J-09-13
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – VENTE D’USINE – AVIS D’APPEL D’OFFRE INTERNATIONAL – CREANCIER – DEMANDE D’ANNULATION – REQUETE SANS SUITE – ORDONNANCE D’AUTORISATION DE VENTE – OPPOSITION – ACTION MAL FONDEE – APPEL – ACTE D’APPEL – EXCEPTION DE NULLITE – REJET (OUI) – RECEVABILITE DE L’APPEL (OUI).
DEMANDE DE CONTESTATION – ARTICLE 40 AUPCAP – SILENCE DU JUGE COMMISSAIRE – DECISION DE REJET IMPLICITE – DELAI DE L’OPPOSITION – EXPIRATION – ACQUIESCEMENT IMPLICITE (OUI) – CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE – RENONCIATION TACITE (OUI).
REVENDICATION DE MOBILIERS – ARTICLE 103 AUPCAP – ÉQUIPEMENTS ET OBJETS MOBILIERS – TRANSFORMATION – ARTICLES 524 ET 525 DU CODE CIVIL – IMMEUBLES PAR DESTINATION (OUI) – REVENDICATION MAL FONDEE – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Le juge commissaire, saisi d’une demande de contestation ou de revendication, est tenu de statuer dans un délai de huit jours et, à défaut, l’on considère qu’il a rendu une décision implicite de rejet de la demande. Ces décisions du juge commissaire peuvent être frappées d’opposition formée par simple déclaration au greffe dans les huit jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l’alinéa premier de l’article 40 AUPCAP. Le demandeur qui n’a pas réagi à l’expiration du délai imparti au juge pour se prononcer, le silence du juge commissaire valant rejet implicite de sa demande, a, en réalité, acquiescé de manière implicite à l’avis d’appel d’offre et a, par la même occasion, renoncé au bénéfice de son droit de réserve de propriété.
Dans tous les cas, il ne dispose d’aucune base légale pour revendiquer les équipements et objets mobiliers qui sont devenus immeubles par destination et indissociables du reste de l’usine avec lequel ils forment un ensemble indivisible.
Article 524 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANT
Article 322 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 10 du 16 janvier 2004, Société des ciments d’Abidjan (S.C.A) c/ Société des ciments et matériaux du Burkina (CIMAT)).
LA COUR
Vu le jugement n 701/2002 du 26 juin 2002.
Vu l’appel de la S.C.A en date du 08 juillet 2002.
Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La Société des ciments et matériaux du Burkina, en abrégé CIMAT, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 08 août 2001 et la société des ciments d’Abidjan, en abrégé S.C.A, ainsi que la direction générale des Impôts furent nommés contrôleurs.
Le 31 octobre 2001, un avis était publié dans le journal « le Pays » en vue de la vente de l’usine par les syndics-liquidateurs.
Le 08 novembre 2001, la S.C.A adressait au juge commissaire une contestation tendant à la rétractation de son ordonnance autorisant la vente de l’usine au motif qu’elle serait créancière propriétaire du centre de broyage de clinker mais, aucune suite n’a été donnée à cette requête.
Le 15 décembre 2001, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou révoquait la S.C.A de sa qualité de contrôleur à la requête des syndics liquidateurs.
Le 23 janvier 2002, l’usine était cédée à la société West African ciment S.A suivant ordonnance n 0224 du juge commissaire.
La Société des ciments d’Abidjan formait alors opposition contre l’ordonnance ayant autorisé la vente le 11 avril 2002 en expliquant qu’elle est titulaire d’une créance sur la société des ciments et matériaux du Burkina, assortie d’un droit de réserve de propriété à hauteur de 7.243.143,125 F CFA en vertu d’une sentence arbitrale du 17 août 1998 exéquaturée par une décision du Tribunal de grande instance de Ouagadougou en date du 13 janvier 2001 et qu’elle réclame la restitution de son matériel. Elle ajoute que le 05 février 2002, elle adressait une requête au juge commissaire afin d’être admise sur l’état des créances en sa qualité de propriétaire et qu’elle fut surprise d’apprendre que la vente de l’usine avait été autorisée.
Elle sollicite en conséquence que son action soit déclarée recevable, l’ordonnance querellée n’ayant pas fait l’objet de dépôt au greffe et que ladite ordonnance soit purement et simplement annulée.
Les syndics-liquidateurs opposent principalement une fin de non-recevoir sur le fondement de l’article 322 du code de procédure civile et concluent subsidiairement au rejet de la demande en application de l’article 103 de l’Acte uniforme portant sur les procédures collectives d’apurement du passif en soutenant que les machines ont subi des transformations et sont devenues actuellement des biens immobiliers.
A l’audience du 26 juin 2002, le Tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
en la forme, déclare l’opposition faite par la S.C.A à l’ordonnance du juge commissaire de la liquidation CIMAT ayant autorisé la vente de l’usine de production de ciments recevable.
au fond, déboute la S.C.A de sa demande comme étant mal fondée et ce conformément aux dispositions des articles 525 du code civil et 103 du traité OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
condamne S.C.A aux dépens.
Le 08 juillet 2002, la Société des ciments d’Abidjan relevait appel contre la décision suscitée pour voir infirmer le jugement attaqué pour violation de l’article 1599 du code civil, articles 85 et 86 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
En réplique, les syndics liquidateurs de la CIMAT concluent principalement à la nullité de l’acte d’appel du 08 juillet 2002 sur la base des articles 100 et 550 du code de procédure civile pour absence de date de la décision attaquée et subsidiairement à la confirmation du jugement querellé parce que la S.C.A a acquiescé d’une part à l’appel d’offre et renoncé tacitement à son droit de propriété et d’autre part, parce que les biens litigieux n’existent plus en nature.
Attendu que l’affaire a été enrôlée à l’audience publique ordinaire de la Cour d’appel du 30 août 2002 et renvoyée au rôle général pour la mise en état; que l’ordonnance de clôture étant intervenue le 23 juin 2003, elle a été appelée à nouveau à l’audience du 04 juillet 2003 et renvoyée à celle du 1er août 2003 pour aviser le cabinet d’avocats DABIRE – TOE.
Qu’à cette date, l’affaire a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 21 novembre 2003 mais le délibéré a été prorogé au 16 janvier 2004, date à laquelle la Cour a statué en ces termes :
DISCUSSION
En la forme
Attendu que la Société des ciments d’Abidjan a interjeté appel le 08 juillet 2002 contre un jugement rendu contradictoirement le 26 juin 2002; que cet appel remplit toutes les conditions de forme et de délai prévues par la loi pour être déclaré recevable.
Au fond
Sur l’exception de nullité de l’acte d’appel
Attendu que les syndics liquidateurs soulèvent in limine litis la nullité de l’acte d’appel de la S.C.A au motif que celui-ci n’indique pas la date à laquelle la décision attaquée a été rendue alors que la date d’un jugement constitue une formalité substantielle susceptible d’affecter la validité de l’acte au sens des articles 100 et 550 du code de procédure civile.
Mais attendu qu’il est aisé de constater sur l’acte incriminé lui-même qu’il est bien précisé ceci : « .. ma requérante interjette formellement appel par les présentes, du jugement contradictoirement rendu le 26 juin 2001 »; que c’est donc à tort que les intimés soulèvent l’exception de nullité de l’acte d’appel pour absence de date de la décision et qu’il y a lieu de rejeter l’exception de nullité soulevée.
De l’acquiescement à la décision de rejet et de la renonciation tacite à son droit de propriété par la S.C.A
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 1er de l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « le juge commissaire statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence, dans le délai de huit jours à partir de sa saisine. Passé ce délai, s’il n’a pas statué, il est réputé avoir rendu une décision de rejet de la demande »; que l’alinéa 3 du même article précise que : « Elles (les décisions du juge commissaire) peuvent être frappées d’opposition formée par simple déclaration au greffe dans les huit jours de leur dépôt ou de leur notification ou suivant le délai prévu à l’alinéa premier du présent article ».
Qu’il en découle que le juge commissaire, saisi d’une demande de contestation ou de revendication, est tenu de statuer dans un délai de huit jours et, à défaut, l’on considère qu’il a rendu une décision rejetant la demande; que de même lorsqu’il rend une décision explicite, celle-ci est susceptible d’opposition dans un délai de huit jours, mais par contre, lorsque la décision est implicite, le demandeur dispose de huit jours supplémentaires, à partir du jour où le juge commissaire est réputé avoir rendu une décision de rejet, pour former opposition.
Qu’en l’espèce, il est constant que le 08 novembre 2001 et en application de l’article 40 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la Société des ciments d’Abidjan (S.C.A) a demandé au juge commissaire l’annulation de l’avis d’appel d’offre international au motif que celui-ci n’a pas tenu compte du fait qu’elle est titulaire d’une créance sur la CIMAT assortie d’un droit de réserve de propriété et qu’elle entendait en outre, exercer son droit de propriété sur les équipements, matériaux et fournitures livrés pour la réalisation du centre de broyage de Clinker.
Qu’à l’expiration du délai de huit jours imparti au juge pour se prononcer, la S.C.A qui avait la possibilité de former opposition, le silence du juge commissaire valant rejet implicite de sa demande, n’a nullement réagi; que ce faisant, elle a, en réalité, acquiescé de manière implicite à l’avis d’appel d’offre et a, par la même occasion, renoncé au bénéfice de la clause de réserve de propriété qui avait été antérieurement convenu entre elle et la Société des ciments et matériaux du Burkina (CIMAT) (art. 322, 323 et 324 du C.P.C).
De la nature des biens revendiqués
Attendu que selon les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 103 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « peuvent être également revendiqués, les marchandises et les objets mobiliers, s’ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au registre du commerce et du crédit mobilier ».
Qu’il ressort clairement de ce texte de loi que les marchandises et effets mobiliers ne peuvent faire l’objet de revendication que s’ils se retrouvent en nature; autrement dit, qu’ils n’aient pas subi d’altération ou de transformation.
Qu’en l’espèce, les équipements matériaux et fournitures livrés pour la réalisation du centre de broyage de Clinker par la CIMAT et qui font l’objet de la revendication par la S.C.A ont été acquis il y a plus de dix années de cela; qu’il est par conséquent évident que l’on ne saurait les retrouver à ce jour en nature, du fait de l’usure pour les uns qui ont dû être remplacés et du fait que certains ont subi une véritable transformation en vue de les rendre conformes à la structure et au système de fonctionnement de l’usine.
Que de fait, les équipements et objets mobiliers dont la revendication est faite sur le fondement de la clause de réserve de propriété sont devenus des immeubles par destination au sens des articles 524 et 525 du code civil qui stipulent que les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds ou encore, tous effets mobiliers qu’il a attachés au fonds à perpétuelle demeure sont des immeubles par destination.
Que de suite, l’article 525 du même code précise en son alinéa 1er que : « le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment ou lorsqu’ils ne peuvent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser la partie du fonds à laquelle ils sont attachés »; que ces équipements et objets mobiliers étant devenus immeubles par destination et indissociables du reste de l’usine avec lequel ils forment un ensemble indivisible, c’est alors à tort que la Société des ciments d’Abidjan les revendique sur la base de l’article 40 de l’Acte uniforme ci-dessus cité.
Attendu que de tout ce qui précède, la S.C.A n’a aucune base légale pour solliciter l’annulation de l’ordonnance du 23 janvier ayant autorisé la cession globale de l’usine CIMAT ou pour valablement revendiquer les équipements et objets mobiliers cédés à l’usine.
Qu’en l’ayant déboutée de son action comme étant mal fondée, le premier juge a fait une bonne et juste application du droit dans les faits de la cause et sa décision mérite d’être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
En la forme
Déclare l’appel de la Société des ciments d’Abidjan, en abrégé S.C.A, recevable.
Au fond
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions.
Condamne la S.C.A aux dépens.