J-09-22
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – COMMANDE DE MATERIEL – NON LIVRAISON – ABSENCE DE DEMANDE DE PAIEMENT – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – EXCEPTION D’INEXECUTION – CONTESTATION DE LA CREANCE – OPPOSITION MAL FONDEE – CONDAMNATION EN DEVISE ETRANGERE – APPEL.
DROIT COMMERCIAL GENERAL – VENTE – FACTURE PRO FORMA – MENTIONS – BON DE COMMANDE – OBSERVATIONS – VOLONTE DES PARTIES – ARTICLE 206 AUDCG – CONTRE PROPOSITION (OUI) – INFIRMATION DU JUGEMENT.
CONTRAT DE VENTE – DEMANDE DE NULLITE – EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – EFFET DEVOLUTIF DE L’APPEL – ARTICLES 544 ET 546 CPC – PRETENTION NOUVELLE (NON) – DEMANDE RECEVABLE – OFFRE DU FOURNISSEUR – ACCEPTATION – ARTICLE 214 AUDCG – CONTRE-OFFRE – ELEMENTS SUBSTANTIELS – ERREUR DES PARTIES – VICE DE CONSENTEMENT – CAUSES DE NULLITE DU CONTRAT (OUI).
En matière de vente commerciale, l’article 214 alinéa 2 AUDCG dispose qu’une réponse qui tend à être l’acceptation d’une offre, mais qui contient des additions, des limitations ou autres modifications doit être considérée comme un rejet de l’offre et constitue une contre-offre.
En l’espèce, en acceptant l’offre de son fournisseur, l’acheteur a fait des additions dans son bon de commande en mentionnant comme observation que son fournisseur doit joindre à la demande de paiement l’original de ce bon de commande, la facture et le bon de livraison. En omettant cette contre proposition, le jugement encourt l’infirmation. En outre, il y a lieu de faire droit à la demande de nullité du contrat de vente puisqu’il y a eu erreur des parties sur les éléments substantiels de la convention comme la livraison et le paiement du prix de la marchandise.
Article 206 AUDCG
Article 214 AUDCG
Article 239 AUDCG
Article 544 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 546 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 592 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 15 du 20 janvier 2006, Société TELECEL FASO c/ Société HORTEL PROJECT).
LA COUR
Vu le jugement n 295 du 10/ 11/2004 du Tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Vu l’appel de la Société TELECEL FASO en date du 10/11/2004.
Vu les conclusions des parties et les pièces du dossier.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Attendu que par acte d’huissier en date du 10/11/2004 la Société TELECEL FASO a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou le même jour et dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
En la forme : Déclare TELECEL FASO recevable en son opposition.
Au fond : l’en déboute comme étant mal fondée
En conséquence, condamne TELECEL FASO à payer à la société HORTEL PROJECT la somme de 350 000$.
Déboute la Société HORTEL PROJECT du surplus de sa demande.
Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.
Condamne TELECEL FASO aux dépens ».
Attendu que l’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et délais prévus par l’article 592 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Attendu que la Société TELECEL FASO partie appelante par les conclusions de son conseil maître LOMPO O. Frédéric demande l’infirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions principalement pour nullité absolue de la convention liant les deux parties et subsidiairement que la Cour prononce la résolution du contrat de vente passé entre les deux parties avec condamnation de la Société HORTEL PROJECT aux dépens et quinze millions (15 000 000) F CFA au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
Attendu qu’au soutien de ses prétentions la Société TELECEL FASO expose que par bon de commande du 1/08/2003 elle a demandé à la Société HORTEL PROJECT C.C de lui fournir 14 BTS de télécommunication de marque Alcatel G2 base station dans un délai maximum de quatre semaines à l’aéroport international de Ouagadougou, que ce délai a expiré sans que la Société HORTEL Project ne fasse la livraison.
Qu’en dépit de cette non livraison et sans faire de demande de paiement, la Société HORTEL PROJECT obtenait une ordonnance d’injonction de payer le 7/11/2003 pour l’obliger à payer la somme de 350 000 dollars sans facture ni bon de livraison.
Que le Tribunal statuant sur son opposition à cette ordonnance a entériné la demande de paiement alors que la lecture de l’ensemble des clauses du contrat permet de déduire que tout paiement est subordonné à une demande de paiement adressée à la Société TELECEL FASO et adossée à un bon de livraison.
Que le jugement en omettant ou en écartant l’une des dispositions contractuelles a dénaturé le contrat.
Qu’en outre le Tribunal a prononcé une condamnation en devise étrangère n’ayant pas cours légal au Burkina Faso en violation de l’article 14 du traité UMOA et UEMOA, le dollar n’ayant même pas cours légal en Afrique du Sud, domicile de la Société HORTEL PROJECT où c’est plutôt le Rand, que le dollar n’étant même pas une monnaie de règlement mais de compte pour permettre de déterminer éventuellement le quantum d’une créance; Que par ailleurs le jugement a violé l’article premier AUPSVE en ce sens que la créance réclamée doit être certaine, liquide et exigible pour que la procédure d’injonction de payer soit applicable; ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Que c’est également à tort que l’exception d’inexécution a été rejetée par le premier juge dans la mesure où aucun paiement ne peut être effectué sans bon de livraison suivant le règlement n 09/CM/UEMOA du 20/11/1998 relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA.
Que pour toutes ces raisons, elle demande l’infirmation du jugement.
Attendu que la Société TELECEL FASO demande d’évoquer les points non jugés et de déclarer nul le contrat en cause en application de l’article 6 du code civil qui dispose qu’on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs, l’ordre public économique étant concerné en l’espèce lequel interdit le transfert d’argent vers l’étranger à titre de paiement sans justification de la livraison de la marchandise payée.
Que subsidiairement, la résolution du contrat de vente se justifierait par l’article 254 AUDCG selon lequel l’acheteur peut demander la résolution de la vente en cas d’inexécution par le vendeur de l’une quelconque de ses obligations.
Attendu que la Société HORTEL PROJECT C.C par les conclusions de son conseil, la SCPA – ACR maître TRAORE Idrissa Kirsi le gérant soutient que lorsque qu’elle a été approchée par la Société TELECEL FASO, elle lui a, le 28/07/2003, adressé une liste du matériel accompagnée d’une facture pro forma spécifiant les conditions et le prix de vente, que la condition principale était le paiement intégral du prix dès la commande.
Que la Société TELECEL FASO en toute conscience et liberté a accepté les conditions en y souscrivant.
Qu’en vue d’honorer cette commande elle a contacté ses fournisseurs en Europe pour l’approvisionnement mais que contre toute attente la Société TELECEL FASO se rétracte, que c’est à bon droit que le premier juge l’a condamnée au paiement.
Que la prétendue clause écartée de l’interprétation du contrat ne rentre pas justement dans le champ contractuel car mentionnée a titre simplement indicatif dans la rubrique des observations, que dans la vente les clauses indispensables sont celles relatives au prix, au terme et aux modalités de paiement; qu’en tout état cause dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation en application de l’article 1162 du code civil que c’est TELECEL FASO qui a stipulé les conditions de paiement.
Que par ailleurs la monnaie ayant cours légal est celle qui est acceptée par les caisses publiques et les particuliers pour sa valeur nominale, ce qui est le cas du dollar U.S au Burkina, Faso.
Que s’agissant d’une vente internationale de marchandises le juge peut condamner le débiteur dans la monnaie de son choix.
Qu’en l’espèce la créance est certaine, liquide et exigible et la procédure d’injonction de payer pleinement justifiée sans autres formalités.
Que l’exception d’inexécution alléguée par la Société TELECEL FASO n’est pas fondée dans la mesure où l’obligation de livraison est subordonnée au paiement préalable du prix.
Que la demande de la Société HORTEL PROJECT portant sur la nullité du contrat est irrecevable en la forme et mal fondée s’agissant de demande nouvelle par application de l’article 545 du code de procédure civile; qu’à la supposer recevable, elle ne saurait prospérer car certains transferts d’argent s’opèrent au guichet des établissements financiers sans production d’un quelconque bon de livraison de marchandises.
Qu’enfin si la résolution de la vente venait à être prononcée, elle serait en sa faveur compte tenu de ce que la faute incombe à la Société TELECEL FASO pour n’avoir pas exécuté son obligation de payer le prix et en conséquence devrait être condamnée aux dépens et aux frais exposés non compris de dix millions cinq cents mille (10.500 000) F CFA.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le 28/07/2003 la Société HORTEL PROJECT C.C a adressé une facture pro forma à la Société TELECEL FASO dans laquelle il est mentionné comme marchandises 14 Alcatel G2 station au prix de 350 000 dollars avec paiement de 100% à la commande et 4 à 6 semaines comme délai de livraison.
Que le 1er /08/2003 la Société TELECEL FASO adresse à son fournisseur HORTEL PROJECT un bon de commande portant sur la même quantité, le même prix et le même terme de paiement 100% à la commande avec délai de paiement de 4 semaines, lieu de livraison aéroport de Ouagadougou et en observation « le présent bon de commande n’est valable que s’il est approuvé; joindre à la demande de paiement l’original de ce bon de commande, la facture et le bon de livraison ».
Attendu que le premier juge en condamnant la Société TELECEL FASO à payer la somme de 350 000 dollars à la Société HORTEL PROJECT a motivé sa décision par le fait que les conditions de paiement à savoir le paiement total et intégral à la commande ont été librement acceptées par la Société TELECEL FASO qu’en conséquence elle doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur en application de l’article 239 AUDCG, que le motif tiré de ce que la Société HORTEL PROJECT n’a pas exécuté ses obligations ne peut prospérer.
Mais attendu qu’au sens de l’article 206 AUDCG la volonté et le comportement d’une partie doivent être interprétés selon le sens qu’une personne raisonnable de même qualité que l’autre partie, placée dans la même situation leur aurait donné et en tenant compte des circonstances de fait et notamment des négociations qui ont pu avoir lieu entre les parties.
Attendu que toutes les clauses du contrat s’interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier; que la Société TELECEL FASO dans son bon de commande adressé à la Société HORTEL PROJET CC le 1er /08/2003 a clairement mentionné en observations que son fournisseur doit joindre à la demande de paiement l’original de ce bon de commande, la facture et le bon de livraison, que le jugement en omettant cette contre proposition de la Société TELECEL FASO encourt l’infirmation.
Attendu qu’en cause d’appel la Société TELECEL FASO demande principalement que la Cour constate la nullité du contrat et que la Société HORTEL PROJET soulève l’irrecevabilité de cette demande estimant qu’il s’agit d’une prétention nouvelle.
Mais attendu que les prétentions des parties portent sur la demande de paiement de 350 000 dollars pour la Société HORTEL PROJET et sur la demande de rejet de cette action en paiement pour la partie adverse; que dans ces circonstances la demande de nullité est un moyen soulevé par TELECEL FASO pour obtenir le rejet de la demande de paiement.
Que l’article 544 du code de procédure civile dispose que pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux encore que l’article 546 du code de procédure civile précise (à supposer qu’il s’agisse d’une demande et non de moyen) que la demande n’est pas nouvelle dès lors qu’elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge même si son fondement juridique est différent de celui des prétentions initiales; qu’il y a lieu en conséquence de déclarer recevable la demande de nullité du contrat.
Attendu quant au fond que l’article 214 alinéa 2 AUDCG dispose qu’une réponse qui tend à être l’acceptation d’une offre, mais qui contient des additions, des limitations ou autres modifications doit être considérée comme un rejet de l’offre et constitue une contre-offre.
Qu’en l’espèce, la Société TELECEL FASO en acceptant l’offre de son fournisseur a fait des additions en mentionnant comme observation : qu’à la demande de paiement doivent être joints l’original du bon de commande, la facture et le bon de livraison et le délai de livraison fixé à 4 semaines.
Attendu qu’il est aisé de relever qu’une incompréhension s’est instaurée entre les 02 parties au contrat sur les éléments substantiels de la convention comme la livraison et le paiement du prix de la marchandise.
Que l’erreur des parties résulte du fait que l’une, le fournisseur croyait que le prix de la marchandise est à payer en totalité dès la commande et avant livraison et l’autre pensait que sa contre-offre proposant le paiement au vu notamment du bon de livraison était acceptée par son fournisseur, qu’il s’agit dès lors d’une erreur, vice de consentement et cause de nullité du contrat; qu’il y a donc lieu de faire droit à la demande de nullité du contrat formulée par la Société TELECEL FASO, sans qu’il soit besoin de statuer surabondamment sur les autres prétentions subsidiaires.
Attendu que la demande de paiement de frais exposés en application de l’article 6 de la loi n 28/AN du 8/09/2004 et portant des honoraires d’avocat est injustifiée et doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort :
En la forme : Déclare recevable l’appel de la Société TELECEL FASO
Au fond : Infirme le jugement attaqué.
Statuant à nouveau, déboute la Société HORTEL PROJECT CC de sa demande de paiement pour nullité de la convention.
La déboute de sa demande de paiement de frais exposés.
La condamne aux dépens.