J-09-15
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LICENCIEMENT ABUSIF – DOMMAGES ET INTERETS – LIQUIDATION DES BIENS – ACTION EN PAIEMENT – SYNDIC LIQUIDATEUR – DEFAUT DE QUALITE – ACTION IRRECEVABLE – APPEL – ACTE D’APPEL – EXCEPTION DE NULLITE – VICE DE FORME – DEFAUT DE PREUVE DE PREJUDICE – RECEVABILITE DE L’APPEL (OUI).
SYNDIC – ARTICLE 53 AL. 3 AUPCAP – REPRESENTATION DU DEBITEUR – DEFAUT DE QUALITE DE L’INTIME (NON) – ACTION BIEN DIRIGEE – CLOTURE DE LA LIQUIDATION – RESPONSABILITE DU SYNDIC – ARTICLE 43 AL. 1 AUPCAP – DROIT COMMUN – CREANCIERS – ARTICLE 78 AUPCAP – NON PRODUCTION DES CREANCES – FORCLUSION – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Les syndics sont civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun. Cette responsabilité ne s’éteint pas donc avec la clôture de la liquidation.
Dans le cas d’espèce, la responsabilité du syndic liquidateur ne saurait être engagée puisque les créanciers, munis d’un titre de créance résultant du contrat de travail, obtenu antérieurement à la décision d’ouverture, n’ont pas satisfait à l’obligation de produire leurs créances auprès du syndic conformément à l’article 78 AUPCAP.
Article 43 AUPCAP
Article 53 AUPCAP
Article 78 AUPCAP
Article 140 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 73 du 17 juin 2005, KUELA Nathalie et 03 autres c/ Syndic liquidateur du PPPCR).
LA COUR
Vu le jugement n 129/2003 du 19 mars 2003
Vu l’appel de KUELA Nathalie et 03 autres en date du 02 avril 2003.
Vu les autres pièces du dossier
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations.
Faits, Procédure, Prétentions et moyens des parties
Le Projet de promotion de petit crédit rural (PPPCR) est une structure d’octroi de petits crédits qui a démarré ses activités en 1989.
En 1998, suivant un rapport d’audit des comptes du cabinet Ernest et Young, le projet a accumulé un déficit d’exploitation de l’ordre de cent soixante millions de francs et était donc en situation de cessation de paiement.
Le conseil du Projet a donc décidé le 05 mai 1999 de l’arrêt total des activités du projet le 31 mai 1999 et le cabinet SAWADOGO Harouna désigné comme liquidateur.
KUELA Nathalie, BENAO née BOLY Aminata, OUEDRAOGO Hyacinthe et KANTE Harouna avaient été, auparavant, l’objet d’un licenciement jugé abusif par le tribunal du travail de Ouagadougou et confirmé par la Cour d’appel qui condamnait par conséquent le projet à leur payer à titre de dommages et intérêts, la somme totale de quatre millions neuf cent quatre mille deux cent quarante (4.904.240) francs.
Par acte d’huissier de justice du 15 juin 2001, Madame KUELA Nathalie et les 3 autres ont donné assignation à maître SAWADOGO Harouna, syndic liquidateur du PPPCR, à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou à l’effet de le voir condamner à leur payer la somme de quatre millions neuf cent quatre mille deux cent quarante (4.904.240) francs montant en principal de leur créance, outre les intérêts et frais, et ce, en sa qualité de syndic liquidateur.
Le 19 mars 2003, le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, rendait la décision en ces termes :
déclare l’action de KUELA Nathalie et trois autres irrecevable pour défaut de qualité du défendeur.
les condamne aux dépens.
Contre cette décision, KUELA Nathalie et les trois autres ont relevé appel le 02 avril 2003 pour voir infirmer le jugement entrepris.
Ils soutiennent que maître SAWADOGO Harouna en sa qualité de syndic liquidateur représentait le débiteur dans tous les actes conformément à l’article 53 alinéa 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’Apurement du passif qui dispose que : « les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés, pendant toute la durée de la liquidation des biens par le syndic agissant seul en représentation du débiteur ».
Qu’en outre, l’article 43 du même acte dispose que : « le ou les syndics ont la qualité de mandataires rémunérés et sont civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun, sans préjudice de leur responsabilité pénale ».
Que par conséquent, il y a lieu de les déclarer recevable en leur action.
Ils arguent par ailleurs que le caractère abusif de leur licenciement a été reconnu par le tribunal de travail de Ouagadougou par décision du 24 août 1999 condamnant l’employeur à leur payer la somme de 4.904.240 F et confirmé par un arrêt du 27 août 2000 de la Cour d’appel de Ouagadougou; que maître SAWADOGO en sa qualité de syndic liquidateur avait pour mission l’apurement du passif du projet et partant, le paiement des droits des travailleurs.
Qu’à ce titre, il engageait sa responsabilité tant civile que pénale.
Ils expliquent que pour échapper à cette responsabilité, le syndic use de moyens dilatoires en prétendant que les requérants n’ont pas produit leurs créances; que cependant, il s’agit d’une créance assimilée au salaire considérée comme créance privilégiée et comme telle n’est pas soumise à production, et ce conformément à l’article 95 de l’Acte uniforme.
Que bien que n’étant pas soumis à une obligation de produire, ils ont adressé une lettre au directeur du PPPCR afin de lui rappeler leur créance.
Que la méconnaissance de ces dispositions de l’Acte uniforme implique la responsabilité du syndic qui doit répondre personnellement des préjudices par eux subis.
Qu’ils se retrouvent depuis plusieurs années sans revenus.
Qu’il y a lieu infirmer le jugement entrepris, dire que la responsabilité de maître SAWADOGO Harouna, syndic est engagée et le condamner à leur payer leur dû.
En réplique, maître Harouna SAWADOGO conclut in limine litis à la nullité de l’acte d’appel en ce qu’il n’a pas donné l’identité des trois (03) autres; cette formalité étant substantielle.
Que subsidiairement, la qualité de syndic prend fin avec la clôture de la liquidation matérialisée par le dépôt du rapport de clôture suivi par un quitus; qu’à la date du 15 juin 2002, date à laquelle les appelants ont introduit la présente action, il n’était plus syndic liquidateur du PPPCR; que cette qualité ne saurait survivre à la clôture des opérations de liquidation.
Il expose que les appelants avaient une obligation de produire; que la nature de leur créance ne les dispensait aucunement de la production exigée par la loi suivant les dispositions de l’article 78 de l’Acte uniforme suscité.
Il excipe qu’il ne saurait répondre d’une responsabilité quelconque car le syndic liquidateur n’est tenu de régler que les créances régulièrement produites dans les délais impartis par la loi; encore faut-il que l’actif soit suffisant pour apurer le passif.
Que dès lors, il convient confirmer le jugement querellé.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la chambre civile de la Cour d’appel de Ouagadougou du 10 avril 2003 et renvoyée à la mise en état.
Qu’après l’ordonnance de clôture en date du 1er janvier 2005, l’affaire a été de nouveau enrôlée pour l’audience du 19 novembre 2004, puis renvoyée à la date du 03 décembre 2004, date à laquelle elle fut retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 04 février 2005; qu’à cette date, le délibéré a été rabattu et le dossier renvoyé successivement aux audiences des 18 février et 04 mars 2005 où il a été à nouveau mis en délibéré au 1er avril 2005; qu’après quelques prorogations, le délibéré a été vidé le 17 juin 2005 en ces termes.
DISCUSSION
En la forme
Attendu que l’intimé soulève l’exception de nullité de l’acte d’appel pour vice de forme.
Que cependant l’article 140 du code de procédure civile stipule que : « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge par celui qui l’invoque de prouver le préjudice que lui cause l’irrégularité même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».
Que maître SAWADOGO Harouna étant dans l’impossibilité matérielle d’apporter, en l’espèce la preuve du préjudice que lui cause l’irrégularité de l’acte, il convient de rejeter l’exception soulevée.
Attendu que KUELA Nathalie et trois autres ont relevé appel dans les formes et délais prescrits par la loi qu’il convient déclarer leur appel recevable.
Au fond
Du défaut de qualité de l’intimé
Attendu qu’il n’est pas contesté que maître SAWADOGO Harouna a été désigné en qualité de syndic liquidateur du PPPCR; qu’en cette qualité, il représentait le débiteur dans tous les actes conformément à l’article 53 alinéa 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif qui dispose que : « les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés, pendant toute la durée de la liquidation des biens, par le syndic agissant seul en représentation du débiteur »; que dès lors, l’action des appelants est bien dirigée.
De la responsabilité de l’intimé
Attendu par ailleurs que; que l’article 43 alinéa 1 du même acte, en sanctionnant les fautes commises par le syndic dispose que « le ou les syndics ont la qualité de mandataires rémunérés et sont civilement responsables de leurs fautes dans les termes du droit commun ».
Attendu que la prescription de l’action civile en droit commun ne saurait se confondre avec la fin d’une activité, encore moins le dépôt d’un rapport.
Attendu cependant que l’article 78 de l’Acte uniforme dispose que : « A partir de la décision d’ouverture et jusqu’à l’expiration d’un délai de trente jours suivant la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales prévue par l’article 36 ci-dessus, ou suivant celle faite au journal officiel prévue par l’article 37 ci-dessus, lorsque celle-ci est obligatoire, tous les créanciers chirographaires ou munis de sûretés composant la masse doivent sous peine de forclusion, produire leurs créances auprès du syndic.
La même obligation est faite au créancier qui, muni d’un titre de créance, a introduit, avant la décision d’ouverture, une procédure en condamnation en vertu d’un titre, ou, à défaut d’un titre, pour faire reconnaître son droit ».
Attendu que KUELA Nathalie et 3 autres étaient munis d’un titre de créance résultant du contrat de travail, obtenu antérieurement à la décision d’ouverture, que l’obligation de produire leur était applicable.
Attendu que l’obligation de produire les créances antérieures à la décision d’ouverture de la procédure collective a pour objet de porter à la connaissance du syndic l’existence d’une créance et d’en être saisi, qu’elle soit chirographaire, privilégiée ou munie de super privilège.
Attendu que la responsabilité de la non production des créances ne saurait être imputable au syndic.
Que de tout ce qui précède, il y a lieu confirmer le jugement querellé.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
En la forme
Déclare l’appel de KUELA Nathalie et 3 autres recevable.
Au fond
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamne KUELA Nathalie et les 3 autres aux dépens.