constant que Tagui a soulevé dans ses dires et observations le principe de la créance qui n’est pas fondée, et le problème de la propriété des biens saisis toute chose rentrant dans les champs d’application des articles 300 et 301.
Attendu que le juge a omis de statuer sur des incidents de la saisie-immobilière pourtant soulevés par Tagui
Qu’il a statué « infra petita ».
Que les articles 300 et 301 justifient l’appel de Tagui
AU FOND
Du principe de la créance, et de la propriété des biens saisis
Attendu que l’ordonnance présidentielle n 226/01 a été prise alors que les conditions de l’injonction de payer n’étaient pas réunies, et ce en violation des règles de pleine juridiction et de l’article 1699 du code civil qui dispose que « celui contre lequel on a cédé un droit peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire à lui rembourser le prix réel de cession avec frais et loyaux coût et avec intérêts à compter du jour ou le cessionnaire a payé le prix de la cession ».
Attendu qu’aux termes de la convention de rachat signée le 15 juin 1995 entre les parties, la BFCI-B a cédé à Salif Déré sa créance sur Tagui de 680.555.298 F au montant réel de 300 000 000 F.
Que Tagui a opéré des remboursements à hauteur de 250 000 000 F.
Attendu que cette convention de rachat, intervenue après l’admission en règlement judiciaire de Tagui est une opération frauduleuse de transmission de droit que la BFCI-B a réalisé avec Salif Déré qui est associé dans Tagui et de surcroît ancien administrateur en violation de l’article 40 de l’ancienne loi sur les sociétés anonymes.
Attendu que Salif Déré lui-même était conscient que sa créance n’était pas certaine, sinon il n’aurait pas assigné au fond Tagui pour s’entendre dire que la créance cédée est le montant nominal de la créance cédée et non le montant réel de la créance cédée.
Qu’il a fait radié cette procédure qui ne pouvait aboutir à son avantage et préférer la juridiction du président alors que les conditions de l’injonction de payer n’étaient pas réunies.
Attendu que Tagui a saisi le juge des référés le 2 juillet 2001 conformément à l’article 10 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution pour voir rétracter cette ordonnance; que la cause fut plaidée le 31 juillet 2001 et mise en délibéré le 14/ 08/ 2001; qu’à la demande de Ouédraogo Salif Déré, le juge prorogeait le délibéré du 14/08/2001 au 19/09/2001 après l’audience d’adjudication pour ensuite se déclarer incompétent; attendu que Tagui n’a pas pu faire entendre ses moyens de droit sur le principe même de la créance tant devant le juge des référés que devant le Tribunal.
Que le principe du contradictoire et des droits de la défense n’a pas été respecté.
Attendu que Tagui a fait valoir qu’en vertu d’une convention passée le 11 octobre 2000 entre elle et Burkina & Shell, certains immeubles saisis n’étaient plus sa propriété.
Que la parcelle objet du lot n Il (G 1/2 lot 213 du secteur n 2) fait partie de ces immeubles.
De l’absence d’audience éventuelle et de la vente des biens non saisis
Attendu qu’il résulte des articles 273 et 274 dudit acte que l’audience éventuelle est obligatoire au cours de laquelle il sera statué sur les dires et observations qui auront été formulés; que la remise de l’audience éventuelle ne peut avoir lieu que pour des causes graves et dûment justifiées etc. Attendu que l’audience éventuelle fixée sur le cahier des charges au 08 août 2001 n’a jamais eu lieu; que Tagui da donc pu faire valoir ses dires et observations; que le principe du contradictoire n’a pas été respecté.
Attendu que le jugement d’adjudication formalisé a concerné des immeubles non saisis alors qu’ils ne l’étaient pas lors du prononcé dudit jugement en audience publique, s’agissant notamment d’annexe A et B et la parcelle G 1/2 lot 213 secteur 2 de Ouagadougou; Attendu que le jugement d’adjudication est l’aboutissement de la procédure de saisie-immobilière; Attendu que les règles de procédure en la matière sont prescrites à peine de nullité.
Attendu que les nombreuses irrégularités commises au cour de cette procédure : omission de statuer sur les incidents de la saisie, absence d’audience éventuelle, défaut de signification de la sommation et enfin adjudication de biens non saisis entachent sérieusement la validité du jugement d’adjudication qui ne peut être porteur d’effet de droit.
Attendu qu’il échet, de tout ce qui précède d’annuler les décisions rendues le 12 septembre 2001.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort :
En la forme
Reçoit l’appel de Tagui SA.
Au fond
Annule le jugement avant dire droit et le jugement d’adjudication du 12 septembre 2001.
Condamne OUEDRAOGO Salif Déré aux dépens.