J-09-17
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GIE – MARCHES DE TRAVAUX PUBLICS – CONVENTIONS DE COLLABORATION – EXECUTION EN COMMUN DES TRAVAUX – DEFAILLANCE – RECONNAISSANCES DE DETTES – ASSIGNATION EN DECLARATION AFFIRMATIVE, EN VALIDITE ET EN PAIEMENT – DEFAUT D’INTERET – EXISTENCE D’UNE SOCIETE DE FAIT – DISSOLUTION – LIQUIDATION – DEMANDES RECONVENTIONNELLES – IRRECEVABILITE – APPEL.
SOCIETES COMMERCIALES – CREATION – CONVENTION ENTRE PARTIES – SOCIETE DE FAIT (NON) – SOCIETE EN PARTICIPATION (OUI) – ARTICLES 854 ET 855 AUSCGIE – APPLICATION (OUI) – OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES – EFFET – ARTICLES 1134 ET 1142 CODE CIVIL – LOI DES PARTIES – INFIRMATION DU JUGEMENT
Selon l’article 854 AUSCGIE, la société en participation « est celle dans laquelle les associés conviennent qu’elle ne sera pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier et qu’elle n’aura pas la personnalité morale. Elle n’est pas soumise à publicité ». L’article 855 AUSCGIE précise que les associés conviennent librement de l’objet, de la durée, des conditions du fonctionnement, des droits des associés, de la fin de la société en participation..
Dans le cas d’espèce, il y a un contrat à la base qui règle les conventions des parties. Il convient donc appliquer les règles de la société en participation, et se référer au contrat de base qui tient lieu de loi entre les parties contractantes conformément aux articles 1134 et 1142 et suivants du code civil.
Article 1134 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 1142 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANTS
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 57 du 20 mai 2005, Société togolaise de travaux publics (STTP) c/ SAS sa et SOMDA Jean de Dieu).
LA COUR
Vu le jugement n 058 du 25 février 2003.
Vu l’acte d’appel du 25 mars 2003.
Vu les pièces du dossier.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Faits, Procédure, Prétentions et moyens des parties
Le 21 février 2001, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu la décision contradictoire suivante :
en la forme : déclare les actions recevables, ordonne la jonction des différentes procédures, constate qu’il a existé une société de fait entre la SAS. SA et la STTP SARL.
prononce la dissolution de ladite société.
en conséquence, en ordonne la liquidation.
désigne monsieur SERE Souleymane, expert comptable judiciaire à l’effet de procéder aux opérations de liquidation.
nomme monsieur SOMBIE Etienne, juge au siège, juge commissaire.
déclare irrecevables pour défaut d’intérêt les actions en paiement de la SAS et de la STTP. En conséquence, ordonne mainlevée de toute saisie arrêt pratiquée par la STTP.
déclare irrecevables les demandes reconventionnelles de la STTP.
fait masse des dépens.
Contre toute décision, la STTP a fait relevé appel le 05 mars 2001 pour voir infirmer le jugement attaqué.
Elle expose que la SAS a été adjudicataire des marchés de travaux publics sur Nazinga et les pistes cotonnières dans l’ouest (Kouka); qu’étant dans l’impossibilité d’exécuter lesdits marchés, elle a sollicité la STTP afin de bénéficier d’appui technique et logistique; que pour ce faire, suivant acte sous seing privé en date du 3 novembre 1997, les parties ont convenu de la réalisation en commun des travaux de construction; que cette convention entre les parties réglait leurs relations de collaboration; qu’en outre, un contrat de location de matériel liait les deux parties.
Que dans le cadre de l’exécution des travaux, la STTP convoya tout le matériel et le personnel nécessaires sur les différents chantiers et entreprit la réalisation des travaux.
Que cependant, la SAS ne se souciait nullement d’honorer ses engagements; qu’ainsi des difficultés naissaient sur le chantier.
Que les vérifications contradictoires dégagèrent à leur profit au titre des frais divers respectivement des chantiers Nazinga et des pistes cotonnières les sommes de trente deux millions cent vingt trois mille trois cent trente six (32.123.336) F CFA et sept millions quatre cent vingt sept mille cinq cent (7.427.500) F CFA.
Que depuis les travaux de vérification qui ont pourtant eu lieu à l’initiative du directeur général de la SAS, ce dernier ne s’est nullement soucié du règlement des sommes dues.
Que pour se soustraire au paiement, monsieur Jean de Dieu SOMDA se contenta tout simplement de signer deux reconnaissances de dettes en date du 14 mars 1998.
Qu’après plusieurs procédures, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a, le 21 février 2001, rendu la décision contradictoire ci-dessus citée.
La Société togolaise de travaux publics reproche au jugement querellé la violation des articles 21 et 384 du code de procédure civile en ce qu’il a ignoré monsieur SOMDA Jean de Dieu aussi bien au niveau des motivations, du chapeau que du dispositif alors que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties qui sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense.
Que dans leurs exploits d’assignation en déclaration affirmative, en validité et en paiement en dates des 30 mars et 17 août 1998, monsieur Jean de Dieu SOMDA a été régulièrement cité au même titre que la SAS.
Qu’il apparaît donc que le juge ayant manqué de statuer sur tout ce qui a été demandé, le jugement doit être infirmé.
Elle soutient en outre que le jugement querellé doit encore être infirmé en ce qu’il a déclaré l’existence d’une société de fait et ordonné sa liquidation.
Que pour qu’il y ait société de fait, il faut des apports, une participation au bénéfice et aux pertes et l’affectio societatis.
Que pour les apports, c’est la STTP qui a apporté le matériel de chantier et la presque totalité du personnel; qu’en outre, les parties ne peuvent discuter de quelconques bénéfices ou pertes, dans la mesure où ce dont la STTP réclame ne constitue que les frais de location du matériel et autres frais de chantier; qu’enfin, l’affectio societatis est absent puisqu’il existait un contrat entre les parties portant sur l’exécution en commun des marchés en cause, ensuite un contrat de location de matériel; que le minimum d’affectio societatis recommanderait que chacune des parties mette du sien pour l’exécution de l’objet social.
Elle argue que sa réclamation principale en paiement constitue l’objet même de sa demande car il était expressément convenu entre les parties que l’exécution en commun des marchés se fera sous le « label commercial SAS SA devant les autorités et devant les tierces personnes ».
Qu’ainsi, l’exercice des activités et tout paiement dans le même cadre se faisaient par et entre les mains de la SAS conformément à la convention établie entre les parties et qui réglait leur rapport; que l’article 3 de la convention stipulait que les frais d’amortissements, les frais de chantier, de personnel, de pièces d’usure, de gasoil devraient être facturés par la STTP, le règlement des factures devant avoir lieu dans les 15 jours de leur dépôt.
Qu’à l’issu des vérifications faites par les deux services comptables, les montants de 32.123.336 et 7.427.500 F se dégagèrent au titre des frais sus indiqués au profit de la STTP.
Que les multiples démarches entreprises par la STTP pour le paiement n’aboutirent qu’à deux reconnaissances de dettes signées par SOMDA Jean de Dieu portant sur lesdits montants reconnus dont le total s’élève à la somme de 39.550.836 F CFA.
Que par ailleurs, la poursuite des travaux, notamment dans la région, a occasionné d’autres frais qui n’avaient pas été pris en compte lors des travaux de vérification.
Qu’il a fallu l’intervention de la brigade de gendarmerie de la ville de Pô qui assurait la garde du matériel pour que le personnel puisse quitter ladite ville.
Qu’elle a dû supporter la charge du rapatriement de son matériel sur le Togo après paiement par elle de toutes les sommes dues au titre de l’exécution du marché de Nazinga dont le montant est de 6.553.651 FCFA.
Que les sommes à elle dues pour le compte des deux marchés s’élèvent à la somme totale de quarante six millions cent quatre mille quatre cent vingt sept (46.104.487)francs CFA; qu’il plaira à la juridiction condamner la SAS et SOMDA Jean de Dieu au paiement.
Elle conclut que la défaillance de la SAS lui a été fortement préjudiciable.
Qu’elle a été convaincue en tant que société étrangère par la SAS à transférer son matériel et son personnel au Burkina; que cette dernière a encaissé les montants des différents marchés et en a jouit toute seule sans faire des frais et que de ce fait, elle-même n’a pu honorer ses engagements vis-à-vis de la Caisse française de développement – CFD –; qu’elle a subi des humiliations au Burkina Faso par l’intervention de la brigade de gendarmerie et la saisie de son matériel.
Que le préjudice tant moral, financier que commercial subi par elle ne saurait être estimé à moins de 50 000 000 F CFA dont elle sollicite la condamnation de la SAS et SOMDA Jean de Dieu au paiement.
Attendu que la SAS SA n’a pas déposé des écritures; que ce faisant, il n’a présenté aucun moyen de défense.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Ouagadougou du 06 avril 2001 et renvoyée à la mise en état.
Qu’après l’ordonnance de clôture en date du 08 novembre 2004, elle fut de nouveau enrôlée pour l’audience du 19 novembre 2004, puis renvoyée à la date du 07 janvier 2005, date à laquelle elle fut retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 04 mars 2005.
Qu’à cette date, le délibéré fut prorogé pour l’audience du 15 avril, puis le 06 mai 2005, date à laquelle la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes.
EN LA FORME
Attendu que la Société togolaise de travaux publics a interjeté appel dans les formes et délais prévus par la loi; qu’il convient déclarer son appel recevable.
AU FOND
Attendu que suivant l’article 864 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, « il y a société de fait lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés reconnues par le présent Acte uniforme ».
Qu’ainsi défini, la société de fait est celle ou deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir exprimé la volonté de former une société.
Que cette situation ne peut être appliquée au cas d’espèce, les parties ayant entendu créer une société et régler leurs conventions.
Attendu que la présente cause s’apparente à une société en participation; que la société en participation définie par l’article 854 du même acte « est celle dans laquelle les associés conviennent qu’elle ne sera pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier et qu’elle n’aura pas la personnalité morale. Elle n’est pas soumise à publicité ».
Que l’article 855 du même acte précise que les associés conviennent librement de l’objet, de la durée, des conditions du fonctionnement, des droits des associés, de la fin de la société en participation.
Attendu qu’il ressort des pièces versées au dossier que les parties ont, par acte sous seing privé en date du 3 novembre 1997, convenu de la réalisation en commun de travaux de construction; qu’ils ont convenu d’exercer les activités sous le label d’une autre société responsable vis-à-vis des tiers.
Que chaque partie a apporté seulement la jouissance de ces biens; que la société n’a aucun patrimoine propre.
Attendu donc qu’il s’agit d’une société secrète puisqu’elle n’a pas été immatriculée; que vis-à-vis des tiers c’est la SAS qui est responsable, celle créée n’ayant pas de personnalité morale; qu’il y a un contrat à la base qui règle les conventions des parties.
Attendu que de tout ce qui précède il convient appliquer à la présente cause les règles de la société en participation; que c’est le contrat de base conformément aux articles 1134 et 1142 et suivants du code civil et la liberté contractuelle qui tiennent lieu de loi entre les parties contractantes
Attendu qu’ainsi soutenu, il convient infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions.
Attendu que les personnes constituant ladite société sont la Société Africaine de Services(S.A.S.) et la Société togolaise de travaux publics.
Que SOMDA Jean de Dieu, directeur général de la S.A.S. en est le gérant.
Attendu qu’un contrat de location de matériel liait les parties; que des vérifications contradictoires ont dégagé au profit de la STTP les sommes de 32.123.336 F et 7.427.500 F; que SOMDA Jean de Dieu qui était le gérant et directeur général de la Société SAS a reconnu les sommes à lui réclamées; que pour ce faire, il a signé deux reconnaissances de dette au profit de la STTP;, qu’il convient tout simplement le condamner au paiement de la somme de trente neuf millions
cinq cent cinquante mille huit cent trente six (39.550.836) francs
Attendu par ailleurs STTP réclame le paiement des frais supplémentaires liés au rapatriement de son matériel sur le Togo.
Que l’article 5 du contrat stipule que tous les frais de chantier, personnel, pièces d’usures, huile, gasoil et tous les divers seront payés chaque mois après facturation et ce dans un délai de 15 jours maximum après la pose du décompte de la STTP à SAS.
Que c’est à bon droit que la STTP réclame à la SAS SA le paiement de ces factures.
Que SOMDA Jean de Dieu et la SAS SA étant redevables, il y a lieu les condamner au paiement.
Attendu qu’il est sans conteste que la Société togolaise de travaux publics a subi un grand préjudice du fait de la mauvaise foi de son cocontractant; qu’elle justifie amplement de son préjudice et que le montant de 25 000 000 Francs serait une juste réparation.
Attendu que la SAS SA succombe à la présente procédure; qu’il convient la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort
En la forme
Déclare l’appel de la STTP recevable.
Au fond
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau, dit qu’il s’agit d’une société en participation.
Déboute la Société Africaine de Services (SAS) de sa demande de dissolution de société de fait.
Condamne solidairement la SAS et SOMDA Jean de Dieu à payer à la STTP la somme de trente neuf millions cinq cent cinquante mille huit cent trente six (39.550.836) francs représentant le montant des deux reconnaissances de dettes; celle de six millions cinq cent cinquante trois mille six cent cinquante un (6.553.651) francs au titre des frais divers et celle de vingt cinq millions (25 000 000) de francs à titre de dommages intérêts.
Déboute la STTP du surplus de sa demande.
Condamne SAS et SOMDA Jean de Dieu aux dépens.