J-09-16
Voir OhadataJ-09-284
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – VENTE – JUGEMENT D’ADJUDICATION – TIERS PROPRIETAIRE – ACTION EN REVENDICATION de la parcelle – DECHEANCE – ACTION MAL FONDEE – APPEL – EXCEPTION DE FIN DE NON-RECEVOIR – CHOSE JUGEE – PROCEDURE DE SAISIE IMMOBILIERE – APPELANT – PARTIE A L’INSTANCE INITIALE (NON) – RECEVABILITE DE L’ACTION (OUI).
PROCEDURE DE SAISIE IMMOBILIERE – CONTESTATIONS ET INCIDENTS – APPELANT – PARTIE A LA PROCEDURE DE SAISIE (NON) – APPLICATION DES ARTICLES 299 ET 308 AUPSRVE (NON) – VENTE DE LA PARCELLE – DEMANDE PRINCIPALE – VENTE DE LA CHOSE D’AUTRUI – ARTICLE 1599 CODE CIVIL – PRESCRIPTION DE L’ACTION (NON) – NULLITE DE LA VENTE (OUI) – INFIRMATION DU JUGEMENT – PAIEMENT DES LOYERS – EXPULSION.
Les dispositions des articles 299 et 308 AUPSRVE relatives à tous les incidents pouvant survenir au cour de la procédure de saisie immobilière ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce car le tiers propriétaire n’a jamais été appelé dans la procédure de saisie immobilière, avant l’audience éventuelle, ni après et n’avait pas non plus été informé de l’existence de ladite procédure. Il introduit une demande principale contre l’acquéreur en raison de la vente de la parcelle dont il en est propriétaire sur le fondement de l’article 1599 du code civil qui dispose que « la vente de la chose d’autrui est nulle; elle peut donner lieu à des dommages intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fut à autrui ».
Article 299 AUPSRVE
Article 308 AUPSRVE
Article 1304 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1599 CODE CIVIL BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 20 du 18 février 2005, SAWADOGO Pelga dit Boukary c/ Société TAMOIL).
LA COUR
Vu le jugement n 158/2003 du 02 avril 2003.
Vu l’appel de SAWADOGO P. Boukary en date du 09 avril 2003.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens observations.
Après en avoir délivré conformément à la loi.
Faits, Procédure, Prétentions et moyens des Parties
Monsieur SAWADOGO Pelga dit Boukary déclare être propriétaire de la parcelle N du lot 104, sise au secteur 11 du centre loti de la ville de Ouagadougou, objet du permis urbain d’habiter (PUH) n 0116744/187 du 05 février 1989, établi à son nom.
Que par contrat en date du 17 août 1992, il donnait à bail ladite parcelle à la société TAGUI pour un loyer mensuel de 75 000 F tout d’abord et qui a été porté par la suite à 150 OOOF.
Que de retour d’un séjour à l’étranger, il a été surpris de constater la présence de la société TAMOIL sur les lieux et que considérant que celle-ci a succédé à TAGUI, il lu adressait alors une mise en demeure d’avoir à payer les loyers.
Que face au refus de la société TAMOIL de s’exécuter sous prétexte qu’elle aurait acquis la parcelle suite à un jugement d’adjudication, il lui donnait assignation par exploit d’huissier de justice en date du 15 mars 2002, d’avoir à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou à l’effet de la voir condamner à lui payer le montant des loyers dus depuis l’occupation des lieux, voir ordonner l’expulsion de la société TAMOIL des lieux à compter du jugement sous astreinte de 50 000 F par jour de retard, la voir condamner au paiement de la somme de 1 000 000 F au titre de l’article 6 de la loi du 17 mai 1993 et voir ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Il soutient en outre que le jugement invoqué ne concerne pas sa parcelle et qu’à supposer que la vente soit relative à sa parcelle, cette vente serait légalement nulle car aux termes de l’article 1599 du code civil, la vente de la chose d’autrui est nulle.
La société TAMOIL soutient pour sa part, avoir acquis la parcelle en cause suite à une vente aux enchères, réalisée dans les conditions normales à savoir un jugement d’adjudication n 756 du 02 septembre 2001.
Qu’aux termes de l’article 308 al. 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées recouvrement et des voies d’exécution, « le tiers qui se prête propriétaire d’un immeuble saisi et qui n’est tenu personnellement de la dette, ni réellement sur l’immeuble saisi peut, pour le soustraire de la saisie, former une demande en distraction avant l’adjudication dans le délai prévu par l’article 299 al. 2 ».
Que l’article 299 précise ceci : « .. toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience, mais seulement, à peine de déchéance jusqu’au huitième jour avant l’adjudication ».
Que SAWADOGO Pelga dit Boukary n’ayant formé aucune demande conformément aux dispositions des articles ci-dessus cités, il convient de le débouter de sa demande comme étant mal fondée.
A l’audience du 02 avril 2003, le Tribunal rendait décision contradictoire dont la teneur suit :
en la forme, déclare l’action de SAWADOGO P. dit Boukary recevable.
au fond, l’en déboute comme étant mal fondée.
condamne SAWADOGO Pelga dit Boukary aux dépens.
Contre cette décision, SAWADOGO Pelga dit Boukary interjetait appel le 09 avril 2003 pour voir infirmer le jugement entrepris au motif d’une part, que le jugement du 12 septembre 2001 fait référence à une parcelle, objet d’un permis d’exploiter n 4180 du 23 octobre 1992 et dont la description serait la parcelle O ½ et N du lot 104 et ne concerne par conséquent pas sa parcelle qui est définie clairement comme la parcelle N du lot 104; d’autre part, que la vente de la chose d’autrui est nulle de plein droit (art. 1599 c.civ.) dans l’hypothèse où la vente concernait sa parcelle.
Que l’article 246 de l’Acte uniforme susvisé indique clairement que le créancier ne peut saisir que les bien immeubles de son débiteur alors que lui, SAWADOGO Pelga dit Boukary, n’est pas débiteur de la Société TAMOIL et la société TAGUI n’est pas non plus propriétaire de la parcelle concernée.
Qu’enfin, sa demande n’est ni une demande incidente ni une contestation tel qu’il est prévu à l’article 299 de l’Acte uniforme, mais plutôt une demande principale sur le fondement de l’article 1599 du code civil.
En réplique, la société TAMOIL conclut l’irrecevabilité de l’action de SAWADOGO Pelga dit Boukary pour autorité de la chose jugée conformément à l’article 146 du code de procédure civile.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la Cour d’appel du 02 mai 2003 et renvoyée au rôle général pour la mise en état; que l’ordonnance de clôture étant intervenue, l’affaire était appelée à nouveau à l’audience du 17 décembre 2004, date à laquelle elle a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 18 février 2005.
Qu’advenue cette date, la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes.
DISCUSSION
En la forme
Attendu que suivant exploit d’huissier de justice en date du 09 avril 2003, monsieur SAWADOGO Pelga dit Boukary interjeté appel du jugement rendu contradictoirement le 02 avril 2003; que cet appel remplit toutes les conditions de forme et délai prévues par la loi pour être déclaré recevable
Au fond
De l’autorité de la chose jugée
Attendu qu’au sens de la loi, tout jugement a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche; que cependant, pour que l’autorité de la chose jugée soit utilement invoquée, il faut tout d’abord qu’il s’agisse d’un jugement contentieux définitif et ensuite que soit nécessairement et cumulativement réunis les éléments suivants : l’identité des parties agissant en la même qualité, l’identité de la cause et l’identité d’objet.
Qu’est considéré comme partie par la jurisprudence toute personne ayant participé à l’instance initiale, en qualité de demandeur, défendeur ou intervenant (Cass. soc., 28 janv. 1982, Bull. civ. V, n 53).
Attendu que dans le cas d’espèce, monsieur SAWADOGO Pelga Boukary dont la parcelle aurait été saisie, et vendue n’a jamais été appelé dans la procédure de saisie immobilière en qualité de défendeur ou d’intervenant; que n’ayant jamais été partie à l’instance initiale, la société TAMOIL est mal venue pour invoquer le bénéfice de l’autorité de la chose jugée pour s’opposer à la demande de
SAWADOGO Pelga Boukary et il convient dès lors, rejeter l’exception soulevée et déclarer l’appel recevable
De la vente de la parcelle
Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué d’avoir débouté l’appelant de sa demande au motif que suivant les dispositions des articles 299 et 308 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, il serait frappé de déchéance pour action, postérieurement à l’audience d’adjudication, en revendication de la parcelle adjugée.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 308 de l’Acte uniforme suscitée, « le tiers qui se prétend propriétaire d’un immeuble saisi et qui n’est tenu ni personnellement de la dette ni réellement sur l’immeuble, peut, pour le soustraire à la saisie, former une demande en distraction avant l’adjudication dans le délai prévu par l’article 299 ».
Que l’article 299 précise que : « les contestations ou demandes incidentes doivent, à peine de déchéance, être soulevées avant l’audience éventuelle.
Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement, à peine de déchéance, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication ».
Qu’il en découle que les dispositions de ces articles sont relatives aux différentes contestations et demandent incidentes issues de la procédure de saisie immobilière; en d’autres termes, de tous les incidents pouvant survenir au cour de la procédure de saisie immobilière ainsi qu’il est précisé dans l’Acte uniforme concerné sous la rubrique « les incidents de la saisie immobilière » au chapitre V (article 298 de l’Acte uniforme susvisé).
Qu’en l’espèce, ces articles ne trouvent pas à s’appliquer car monsieur SAWADOGO Pelga dit Boukary n’a jamais été appelé dans la procédure de saisie immobilière, avant l’audience éventuelle, ni après et n’avait pas non plus été informé de l’existence de ladite procédure.
Que de fait, il introduit une demande principale contre la société TAMOIL en raison de la vente de la parcelle dont il en est propriétaire sur le fondement de l’article 1599 du code civil qui énonce clairement que : « la vente de la chose d’autrui est nulle; elle peut donner lieu à des dommages intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fut à autrui »; que l’article 1304 du même code indique également que l’action en nullité se prescrit pour dix (10) ans.
Attendu que SAWADOGO Pelga Boukary n’est pas frappé dans son action par la prescription décennale prévue par l’article 1304 ci-dessus cité; qu’en outre, il résulte des débats et des pièces du dossier qu’il n’a ni donné son consentement à cette vente, ni ratifié postérieurement la dite vente.
Que dès lors, la société TAMOIL, acquéreur de la parcelle N du lot 104, objet du permis urbain d’habiter (PUH) n 0116744-187 du 05 février 1992 au nom de SAWADOGO Pelga Boukary, ne peut lui opposer la dite vente.
Attendu enfin que la parcelle, adjugée par jugement n 756 du 12 septembre 2001 à la société TAMOIL, est décrite comme étant la « parcelle O ½ Est et N du lot 104 du secteur 11 » de la commune de Baskuy, objet du permis d’exploiter n 4180 du 23 octobre 1992.
Attendu que la société TAGUI avait, par contrat, accepté d’occuper la parcelle N du lot 104 et appartenant à SAWADOGO P. Boukary contre paiement des loyers mensuels de 150 000 F.
Que de suite la société TAMOIL occupe actuellement les lieux et se refuse à payer les loyers alors qu’elle n’en est pas propriétaire; que ce comportement cause un trouble manifestement illicite à SAWADOGO Pelga Boukary qu’il convient de faire cesser en ordonnant son expulsion des lieux et en la contraignant au paiement des loyers depuis la date d’occupation des lieux.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort.
En la forme
Déclare l’appel de SAWADOGO Pelga dit Boukary recevable.
Au fond
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau, condamne la société TAMOIL à payer à SAWADOGO Pelga dit Boukary le montant des loyers (150 000 F par mois) ayant courus depuis l’occupation de lieux.
Ordonne en outre l’expulsion de la société TAMOIL des lieux, de ses biens, et de tous occupants de son chef.
Dit qu’il n’y a pas lieu à ordonner une astreinte.
Déboute SAWADOGO P. Boukary du surplus de sa demande.
Condamne la société TAMOIL aux dépens.