J-09-08
DROIT COMMERCIAL GENERAL – CONTRAT DE NANTISSEMENT DU MARCHE – EXECUTION – SOLDE DEBITEUR – ASSIGNATION EN PAIEMENT – CONDAMNATION AU PAIEMENT – APPEL – RECEVABILITE (OUI) – RELEVE DE COMPTE – FORCE PROBANTE – VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 15 AUDCG (OUI) – CREANCE – DEFAUT DE PREUVE – DECOMPTES DU MARCHE – APUREMENT DE LA DETTE (OUI) – INFIRMATION DU JUGEMENT – DOMMAGES-INTERETS (NON) – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – IRRECEVABILITE EN APPEL (OUI).
Le relevé de compte ne saurait à lui seul avoir de force probante et servir de preuve d’une créance… Sur la question, le tribunal n’a pas respecté sa propre jurisprudence puisque dans une autre affaire, elle avait estimé que « le relevé de compte est un acte d’administration de la banque qui vise à informer le client sur la situation de son compte et en tant que tel, c’est un acte unilatéral qui ne comporte aucune signature ni celle de la banque ni celle du client; qu’il ne saurait être assimilé à un prêt bancaire, acte conventionnel nécessitant la signature des deux parties ».
Article 15 AUDCG
Article 1315 CODE CIVIL BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 53 du 06 juillet 2001, EROF c/ SGBB).
LA COUR
Faits et procédure
Dans le cadre de l’exécution du marché administratif n TO BCN 047301/87, l’Entreprise Robert OUEDRAOCO et Frères en abrégé (EROF) avait sollicité de la SGBB un concours financier pour faire face aux dépenses courantes de fourniture et des salaires de la main-d’œuvre.
Qu’un contrat de nantissement du marché d’une valeur de 83.148.121 F CFA fut conclu entre la SGBB et OUEDRAOGO Robert.
Qu’à ce titre, la SGBB versera à l’entreprise la somme de 16.347.135 F CFA comme avance de démarrage.
Qu’ainsi, les différents décomptes libellés au nom de la SGBB étaient reversés par Faso Baara dans le compte n 209915050.119 ouvert dans les livres de la banque au nom de EROF.
La SGBB prétend que EROF a puisé dans le compte pour faire face aux dépenses nécessaires à l’exécution du marché et qu’en dépit des décomptes reçus par la SGBB pour EROF celui-ci restait lui devoir.
Par assignation en date du 22 février 1999, la SGBB attrayait l’Entreprise OUIEDRAOGO Robert devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour s’entendre condamner à lui payer la somme de 110 060.878 F CFA représentant le solde débiteur de son compte matérialisé par un relevé de compte outre deux millions (2.000 000) F CFA de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoirement rendu le 20 août 2000, le Tribunal de céans condamnait OUEDRAOGO Robert et Frères à payer à la SGBB la somme de 110 060.878 F CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande.
Par exploit d’huissier en date du 25 août 2002, OUEDRAOGO Robert relevait appel.
EN LA FORME
Attendu que l’appelant a qualité, capacité et intérêt.
Que son appel interjeté le 25 août 2002 respecte les conditions de fond et de forme.
Qu’il doit être déclaré recevable.
AU FOND
Attendu que l’Entreprise OUEDRAOGO Robert et Frères représentée par maître Harouna SAWADOGO fait grief au jugement attaqué d’avoir fait application de l’article 15 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général.
Il soutient que le relevé de compte sur la base duquel la SGBB fonde sa créance ne fait pas partie des documents cités par l’article sus évoqué.
Qu’en effet, le relevé de compte est un document établi unilatéralement par la banque, différent des livres de commerce prévus à l’article 15 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général.
Qu’il ne saurait à lui seul avoir de force probante et servir de preuve d’une créance évaluée à plus de 100 millions.
Il avance en outre qu’il en est de même de la signification de nantissement du marché qui ne peut non plus servir de justification à la réclamation de la somme revendiquée.
L’Entreprise OUEDRAOGO Robert critique en outre le jugement d’avoir omis d’apprécier le moyen tendant à l’encaissement par la SGBB de la somme de 83.148.127 F CFA correspondant au montant du marché.
Qu’il relève que tous les décomptes de l’Entreprise étaient intégralement versés dans son compte n 20915050119 ouvert à la SGBB.
Que cette mesure a permis à la Banque de se faire payer en priorité sur le montant des décomptes encaissés.
Que ces différents décomptes d’un montant global de 83.148.127 F CFA ont été entièrement retenu par la SGBB pour apurer la dette de l’Entreprise.
Qu’il réplique notamment que le nantissement du marché avait pour objet de garantir la caution d’avance de démarrage et la caution de bonne fin.
Que ces concours, garantis par le nantissement sont de simples documents et non des sommes d’argents.
Qu’EROF n’a reçu que des attestations de cautions délivrés par le SGBB.
Que conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, il revient à la SGBB de prouver que dans le cadre de l’exécution de la convention de nantissement elle a été amenée à consentir à EROF des concours financiers à hauteur de 110.660.878 F CFA.
Qu’il est clair que l’action de la SGBB est vexatoire et abusif
Que c’est la raison pour laquelle il demande reconventionnellement la somme de 40.549.361 F CFA à titre de dommage et intérêts représentant le perte due au gèle de ses activités par la faute de la SGBB sur les années 1998, 1999 et 2000; et la restitution du PUH n 0121300/187 du 14 octobre 1990 remise à la banque en garantie du remboursement de 40 000 000 F CFA entièrement soldé depuis le 17 juillet 1997.
Qu’en conséquence, il échet d’infirmer le jugement querellé et condamner reconventionnellement la SGBB à lui payer la somme de 210.549.391 F CFA à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de préjudices confondues, ordonner la main levée et la radiation de l’hypothèque consenti sur le terrain objet du PUH n 012.1300/187 sous astreinte de 100 000 F CFA par jour de retard sans compter les dépens qu’il doit supporter.
Attendu qu’en réponse aux conclusions de OUEDRAOGO Robert et Frères, la SGBB concluant sous la plume de maître SANKARA Bénéwendé plaide que c’est à bon droit que le jugement s’est fondé sur le relevé de compte indiquant le solde débiteur de 110 060.878 F CFA.
Qu’il allègue que ce document constitue la preuve de la créance de OUEDRAOGO Robert qui ne saurait denier ce fait puisqu’en réponse à la sommation interpellative du 08 septembre 1998, il n’a pas contesté le principe de la créance et s’engageait à revenir en cours de journée pour solder le dossier.
Qu’il plaira à la Cour de rejeter les arguments de l’appelant en confirmant le jugement.
DISCUSSION
Attendu que la SGBB soutient que EROF a bénéficié par l’ouverture du compte n 20.991.5050.119 de concours financier sous forme de découverts qui ont permis de financer les opérations courantes du marché.
Qu’EROF a émis des chèques et même des billets à ordre pour le compte de ses fournisseurs.
Qu’à la date du 31/10/1997, le solde était débiteur de 110 060.878 F CFA.
Que ce solde est la résultante des retraits par chèque et des engagements par signature qui sont des frais engendrés du fait de ces retraits.
Que l’Entreprise EROF a puisé dans le compte plus qu’il n’y avait.
Attendu cependant que la SGBB a été incapable de produire les documents (billets à ordre, chèques) susceptible de fonder la créance suite à la sommation interpellative du 20 novembre 2000.
Attendu que le Tribunal n’a pas respecté sa propre jurisprudence sur la question du relevé de compte.
Qu’en effet, dans la cause opposant la SGBB à Afrique Performance objet d’un jugement, la même juridiction a estimé que «  le relevé de compte est un acte d’administration de la banque qui vise à informer le client sur la situation de son compte et en tant que tel, c’est un acte unilatéral qui ne comporte aucune signature ni celle de la banque ni celle du client; qu’il ne saurait être assimilé à un prêt bancaire, acte conventionnel nécessitant la signature des deux parties ».
Qu’il y’a contrariété de décision.
Attendu que les engagements par signature sont des actes par lesquels la banque par sa seule signature garantit l’engagement de son client envers les tiers, autrement dit la banque n’avance pas des fonds mais rassure par son engagement la confiance qu’inspire le client.
Attendu que EROF et la SGBB ont simplement signé une convention de nantissement du marché.
Que par ce contrat, la SGBB a ouvert un compte dans les livres où tous les décomptes du marché y étaient versés.
Que la SGBB a ainsi encaissé au nom et pour le compte de EROF les sommes suivantes :
16.629.625 F CFA, chèque BIB n 02013713 du 07/10/1997 objet du reçu 007491 du 08/10/1997.
20.150.960 F CFA, chèque BIB n 020137 24 du 18/12/1997 objet du reçu n 10986 du 18/12/1997.
18.737.760 F CFA, chèque BIB n 020 13737 du 03/02/1998.
11.173.595 F CFA, chèque du 29/04/1998 objet du reçu n 012248 du 04/05/1998.
18.458.187 F CFA, chèque BIB n 020.137 61 du 31/07/1998 objet du reçu n 023032 du 06/08/1998.
Attendu que ces décomptes d’un montant global de 83.148.127 F CFA encaissé par la SGBB ont été entièrement retenus par elle pour apurer la dette de l’Entreprise.
Que tant en première instance qu’en barre d’appel, la SGBB n’a pu apporter la preuve des billets à ordre et des chèques par lesquels elle a décaissé la somme de 110 060.878 F CFA.
Que l’Entreprise EROF ne doit plus rien à la SGBB.
Attendu que la demande de restitution du PUH constitue une demande nouvelle irrecevable en appel car n’ayant été soumis au premier juge.
Attendu que la demande de dommages et intérêts de EROF n’est pas justifié; qu’il échet de l’en débouter.
Attendu de ce qui précède, il échet d’infirmer le jugement querellé.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
En la forme
Déclare l’appel de EROF recevable.
Au fond
Infirme le jugement querellé.
Déboute SGBB de ses réclamations.
Déboute EROF de sa demande de dommages-intérêts comme étant mal fondée.
Rejette la demande de restitution du PUH n 0121300/187 comme étant une demande nouvelle; Condamne SGBB aux dépens.