J-09-28
CCJA – Compétence – Saisie-attribution de créance – Saisie régie par l’Acte uniforme portant voies d’exécution – Mainlevée – Affaire soulevant des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme – Compétence de la CCJA (OUI).
L’arrêt, objet du pourvoi, ayant été rendu sur appel de l’ordonnance du Président du TPI d’Abidjan rejetant une demande de mainlevée de saisie-attribution, l’affaire soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme, dès lors que la matière de saisie-attribution de créance est régie depuis le 1er juillet 1998 par l’Acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Par conséquent, le recours en cassation exercé contre l’arrêt sus indiqué ressortit de la compétence de la CCJA, en application de l’article 14, alinéa 3 du Traité OHADA.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 1ère Chambre, Arrêt n 005 du 28 février 2008. Affaire : Etienne KONAN BALLY KOUAKOU c/ Fédération Nationale des Coopératives des Planteurs de Palmiers à Huile de Côte d’Ivoire dite FENACOPAH-CI. Le Juris-Ohada n 2 Avril-Mai-Juin 2008, p. 9. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 1, janvier-juin 2008, p. 29.
Sur le pourvoi enregistré le 17 juin 2005 au greffe de la Cour de céans sous le n 025/2005/PC et formé par Maître N’GUESSAN YAO, Avocat à la Cour, demeurant à l’immeuble Fromager, 3ème étage, entre la Clinique Espace St-Paul et l’Alliance Biblique, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, Conseil juridique et fiscal, demeurant angle Boulevard Angoulvant, Avenue Docteur Crozet, immeuble Crozet, 3ème étage, porte n 306, 01 BP 11643 Abidjan 01, dans une affaire l’opposant à la Fédération Nationale des Coopératives des Planteurs de Palmiers à Huile de Côte d’Ivoire dite FENACOPAH-CI, ayant pour Conseil Maître ASSAMOI Alain Lucien, Avocat à la Cour, demeurant Avenue Jean-Paul II, immeuble CCIA, 7ème étage, 01 BP 2892 Abidjan 01.
en cassation de l’Arrêt n 947 rendu le 23 septembre 2004 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME :
Déclare recevable l’appel de la FENACOPAH-CI représentée par Monsieur K.
AU FOND :
L’y dit bien fondée.
Infirme l’ordonnance de référé n 2447 du 17/06/2004.
Statuant à nouveau.
Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution du 04 mai 2004 sur les comptes bancaires des coopératives PALM, CODASI, COOPLATO, PALMA BAC et COOPENEK, toutes membres de la PENACO-PAH-CI.
Condamne l’intimé aux dépens ».
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, qu’à la requête de Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait rendu l’ordonnance d’injonction de payer n 2734/00 en date du 30 mars2000 condamnant l’Organe de Transition et de Gestion dit OTG, à payer au requérant la somme de 21.960 000 FCFA représentant le montant de sa créance en principal, sous réserve des frais, intérêts et celui des dépens subséquents à la procédure; qu’en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer sus indiquée, Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU avait, par exploit d’huissier en date du 04 mai 2004, pratiqué une saisie-attribution sur les comptes de COOPAB, PALMCODASI, COOPPHA, COOPLATO, COOPALM, PALMBAC et COOPENEK ouverts dans les livres de la SGBCI sise à Abidjan, avenue Joseph Anoma; qu’à la requête de la Fédération Nationale des Coopératives des Planteurs de Palmiers à Huile de Côte d’Ivoire dite FENACOPAH-CI, agissant au nom et pour le compte des coopératives ayant fait l’objet de saisie-attribution sus indiquée, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait, par Ordonnance n 2447/2004 en date du 17 juin 2004, déclaré ladite fédération mal fondée et l’a déboutée de son action tendant à ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 04 mai 2004; que sur appel de la FENACOPAH-CI, la Cour d’Appel d’Abidjan, par Arrêt n 947 du 23 septembre 2004 et dont pourvoi, infirmait l’ordonnance attaquée, ordonnait la mainlevée de ladite saisie-attribution sur les comptes bancaires des coopératives PALMCODASI, COOPLATO, PALMBAC et COOPENEK, toutes membres de la FENACOPAH-CI.
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que la FENACOPAH-CI, défenderesse au pourvoi, demande à la Cour de déclarer irrecevable le pourvoi formé par Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU pour sa non conformité aux prescriptions de l’article 28 du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, en ce que d’une part, le demandeur au pourvoi n’a pas indiqué clairement que ledit pourvoi est initié contre la FENACOPAH-CI; que d’autre part, le domicile de la FENACOPAH-CI n’est pas indiqué; qu’enfin, le sieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU n’a pas indiqué, dans son recours, la date à laquelle il a reçu signification de l’Arrêt n 947 du 23 septembre 2004 qu’il a déféré à la censure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
Mais, attendu qu’aux termes de l’article 28.5 du Règlement de Procédure de la Cour de céans, « si le recours n’est pas conforme aux conditions fixées au présent article, le Greffier en chef fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées ci-dessus. A défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, la Cour décide de la recevabilité du recours ».
Attendu que par lettre n 394/2005/G5 en date du 05 juillet 2005, le Greffier en chef de la Cour de céans a demandé à Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, dans le cadre de la régularisation de son pourvoi, de communiquer au greffe la date de la signification de l’arrêt attaqué; que Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU a versé au dossier un exploit de « signification commandement » en date du 18 avril 2005 de l’arrêt attaqué; qu’ayant par conséquent satisfait aux exigences des dispositions sus énoncées de l’ARTICLE 28.5 du Règlement de Procédure, il y a lieu de déclarer son pourvoi recevable.
Sur la compétence de la Cour à examiner les premier et deuxième moyens
Attendu que la FENACOPAH-CI, défenderesse au pourvoi, demande à la Cour de céans de se déclarer incompétente à examiner les premier et deuxième moyens, au motif que, d’une part, le premier moyen étant tiré du manque de base légale et de la mauvaise application des articles 3 [du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative] et 2 de la loi 97-721 du 23 décembre 1997 relative aux coopératives, la Cour de céans n’est pas compétente pour l’interprétation et/ou l’application desdits articles au regard de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA; que, d’autre part, concernant le deuxième moyen tiré du manque de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance et de la contrariété des motifs, l’examen minutieux des faits et des moyens développés par le demandeur au pourvoi fait ressortir que le litige porte sur la responsabilité des coopératives membres de la FENACOPAH-CI relativement aux dettes contractées par l’Organe Transitoire de Gestion et la Coordination des Planteurs de Palmiers à Huile; que ces deux structures ont précédé l’existence des actuelles coopératives de la fédération; qu’or, la responsabilité des dettes contractées par l’O.T.G. d’une part, et d’autre part, dans les dettes de la CCPPH, ne relèvent pas du Traité ou de l’Acte uniforme OHADA; qu’il en résulte que la présente Cour n’est pas compétente pour l’apprécier.
Mais, attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéa 3 du Traité institutif de l’OHADA, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ».
Attendu en l’espèce, que l’Arrêt n 946 du 23 septembre 2004 de la Cour d’Appel d’Abidjan, objet du présent pourvoi, a été rendu sur appel de l’Ordonnance n 2447/2004 du 17 juin 2004 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan rejetant une demande de mainlevée de saisie-attribution; que la matière de saisie-attribution de créance est régie depuis le 1er juillet 1998 par l’Acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’ainsi, la présente affaire soulève des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme; qu’il suit que le recours en cassation exercé contre l’arrêt sus indiqué ressortit de la compétence de la Cour de céans, en application de l’ARTICLE 14, alinéa 3 sus énoncé du Traité susvisé; que l’exception soulevée n’étant pas fondée, doit être rejetée.
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, « un manque de base légale et une mauvaise application de la loi », en ce que la Cour d’Appel d’Abidjan a déclaré l’appel de la FENACOPAH-CI recevable alors que, selon le moyen, conformément à l’article 3 du [Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative], l’action n’est recevable que si le demandeur justifie d’un intérêt légitime juridiquement protégé, direct et personnel, a la qualité pour agir en justice et possède la capacité juridique pour agir en justice; qu’en l’espèce, la FENACOPAH-CI n’a ni produit, ni communiqué son agrément, ni publié ledit agrément au journal officiel, pour être opposable aux tiers; qu’en l’absence de ces formalités, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision et a fait une mauvaise application de la loi; qu’en conséquence, la Cour de céans est respectueusement priée de déclarer nul et de nul effet, l’Arrêt n 947 du 23 septembre 2004.
Mais, attendu qu’aux termes de l’article 167 du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative, « l’appel ne peut être interjeté que par les parties à la décision attaquée ou leurs ayants cause, ou le représentant du Ministère public, dans les cas prévus par la loi.
L’appel ne peut être interjeté qu’à l’encontre des personnes qui ont été parties à l’instance ayant donné lieu à cette décision »; qu’en l’espèce, il ressort du dossier de la procédure, notamment de l’arrêt attaqué, que c’est bien la FENACOPAH-CI qui, par exploit d’huissier en date du 04 juin 2004, a sollicité du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 04 mai 2004; que par Ordonnance n 2447/2004 du 17 juin 2004, le Président saisi a déclaré la demande de la FENACOPAH-CI mal fondée et l’en a déboutée; que c’est à bon droit que la FENACOPAH-CI, partie à la décision attaquée, a relevé appel de l’Ordonnance sus indiquée; qu’il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen
Attendu que Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, demandeur au pourvoi, reproche également à l’arrêt attaqué, un manque de base légale résultant de l’absence, de l’insuffisance et de la contrariété des motifs, en ces termes :
« Attendu qu’il résulte des faits sus relatés, que tant l’Organe Transitoire de Gestion (OTG) que la Coordination des Planteurs de Palmier à Huile sont composés successivement par les mêmes membres des OPA (Organisation Professionnelle Agricole) de la filière palmicole et pour les mêmes missions suscitées.
Que les actes constitutifs, les études de faisabilité, les assemblées générales constitutives etc., ont été rédigés par Maître Etienne KONAN BALLY KOUAKOU.
Que l’Organe Transitoire de Gestion (OTG) est une simple structure mise en place par les responsables des (OPA), c’est-à-dire les coopératives concernées, et que la Coordination des Planteurs de Palmier à Huile (CPPH) est un Groupement d’Intérêt Économique (GIE), et qu’à ce titre, la responsabilité des membres est une responsabilité illimitée et solidaire. Elle est mise en jeu exactement dans les mêmes conditions que dans une société en nom collectif (SNC), où l’on peut poursuivre le membre sur la totalité de son patrimoine.
Attendu qu’ainsi, dans un groupement d’intérêt économique, un créancier peut se « retourner » contre l’un quelconque des membres pour se faire payer. Il n’y a donc ni bénéfice de discussion ni bénéfice de division, comme dans une société civile. C’est ce que traduisent les dispositions de l’article 13 des statuts : « les membres de la Coordination sont individuellement et solidairement responsables des dettes de la Coordination sur leur patrimoine propre.
Pièce n 6 Statuts de la Coordination des Planteurs de Palmier à Huile
Attendu qu’il résulte des faits sus relatés, que les coopératives concernées, PALMCODASI, PALM-BAC, COOPENEK, COOPLATO sont toutes membres de l’OTG et de la Coordination des Planteurs de Palmier à Huile, et qu’elles ne peuvent se soustraire à leur responsabilité ».
Mais, attendu que ce moyen ne précise ni la partie critiquée de la décision attaquée, ni ce en quoi cette dernière encourt le reproche qui lui est fait; qu’il s’ensuit que ledit moyen n’est pas recevable.
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est fait enfin grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 10 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que la seule voie de recours contre l’ordonnance d’injonction de payer est l’opposition telle que prévue à l’alinéa 2 de l’article 10 de l’Acte uniforme sus indiqué; qu’or, selon le moyen, depuis 2000 des saisies ont été régulièrement pratiquées sur les biens des coopératives et à preuve, la même Cour d’Appel d’Abidjan a condamné, par Arrêt n 947 du 23 septembre 2004, la COOPLATO à payer ce qu’elle doit à Maître Etienne KONAN BALLY KOUAKOU; qu’à aucun moment ces coopératives n’ont formé opposition contre les Ordonnances n 2737/2000 et 3084/2000; que selon le requérant, il y a violation du texte visé au moyen, d’où il convient de casser l’arrêt attaqué et de restituer à l’ordonnance querellée, son plein et entier effet.
Mais, attendu que le litige soumis à l’appréciation de la Cour d’Appel d’Abidjan, suite à l’appel relevé de l’Ordonnance n 947/2004 du 17 juin 2004 et ayant fait l’objet de l’Arrêt n 947 du 23 septembre 2004 dont pourvoi, est celui relatif à la régularité de la saisie-attribution de créances pratiquée le 04 mai 2004 par Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU sur les comptes de différentes coopératives membres de la FENACOPAH-CI.
Qu’en effet, même si la saisie-attribution de créances a été faite en exécution de l’Ordonnance n 2734/00 du 30 mars2000 rendue à la suite d’une procédure d’injonction de payer initiée par Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, le litige ne porte pas sur la régularité de la susdite procédure d’injonction de payer; que par conséquent, la Cour d’Appel d’Abidjan, en rendant l’Arrêt n 947 du 23 septembre 2002, n’a pu, à aucun moment, violer les dispositions de l’article 10, alinéa 2 de l’Acte uniforme sus indiqué, lequel traite du délai dans lequel il peut être formé opposition contre une décision portant injonction de payer; qu’il s’ensuit que le troisième moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté.
Attendu que Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU ayant succombé, il échet de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU.
Le condamne aux dépens.
Président : Jacques M’BOSSO.