J-09-11
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GIE – SOCIETE COMMERCIALE – ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE – DELIBERATIONS – ACTION EN ANNULATION – DOMMAGES ET INTERETS – DEMANDES MAL FONDEES – INTIME – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – CESSION D’ACTIONS – VALIDATION (NON) – APPEL DES PARTIES – RECEVABILITE (OUI).
NULLITE DES DELIBERATIONS – ARTICLE 244 AUSCGIE – FONDEMENT – DISPOSITION IMPERATIVE – ORGANES DELIBERANTS – REGLES DE COMPETENCE – CARACTERE IMPERATIF (NON) – VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 522 AUSCGIE (NON) – ASSEMBLEE D’ACTIONNAIRES – CONVOCATION – RESPECT DES CONDITIONS (OUI) – ANNULATION DES DELIBERATIONS (NON) – ABSENCE DE PREJUDICE.
ACTIONS – PROMESSE DE VENTE – ARTICLE 1589 CODE CIVIL – VOLONTE DES PARTIES – PAIEMENT – VALIDITE DE LA CESSION D’ACTIONS (OUI).
INFIRMATION PARTIELLE DU JUGEMENT.
Aux termes de l’article 244 AUSCGIE, « la nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société, ne peut résulter que d’une disposition impérative du présent Acte uniforme, des textes régissant les contrats ou les statuts de la société ».
Dans le cas d’espèce, non seulement les délibérations de l’assemblée générale extraordinaire n’ont pas eu pour effet de modifier les statuts de la société, et mais aussi et surtout, les conditions de convocation des actionnaires et des administrateurs de la société ont été respectées, et les délibérations prises dans le respect des conditions de quorum et de majorité requis. Dès lors, c’est à tort que le requérant demande l’annulation des délibérations issues de l’assemblée pour violation de la loi.
Article 1589 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 244 AUSCGIE
Article 428 AUSCGIE
Article 522 AUSCGIE
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 39 du 18 avril 2003, OUATTARA Héma Bakary c/ MYAOUENUH A. Damase).
LA COUR
Vu le jugement n 1047 du 22 novembre 2000.
Vu l’acte d’appel de OUATTARA Héma Bakary en date du 30 novembre 2000.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant délibération d’une assemblée constitutive tenue le 20 juin 1994, une société anonyme dénommée « Société des transitaires agréés en douane », en abrégé (STAD), fut créée et quatre administrateurs furent désignés avec pour président directeur général, monsieur MYAOUENUH A. Damase.
Le 26 juin 1994, le conseil d’administration désignait monsieur OUATTARA Héma Bakary en lieu et place de monsieur MYAOUENUH qui était président directeur général et président du conseil d’administration, en qualité de directeur général de la nouvelle société en vue de soumettre le dossier à l’agrément.
Par arrêté en date du 19 février 1998, le ministère de l’Économie et des Finances accordait l’agrément à la société en qualité de commissionnaire en douane.
Le 17 novembre 1998, à la suite d’une assemblée générale extraordinaire à laquelle participaient tous les actionnaires, il était mis fin au mandat de monsieur OUATTARA Héma Bakary en qualité de directeur général de la STAD et le président du conseil d’administration proposait le rachat de cinq cent (500) actions détenues par OUATTARA Héma Bakary, OUATTARA Bintou et KONDET Idrissa.
Cette transaction a été matérialisée par la remise d’un chèque à OUATTARA Héma Bakary par bordereau de transmission le 30 novembre 1998.
Le 31 mai 1999, monsieur OUATTARA Héma Bakary donnait assignation à monsieur MYAOUENUH A. Damase d’avoir à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour s’entendre :
déclarer la STAD et MYAOUENUH A. Damase entièrement responsables des préjudices subis par lui du fait des délibérations.
condamner en conséquence MYAOUENUH A. Damase solidairement avec la STAD à lui payer la somme de cinquante millions (50 000 000 F) CFA à titre de dommages et intérêts.
les condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, OUATTARA Héma Bakary fait valoir que MYAOUENUH A. Damase chercherait à les évincer de la société en usant de sa situation de seul actionnaire majoritaire pour imposer sa volonté.
Que la décision qui le destitue de ses fonctions serait irrégulière parce que provenant d’une simple assemblée et non du conseil d’administration, ce qui lui causerait un préjudice moral et financier important et certain.
MYAOUENUH A. Damase résiste aux réclamations de OUATTARA Héma Bakary en soutenant que les délibérations de l’assemblée générale sont régulières et bien fondées car OUATTARA Héma Bakary aurait donné lui-même son accord aussi bien pour le changement du directeur général que pour la cession des actions.
Il soutient en outre que le demandeur se serait rendu coupable de mauvaise gestion en se refusant à rendre compte de sa gestion et de tenir une comptabilité régulière.
Que son éviction répondrait donc à la nécessité de sauvegarder les intérêts de la société.
Il sollicite à titre reconventionnel qu’un expert soit désigné par jugement avant dire droit pour l’évaluation des actions de la société et de déclarer au fond, la cession des actions à lui consenties par monsieur OUATTARA Héma Bakary, madame OUATTARA Bintou et monsieur KONDE Idrissa bonne et valable.
Enfin, il sollicite que OUATTARA Héma Bakary soit condamné à payer à la société STAD la somme de trois cent cinquante mille francs (350 000 F) CFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
A l’audience publique du 22 novembre 2000, le Tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
en la forme, déclare OUATTARA Héma Bakary recevable en son action.
au fond, le déboute de ses demandes comme étant mal fondées.
déclare MYAOUENUH A. Damase recevable en sa demande reconventionnelle.
le déboute de toutes ses demandes.
fait masse des dépens et les met pour moitié à la charge de chacune des parties.
Contre cette décision, monsieur OUATTARA Héma Bakary relevait appel le 30 novembre 2000 pour voir confirmer le jugement en ce qu’il a débouté MYAOUENUH A. Damase de toutes ses demandes et le voir infirmer sur les autres dispositions.
OUATTARA Héma Bakary soutient que s’agissant cession d’actions, s’il est vrai que la volonté de vente a été exprimée, les parties ne se sont jamais entendues sur le prix de vente car les actions doivent être négociées.
Que s’agissant de son action, elle est bien fondée car sa révocation n’a pas été soumise au conseil d’administration qui est l’instance habilitée à prendre cette décision et que par ailleurs, la question de la direction générale n’était pas inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée, toutes choses qui sont contraires à la loi.
En réplique, MYAOUENUH A. Damase soutient qu’il y a eu accord sur le prix de cession des actions puisque OUATTARA Héma Bakary a accepté et reçu les chèques certifiés émis en paiement des actions qu’il a gardé pendant quatre (4) mois.
Qu’il y a lieu de déclarer valable la cession d’actions conformément aux dispositions de l’article 1583 du code civil et confirmer les autres dispositions du jugement entrepris.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la Cour d’appel du 15 décembre 2000 et renvoyée au rôle général pour la mise en état.
Que l’ordonnance de clôture étant intervenue le 12 août 2002, l’affaire était appelée à nouveau à l’audience du 30 août 2002, qu’après quelques renvois pour aviser les parties, elle fût mise en délibéré pour le 17 janvier 2003, mais le délibéré a été rabattu pour production de pièces et l’affaire renvoyée au 07 février 2003.
Qu’à cette date, elle a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendue le 21 mars 2003 mais le délibéré fût prorogé au 04 avril, ensuite au 18 avril 2003.
Qu’advenue cette date, la Cour vidant son délibéré a statué en ses termes.
EN LA FORME
Attendu que monsieur OUATTARA Héma Bakary a interjeté appel le 30 novembre 2000 contre un jugement rendu contradictoirement le 22 novembre 2000.
Que dans ses conclusions d’appel en date du 21 mai 2002, monsieur MYAOUENUH A. Damase relevait également appel incident contre ledit jugement.
Que ces différents appels remplissent les conditions de forme et de délai prévues par la loi et doivent être déclarés recevables.
AU FOND
Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué d’avoir débouté les parties, respectivement pour l’appelant de sa demande tendant à l’annulation des délibérations de l’assemblée générale extraordinaire du 17 novembre 1998 et à l’octroi de dommages et intérêts et pour l’intimé de sa demande reconventionnelle tendant à la validation de la cession d’actions.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 244 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, « la nullité de tous actes, décisions ou délibérations ne modifiant pas les statuts de la société, ne peut résulter que d’une disposition impérative du présent Acte uniforme, des textes régissant les contrats ou les statuts de la société ».
Qu’il en découle que les points réglés par le présent Acte uniforme du traité OHADA relativement à toutes les décisions et délibérations autres que celles qui modifient les statuts de la société ne peuvent être déclarées nulles que lorsque cette nullité est expressément prévue de façon impérieuse ou lorsqu’elle s’impose comme nécessité absolue.
Que seules les tenues irrégulières des organes délibérants sont sanctionnées par la nullité (art. 428 de l’Acte uniforme).
Attendu en outre que les règles de compétence des organes délibérants des sociétés commerciales n’ont pas un caractère impératif ou d’ordre public et peuvent se suppléer en cas de besoin.
Que cette lecture résulte également dans le cas d’espèce, des dispositions de l’article 43 des statuts de la société « STAD ».
Attendu que les délibérations du 17 novembre 1998 de l’assemblée générale extraordinaire n’ont pas eu pour effet de modifier les statuts de la société et que contrairement aux allégations de monsieur OUATTARA Héma Bakary selon lesquelles la direction générale n’était pas inscrite à l’ordre du jour, les dispositions de l’article 522 de l’Acte uniforme suscité ont été rigoureusement respectées.
Qu’en effet, le deuxième point inscrit à l’ordre du jour et intitulé « perspectives d’évolution de la société » ne peut être évoqué sans que l’on se réfère à l’action des gérants de la société dont le premier responsable est son directeur général.
Qu’en outre et surtout, les conditions de convocation des actionnaires et des administrateurs de la société ont été respectées; que de même, les délibérations ont été prises dans le respect des conditions de quorum et de majorité requis.
Que dès lors, c’est à tort que monsieur OUATTARA Héma Bakary demande l’annulation des délibérations issues de l’assemblée du 17 novembre 1998 pour violation de la loi et qu’il convient de l’en débouter.
Que partant, OUATTARA Héma Bakary n’a subi aucun préjudice du fait de MYAOUENUH A. Damase et de la STAD pouvant justifier l’allocation de dommages et intérêts et qu’il échet de le débouter également de cette prétention.
Attendu que le transfert est le mode de transmission du titre nominatif et peut s’opérer soit par une négociation en bourse, soit par une cession directe, que le plus souvent, la cession directe est réalisée entre un vendeur et un acheteur qui se connaissent et n’ont pas besoin d’une contre partie sur un marché public.
Qu’en l’espèce, les parties se connaissent très bien et ont voulu ensemble « sauvegarder l’esprit d’amitié et de fraternité » ayant existé entre eux.
Que monsieur OUATTARA Héma Bakary a manifesté clairement sa volonté de vendre ses actions ainsi que celles de ses mandants dont madame OUATTARA Bintou et monsieur KONDET Idrissa à monsieur MYAOUENUH A. Damase qui a accepté en émettant trois (3) chèques d’un montant total de cinq millions (5. 000. 000 francs) de francs CFA.
Que monsieur OUATTARA Héma Bakary en recevant ces chèques le 30 novembre 1998 savait parfaitement qu’elles avaient été émises en règlement du prix de la cession des actions; que cependant, il les a gardé par-devers lui pendant quatre (4) mois avant de les retourner le 29 mars 1999 sous prétexte qu’il s’oppose à la vente.
Attendu qu’il est constant que le chèque est un instrument de paiement et non un instrument de crédit.
Qu’au moment où monsieur OUATTARA Héma Bakary recevait les chèques d’un montant de cinq millions (5 000 000 F), le 30 novembre 1998, il était pleinement conscient de les recevoir en paiement du prix de la cession des actions.
Qu’en les ayant ainsi gardé, il entendait donner suite à la promesse de vente faite à monsieur MYAOUENUH A. Damase conformément aux dispositions de l’article 1589 du code civil et se trouve alors mal venu aujourd’hui pour contester la validité de la cession d’actions.
Que de ce précède, il y a lieu de déclarer la cession des actions intervenue entre OUATTARA Héma Bakary et MYAOUENUH A. Damase le 30 novembre 1998 valable.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
En la forme
Déclare les appels des parties recevables pour avoir été interjetés dans les forme et délai prévues par la loi.
Au fond
Infirme le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société STAD S.A et MYAOUENUH A. Damase en leur demande reconventionnelle en validation de cession d’actions.
Déclare valable la cession d’actions du 27 novembre 1998 faite par monsieur OUATTARA Héma Bakary tant en son nom propre que comme mandataire de son épouse, Bintou OUATTARA et de monsieur KONDET Idrissa.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.
Condamne OUATTARA Héma Bakary aux dépens.