J-09-26
Voies d’exécution – Saisie attribution de créances – Acte de saisie – Contenu – Irrégularité – Somme évaluée au principal supérieure à celle figurant sur le titre exécutoire – Acte ne contenant pas le décompte distinct des sommes réclamées au principal – Nullité (OUI) – Mainlevée.
L’acte de saisie est nul, dès lors que, d’une part, il comporte une somme évaluée au principal, supérieure à celle figurant sur le titre exécutoire, et d’autre part, qu’il ne contient pas le décompte distinct des sommes réclamées au principal, frais et intérêts échus..
Par conséquent, est justifiée l’ordonnance de mainlevée de ladite saisie.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 1ère Chambre, Arrêt n 001 du 24 janvier 2008. Affaire : STANDARD CHARTERED BANK CAMEROON dite SCBC c/ CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE SOCIALE dite CNPS. Le Juris-Ohada n 2 Avril-Mai-Juin 2008, p. 2. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 70.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 décembre 2004 sous le numéro 120/2004/PC et formé par Maîtres NGONGO-OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats associés au Barreau du Cameroun, BP 1279 Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de la Standard Chartered Bank Cameroon dans une cause l’opposant à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale dite CNPS, ayant pour Conseils la SCP ENGONO & WANDJA, Avocats associés au Barreau du Cameroun, BP 1279 Yaoundé (Cameroun).
en cassation de l’Arrêt n 105 en date du 12 décembre 2003 de la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé (Cameroun) et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard des parties, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit l’appel interjeté.
AU FOND
Infirme l’ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau.
Déboute la Standard Chartered Bank de toutes ses demandes.
La condamne aux dépens distraits au profit de Maîtres ENGONO et WANDJA, Avocats associés aux offres de droit ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Ndongo FALL, Président
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, que par Jugement n 305 en date du 14 février 2001, le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé statuant en premier ressort a, par application des dispositions de l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, condamné la SCBC à payer la somme de 155.199.928 FCFA représentant les causes de la saisie et des dommages-intérêts, au motif que sa déclaration en tant que tiers saisi, intervenue 14 jours après le délai prévu, était tardive; que se prévalant de cette décision contre laquelle il n’y a eu aucun recours, la CNPS a pratiqué le 03 janvier 2002, une saisie attribution entre les mains de la Banque des Etats de la l’Afrique Centrale dite BEAC, pour obtenir paiement de la somme de 155.199.928 francs CFA dont lui est redevable la SCBC; que par Ordonnance n 570 en date du 14 mars2002, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé a décidé de la mainlevée de la saisie et de la discontinuation des poursuites; que la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, statuant sur l’appel interjeté contre la décision de référé, a rendu l’arrêt attaqué sus référencé.
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que la défenderesse au pourvoi a soulevé « in limine litis », dans son mémoire en réponse en date du 20 avril 2005, l’irrecevabilité du pourvoi, au motif d’une part, que les premier, deuxième et troisième moyens invoqués à l’appui n’auraient juridiquement pas dû l’être devant la Cour de céans, car celle-ci n’est pas un deuxième degré de juridiction, alors que lesdits moyens constituent des critiques dirigées contre le jugement rendu en premier ressort et non contre l’arrêt attaqué, et d’autre part, que les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens n’ont jamais été portés devant le juge d’appel.
Mais, attendu que l’irrecevabilité d’un pourvoi en cassation ne pouvant tendre qu’à sanctionner l’inobservation des conditions ou des formalités prévues pour son exercice devant la Cour de céans, l’appréciation des griefs faits au présent pourvoi quant à la violation des articles suscités dudit Acte uniforme relève de leur examen au fond.
Qu’il y a lieu en conséquence, de déclarer recevable le pourvoi.
Sur le quatrième moyen
Vu l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé les dispositions de l’article 157 de l’Acte uniforme susvisé, pour avoir validé une saisie-attribution en omettant de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution, alors que d’une part, l’exploit comporte une somme principale (160.755.102 francs CFA) excédant celle figurant sur le titre exécutoire (155.199.928 francs CFA), et d’autre part, ne comporte aucune mention d’un décompte distinct des intérêts échus, majorés d’une provision pour intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.
Attendu que l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose :
« le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution.
Cet acte contient à peine de nullité :
(..)
(..)
3/ le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation ».
Attendu, en l’espèce, qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que l’exploit en date du 03 janvier 2002, par lequel la défenderesse au pourvoi a pratiqué la saisie-attribution entre les mains de la BEAC au préjudice de la SCBC, débiteur saisi, non seulement indique une créance évaluée au principal à 160.755.102 francs CFA, alors que le montant figurant sur le titre exécutoire est de 155.199.928 francs CFA, mais ne comporte pas les mentions relatives au décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation, ainsi que le prescrit impérativement l’article 157 de l’Acte uniforme sus référencé; qu’un tel exploit est en conséquence nul et de nul effet.
Attendu que pour infirmer la décision de la juridiction des référés qui a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 03 janvier 2002 ainsi que la discontinuation des poursuites, la Cour d’Appel – en se bornant à énoncer que « la saisie-attribution pratiquée le 03 janvier 2002 au préjudice de la Standard Chartered Bank ne présente aucun vice de forme ou de fond », sans rechercher, alors même qu’elle en avait le devoir, si les prescriptions ci-dessus spécifiées avaient toutes été régulièrement accomplies par le créancier – n’a pas légalement justifié sa décision; qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer pour être statué sur le fond.
Sur l’évocation
Attendu que par acte en date du 18 juin 2002, la SCBC a régulièrement interjeté appel de l’Ordonnance n 570/c en date du 14 mars2002 du juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé, ordonnance dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort.
Recevons la Standard Chartered Bank S.A., Cameroun en sa demande.
L’y disons fondée.
Ordonnons mainlevée de la saisie-attribution querellée ainsi que la discontinuation des poursuites engagées à son encontre.
Condamnons la CNPS et autres aux dépens dont distraction au profit des Maîtres NGONGO OTTOU et NDENGUE KAMENI, Avocats aux offres de droit ».
Attendu que dans sa requête d’appel en date du 18 juin 2002, la CNPS a demandé l’infirmation de l’ordonnance sus indiquée, aux motifs que le juge des référés, juge de l’exécution, a, d’une part, excédé sa compétence en s’érigeant en juge de l’opportunité de l’exécution d’une décision de justice devenue définitive et, d’autre part, statué ultra petita en ordonnant, en plus de la mainlevée de la saisie-attribution, la discontinuation des poursuites.
Attendu que l’intimée sollicite quant à elle, la confirmation de l’ordonnance entreprise en faisant valoir que le juge des référés, juge des difficultés d’exécution, est en outre juge de l’opportunité d’une voie d’exécution, et que c’est à bon droit qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.
Attendu que pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution et la discontinuation des poursuites, le Président du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé statuant en matière des référés a estimé que la saisie-attribution de créances, sur la base de laquelle s’est fondé le Tribunal de Grande Instance de Yaoundé pour entrer en voie de condamnation, ayant fait par la suite l’objet d’une décision de mainlevée et de discontinuation des poursuites confirmée par la Cour d’Appel, l’accessoire suivant le principal, la saisie-attribution pratiquée contre la SCBC ne se justifie plus; qu’en se prononçant ainsi, le juge des référés a outrepassé sa compétence, dès lors que, juge de l’exécution, il ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution, sauf dans les cas prévus par la loi, notamment l’article 39 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution relativement au délai de grâce susceptible d’être octroyé, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.
Mais, attendu qu’il lui appartenait plutôt de vérifier la régularité de la saisie.
Or, attendu qu’en l’espèce, l’acte de saisie, d’une part, comporte une somme évaluée au principal à 160.755.102 francs CFA, donc supérieure à celle figurant sur le titre exécutoire, qui est de 155.199.928 francs CFA, et d’autre part, ne contient pas le décompte distinct des sommes réclamées au principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation conformément à l’ARTICLE 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’il y a lieu en conséquence, de prononcer la nullité dudit acte.
Attendu qu’il échet, au regard de ce qui précède, d’une part, de confirmer, par substitution de motifs, l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a décidé de la mainlevée de la saisie-attribution, cette décision étant justifiée par l’irrégularité tirée de l’omission de formalités prescrites à peine de nullité de la saisie par l’article 157 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et, d’autre part, de l’infirmer pour le surplus.
Attendu que la CNPS ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Déclare recevable le pourvoi en cassation formé par la SCBC.
Casse l’Arrêt n 105 en date du 12 décembre 2003 de la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé.
Évoquant et statuant à nouveau.
Déclare recevable l’appel de la SCBC.
Confirme l’Ordonnance n 507 du 14 mars2002 du Président du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé statuant en matière de référés, en ce qu’elle a décidé de la mainlevée de la saisie-attribution en date du 03 janvier 2002 pratiquée entre les mains de la BEAC au préjudice de la SCBC.Infirme ladite ordonnance pour le surplus.Condamne la CNPS aux dépens.
Président : M. Ndongo FALL.