J-09-12
DROIT CIVIL – RESPONSABILITE CIVILE – ASSIGNATION EN RESPONSABILITE DELICTUELLE – REFECTION DE ROUTE – UTILISATION D’EAU DE BARRAGE – PENURIE – DESSECHEMENT D’ARBRES FRUITIERS – BRUIT DES TRAVAUX – BAISSE DE PONTE – DOMMAGES ET INTERETS – DEFAUT DE PREUVE – ACTION MAL FONDEE – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – IMMOBILISATION D’UNE MOTO POMPE – PREJUDICE SUBI – REPARATION (OUI) – PROCEDURE ABUSIVE ET VEXATOIRE – DOMMAGES ET INTERETS (NON) – APPEL.
RAPPORTS D’EXPERTISE – DESSECHEMENT DES ARBRES – CAUSE INCERTAINE – TRAVAUX D’INTERET GENERAL – FAUTE DU DEFENDEUR (NON) – TAUX DE PONTE – ABSENCE DE CAHIER DE CHARGE – EVALUATION DU PREJUDICE – INCERTITUDE – DROIT DE RETENTION – ARTICLES 41 ET 42 AUS – IMMOBILISATION SANS DROIT NI TITRE – ARTICLE 1382 CODE CIVIL – REPARATION DU PREJUDICE (OUI) – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Selon les dispositions des articles 41 et 42 AUS, le titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible qui détiendrait légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue.
En l’espèce, la créance dont se prévaut l’appelant n’étant ni certaine, ni liquide, ni exigible et qu’en outre, il ne détient pas légitimement le bien concerné, il y a donc préjudice qu’il faut réparer conformément aux dispositions de l’article 1382 du code civil.
Article 41 AUS ET SUIVANTS
Article 1382 CODE CIVIL BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 101 du 05 novembre 2004, NABA Arsène c/ La société DTP/CSE).
LA COUR
Vu le jugement n 10 du 14 mars 2003.
Vu l’appel de NABA Arsène en date du 14 mai 2003.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations.
Après en avoir délibéré conformément à la loi
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 28 août 2002, monsieur NABA Arsène a, par exploit d’huissier de justice, donné assignation à la société DTP/CSE d’avoir à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Fada N’Gourma pour la voir condamner à lui payer la somme de 1.167.500 F en réparation des préjudices subis du fait de leurs travaux et voir ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Il expose que la dite société effectue des travaux de réfection de la route Ouaga-Koupèla-Piéga et a, dans le cadre de ses travaux, utilisé l’eau du barrage de Diapangou, de sorte que ses arbres fruitiers ont desséchés par manque d’eau.
Qu’en outre, le bruit des moto pompes et des camions citernes ont stressé ses poules pondeuses entraînant ainsi une baisse de la ponte.
La DTP/CSE résiste aux prétentions de NABA Arsène en expliquant qu’elle a obtenu l’accord des villageois de Diapangou pour utiliser l’eau du barrage et que le demandeur n’apporte pas la preuve de ce que le dessèchement de ses arbres est lié à l’utilisation de l’eau du barrage.
Qu’en plus, ne disposant pas d’un cahier de charge, NABA Arsène demeure incapable d’évaluer le taux de ponte de ses poules et qu’au total, il n’apporte aucunement la preuve de l’existence de son préjudice.
Reconventionnellement, elle demande à ce que le demandeur soit condamné à lui payer la somme totale de 6.037.750 F sur le fondement de l’article 1382 du code civil au motif que celui-ci a procédé sans aucun titre à l’immobilisation d’une de ses moto pompes et la somme de 1 000 000 F pour procédure, abusive et vexatoire.
A l’audience du 14 mars 2003, le Tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
déclare la demande recevable.
déboute NABA Arsène de sa demande de dommages et intérêts comme étant mal fondée.
condamne NABA Arsène à payer à DTP/CSE la somme de 50 000 F en réparation du préjudice subi du fait de l’immobilisation de la moto pompe et déboute le groupement du surplus de sa demande.
déboute le groupement DTP Terrassement/CSE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
condamne NABA Arsène aux dépens.
Le 14 mai 2003, monsieur NABA Arsène interjetait appel contre la décision suscitée pour voir infirmer le jugement entrepris en alléguant que le dommage et le principe de sa réparation sont reconnus par la société DTP/CSE qui propose à cet effet un montant contesté par lui.
Qu’il appartient à la Cour d’arrêter le montant normal au regard des différentes expertises versées au dossier.
Que s’agissant de l’immobilisation de la moto pompe, les articles 41 et 42 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés consacrent définitivement le droit de rétention comme une sûreté d’application générale.
En réplique, le groupement DTP/CSE conclut à la confirmation pure et simple du jugement attaqué en ce qu’il a débouté NABA Arsène de ses prétentions en soutenant qu’il n’a commis aucune faute ayant entraîné un préjudice quelconque à ce dernier. Il sollicite le voir condamner à payer 6.037.750 F au titre de l’immobilisation de la moto pompe et celle de 1 000 000 F pour procédure abusive et vexatoire.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la Cour d’appel du 06 juin 2003 et renvoyée au rôle général pour la mise en état; que l’ordonnance de clôture étant intervenue le 25 février 2004, l’affaire était appelée à nouveau à l’audience du 05 mars 2004 et renvoyée à celle du 19 mars pour aviser l’appelant et son conseil.
Qu’à cette date, l’affaire a été mise en délibéré pour le 07 mai 2004 mais le délibéré a été rabattu pour une nouvelle composition de la Cour; qu’après quelques renvois, l’affaire a été de nouveau mis en délibéré pour arrêt être rendu au 16 juillet 2004 et successivement prorogé jusqu’au 05 novembre 2004 où il a été vidé en ces termes.
DISCUSSION
En la forme
Attendu que par exploit d’huissier de justice en date du 14 mai 2003, monsieur NABA Arsène a interjeté appel contre un jugement contradictoire, rendu le 14 mars 2004; que cet appel remplit toutes les conditions de forme et de délai prévues par la loi pour être déclaré recevable.
Au fond
Sur la responsabilité civile de la DTP/CSE
Attendu qu’aux termes de l’article 1382 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Qu’en l’espèce, l’appelant reproche au jugement entrepris d’une part, de ne lui avoir pas alloué des dommages et intérêts pour le dessèchement de ses arbres fruitiers et d’autre part, de lui avoir refusé une indemnité conséquente pour la baisse de ponte de ses poules.
Que cependant, il résulte des débats et des pièces du dossier, notamment des rapports d’expertise d’une part, que la cause du dessèchement des arbres est incertaine; que quand bien même il serait dû au manque d’eau, l’on ne saurait reproché une quelconque faute à la société DTP/CSE car elle a agit dans l’intérêt général des habitants du village qui, après leur autorisation concertée, ont permis à la dite société d’utiliser l’eau du barrage pour les travaux de bitumage.
Que ce faisant, elle n’a commis aucune faute susceptible d’être à l’origine du dommage subi par Monsieur NABA Arsène du fait du dessèchement de ses arbres.
Que d’autre part, il résulte des mêmes rapports d’expertise que s’il est constant que l’état de stress dû au bruit des motopompes peut entraîner une baisse de ponte, l’absence de cahier de charge pouvant permettre d’apprécier le taux de ponte des poules de monsieur NABA Arsène, avant et après les faits incriminés, n’est pas à mesure de faciliter la Cour dans une évaluation certaine du préjudice subi.
Qu’il s’en suit que la responsabilité civile de la société DTP/CSE ne saurait être retenue et qu’il y a lieu de débouter monsieur NABA Arsène de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la société DTP/CSE demande la condamnation de monsieur NABA Arsène au paiement de la somme de 6.037.750 F au titre de l’immobilisation de sa moto pompe et celle de un million (1 000 000) francs pour procédure abusive et vexatoire.
Qu’en réponse, NABA Arsène soutient que l’immobilisation de la motopompe de l’intimée l’a été en application des dispositions des articles 41 et 42 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés qui consacrent définitivement le droit de rétention comme une sûreté d’application générale.
Mais attendu que selon les dispositions des articles 41 et 42 de l’Acte uniforme suscité, le titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible et qui détiendrait légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue.
Qu’en l’espèce, la créance dont se prévaut l’appelant n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible; qu’en outre, il ne détenait pas légitimement la motopompe concernée.
Que c’est donc sans droit ni titre qu’il a immobilisé la moto pompe de l’intimé, lui occasionnant ainsi un préjudice qu’il faut réparer conformément aux dispositions de l’article 1382 du code civil; que la somme de 50 000 F accordée par les premiers juges constitue une juste réparation du préjudice subi.
Que s’agissant des dommages et intérêts demandés par l’intimée pour procédure abusive et vexatoire, il est un principe fondamental en droit que tout citoyen a le loisir de saisir les juridictions nationales à l’effet de faire entendre sa cause.
Qu’en l’espèce, la société DTP/CSE ne prouve pas en quoi l’exercice du droit d’ester en justice par NABA Arsène revêt un caractère abusif et dilatoire; qu’il y a donc lieu de la débouter de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
En la forme
Déclare l’appel de NABA Arsène recevable.
Au fond
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Condamne NABA Arsène aux dépens.