J-09-21
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL – EXPLOITATION D’UNE STATION SERVICE – CONTRAT A DUREE DETERMINEE – INTENTION DE NON RENOUVELLEMENT – ASSIGNATION EN PAIEMENT D’INDEMNITE – DEMANDE MAL FONDEE – APPEL – RECEVABILITE (OUI).
DROIT AU RENOUVELLEMENT – PROCEDURE – ARTICLE 92 AUDCG – NON RESPECT DU DELAI – DECHEANCE (OUI) – FIN DU CONTRAT DE BAIL – OBLIGATIONS DES PARTIES – CONCLUSION D’UN CONTRAT DE DEPOT – INEXECUTION – FAUTE DU BAILLEUR (NON) – CONFIRMATION DU JUGEMENT.
Dans le bail à durée déterminée le fait pour le bailleur d’annoncer son intention de non renouvellement n’empêche pas et ne dispense pas le preneur de suivre la procédure notamment par le respect du délai imparti pour demander le renouvellement surtout lorsqu’il entend demander une indemnité d’éviction comme en l’espèce. Faute d’avoir respecté le délai de 3 mois minimum prescrit par l’article 92 AUDCG, le preneur est déchu de son droit au renouvellement du bail et de l’indemnité d’éviction.
Article 92 AUDCG
Article 536 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 550 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ET SUIVANTS
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 07 du 20 janvier 2006, Société TOTAL FINA ELF c/ KABORE Edith).
LA COUR
Vu le jugement n 28 du 04 février 2004 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Vu l’appel du 12 février 2004 de la Société TOTAL FINA ELF.
Vu les conclusions des parties et les pièces du dossier.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
DE LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Attendu que par acte d’huissier en date du 12 février 2004, la société TOTAL Fina ELF a relevé appel du jugement du Tribunal de grande instance de Ouagadougou dont le dispositif est ainsi libellé : « statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort, déboute la société TOTAL Fina ELF de sa demande comme étant mal fondée; reçoit la demande reconventionnelle de Mme KABORE Edith, condamne la société TOTAL Fina ELF à lui payer la somme de 175.916.785 F CFA au titre de dommages-intérêts, la déboute du surplus de sa demande, condamne TOTAL Fina ELF aux dépens ».
Attendu que l’appel de la Société TOTAL Fina ELF est recevable pour avoir été interjeté dans les délais et formes prévus par les articles 536, 550 et suivants du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Attendu que la société TOTAL FINA ELF devenue TOTAL Burkina SA par les conclusions de son conseil maître Issouf BAADHIO demande à la Cour d’infirmer ou d’annuler le jugement querellé pour dénaturation des faits du contrat et violation de la loi, de constater le renouvellement du bail commercial et à défaut de condamner Mme KABOR-E Edith à payer 308.426.900 F d’indemnité d’éviction et 1.581.140.490 F de dommages-intérêts; qu’à l’appui de ses prétentions l’appelant expose que le 1er juin 1967, la BP (British Petroleum) et Issa GANSORE ont conclu un contrat de bail commercial pour une durée de 20 ans avec un avenant intervenu en 1987 prorogeant la durée du bail de 10 ans; que la société ELF acquéreur de la BP puis par fusion, transformation devenue TOTAL FINA ELF, aujourd’hui TOTAL Burkina a reçu le 02 mai 2000 de Mme KABORE Edith la notification d’un congé avec refus de renouvellement du bail avec comme motif la reprise des locaux pour démolition et reconstruction de l’immeuble; que c’est en vain que TOTAL Burkina a tenté de faire revenir Mme KABORE Edith sur sa décision de non renouvellement, que la société a même proposé à Mme KABORE Edith des plans immobiliers à l’effet de faire cohabiter la station service et la pharmacie que Mme KABORE Edith avait en projet d’ériger sur la parcelle; que la dénaturation des faits par le tribunal résulterait de ce que le jugement n’a pas constaté la volonté unilatérale du bailleur de ne pas renouveler le bail ce qui l’oblige au paiement de l’indemnité d’éviction; que c’est à tort que le tribunal a tiré prétexte de la lettre de TOTAL Burkina datée du 23 mai 2002 pour dire que le locataire n’a pas demandé le renouvellement du bail dans les délais prévus par l’article 91 AUDCG, que le tribunal aurait dû constater que le refus de renouvellement du bailleur était déjà consommé depuis le 02 mai 2000; que la dénaturation du contrat par le 1er juge serait relative aux clauses prévoyant qu’au terme du bail, le bailleur ou ses ayants droit seront tenus et formellement obligés de passer avec la société preneuse ou ses ayants, un contrat de dépôt, d’entreposage et de vente de produits et marchandises de ladite société, d’une durée minime de 10 ans, que manifestement le 1er juge n’a pas constaté l’inexécution de cette obligation contractuelle par Mme KABORE Edith, qu’enfin l’article 94 AUDCG aurait été violé en ce que la demande de paiement de l’indemnité d’éviction a été rejetée.
Attendu que Mme KABORE Edith par les conclusions du cabinet de maître Benoît SAWADOGO son conseil demande la confirmation pure et simple du jugement entrepris en faisant valoir en réplique qu’étant devenue propriétaire de l’immeuble elle a usé de la clause du contrat qui prévoit la possibilité pour l’une des parties de notifier à l’autre son intention de résilier le contrat au moins 3 ans avant le terme de la durée initiale ou 2 ans avant le terme des périodes de tacite reconduction, que le contrat devant expirer le 2 juin 2002, elle a notifié son intention de résiliation le 2 mai 2000 à la société TOTAL Burkina laquelle a attendu le 16 mai 2002 soit 16 jours seulement avant l’expiration du bail pour contester le congé et proposer le renouvellement du bail; que s’agissant en l’espèce de contrat de bail à durée déterminée elle demande à la Cour de faire application de l’article 92 AUDCG qui dispose en ses alinéas 1 et 2 que le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement au plus tard 3 mois avant l’expiration du bail est déchu du droit au renouvellement; que concernant le contrat de dépôt, d’entreposage et de vente, l’obligation de conclure ou de signer un contrat est un non sens juridique, qu’en réalité la seule obligation légale et raisonnable que le contrat de bail a pu stipuler c’est que les parties soient disposées à négocier la signature du contrat; que force est de constater que la société TOTAL n’a initié aucune démarche dans ce sens, que 3 semaines après l’expiration du bail, la société TOTAL a préféré la voie contentieuse en l’assignant devant le juge des référés pour obtenir une signature forcée du contrat, que naturellement le juge des référés s’est déclaré incompétent.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu’aux termes de l’article 92 AUDCG dans le cas du bail à durée déterminée le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, peut demander le renouvellement de celui-ci au plus tard 3 mois avant la date d’expiration du bail; le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement et le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail est réputé avoir accepté le principe du renouvellement.
Attendu qu’en l’espèce le bail est à durée déterminée, et expirait le 2 juin 2002 que c’est par lettre datée du 16 mai 2002 notifiée à Mme KABORE Edith le bailleur le 23 mai 2002 que la société TOTAL Fina ELF contestait le congé et demandait le renouvellement.
Attendu que c’est à tort que la société TOTAL FINA ELF reproche au 1er juge de n’avoir pas constaté la volonté unilatérale du bailleur de ne pas renouveler le bail; qu’en effet ce grief fait au jugement résulte d’une confusion malheureuse que la partie appelante a fait entre la procédure de résiliation ou de renouvellement du bail à durée déterminée et celle du bail à durée indéterminée prévue par l’article 93 AUDCG et prévoyant que toute partie peut prendre l’initiative de la résiliation; que dans le bail à durée déterminée le fait pour le bailleur d’annoncer son intention de non renouvellement n’empêche pas et ne dispense pas le preneur de suivre la procédure notamment par le respect du délai imparti pour demander le renouvellement surtout lorsqu’il entend demander une indemnité d’éviction comme en l’espèce; que faute d’avoir respecté le délai de 3 mois minimum prescrit par l’article 92 AUDCG, la société TOTAL Fina ELF est déchue de son droit au renouvellement et de l’indemnité d’éviction.
Attendu que sur le grief de la partie appelante fondé sur la prétendue violation des clauses du bail prévoyant la conclusion d’un contrat de dépôt, d’entreposage et de vente de produits, il y a lieu de relever qu’il incombait aux deux (2) parties et particulièrement à la partie intéressée d’entreprendre les démarches en vue de la conclusion dudit contrat, dans la mesure où l’obligation stipulée à la charge du bailleur ou de ses ayants droit de passer le contrat de dépôt et autres ne peut pas être considéré comme le contrat de dépôt lui-même aucun prix n’ayant été fixé, que par ailleurs la faute de Mme KABORE Edith dans l’inexécution de l’obligation de passer contrat ou la promesse de contrat n’est pas établie s’agissant d’obligation qui ne peut être exécutée de façon unilatérale par une partie; qu’il s’en suit que le jugement querellé mérite confirmation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort.
En la forme
Déclare recevable l’appel de la société TOTAL FINA ELF.
Au fond
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Condamne la société TOTAL FINA ELF aux dépens.