J-09-29
Droit des sûretés – Droit de rétention – Conditions d’exercice – Détention légitime – Elément – Régularité de la rétention.
Droit des sûretés – Droit de rétention – Conditions d’exercice – Connexité Établissement – Relations d’affaires entre les parties – Régularité.
Le conteneur litigieux ayant été ramené après la mainlevée de la réquisition dans le parc à conteneurs du créancier rétenteur, celui-ci en est le détenteur légitime, dès lors qu’il a assuré le transport et l’acconage du colis et qu’il est également créancier du destinataire dudit conteneur.
Par conséquent, en infirmant l’ordonnance querellée, la Cour d’Appel n’a en rien violé l’article 41 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
Le créancier rétenteur est fondé à exercer son droit de rétention sur le conteneur destiné à sa débitrice jusqu’à complet paiement par celui-ci de sa dette, dès lors que la créance réclamée est la conséquence des relations d’affaires entretenues par les deux sociétés.
Par conséquent, en déclarant le créancier détenteur légitime du conteneur litigieux, l’arrêt attaqué ne viole en rien l’article 42 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 1ère Chambre, Arrêt n 006 du 28 février 2008. Affaire : ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE SARL c/ 1. SDV COTE D’IVOIRE dite SDV-CI / 2. Société IED / 3. Administration des Douanes. Le Juris-Ohada n 2 Avril-Mai-Juin 2008, p. 13. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 35. Voir Ohadata J-09-318.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 octobre 2005 sous le n 053/2005/PC et formé par Maître NOMEL-LORNG Martin, Avocat à la Cour, demeurant 20/22, Boulevard Clozel, Abidjan-Plateau, 08 BP 154 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE, société à responsabilité limitée dont le siège social est à Abidjan, Port de pêche, 09 BP 1745 Abidjan 01, RC 258514 Abidjan, ayant pour gérant Monsieur L. demeurant, ès qualité audit siège social, dans la cause qui oppose ladite société à la fois à la SDV-COTE D’IVOIRE, société anonyme avec Conseil d’Administration dont le siège social est sis à Abidjan – Treichville, Avenue Christiani, 01 BP 4082 Abidjan 01, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Lionel LABARRE, Directeur général ayant pour Conseil Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, demeurant 24 Boulevard Clozel, Immeuble SIPIM, 5è étage, Abidjan-Plateau, 01 BP 1306 Abidjan 01, à la société IED, société à responsabilité limitée de droit ivoirien, dont le siège social est à Abidjan Treichville, près du siège de CIE/SODECI, Avenue 1, Rue 21, Résidence SOPIM, Bâtiment A, 4eme étage, porte n A4/1, 09 BP 2885 Abidjan 09, prise en la personne de son Représentant légal Monsieur S demeurant ès-qualité audit siège, et enfin, à l’Administration des Douanes prise en la personne de Monsieur l’Agent Judiciaire du Trésor de l’Etat de Côte d’Ivoire ayant pour Conseil Maître Philippe KOUDOU-GBATE, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan-Plateau, Avenue Jean Paul II, Immeuble CCIA, 7ème étage, 04 BP 544 Abidjan 04, en cassation de l’Arrêt n 574 rendu le 09 mai 2003 par la Cour d’Appel d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’urgence et en dernier ressort.
Déclare la société SDV-CI recevable en son recours.
L’y dit bien fondée.
Infirme l’ordonnance querellée.
Statuant à nouveau.
Dit que la société ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE est mal fondée en ses prétentions.
L’en déboute.
La condamne aux dépens »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, que la société ENVOL-TRANSIT avait reçu de l’Établissement IED, l’ordre d’effectuer à quai les formalités douanières de mise à la consommation des marchandises qu’il avait commandées et qui lui étaient expédiées par conteneur sur un navire de la SDV-CI; que ledit conteneur, qui était resté à quai plus longtemps que permis, avait été réquisitionné par la douane ivoirienne et transféré par celle-ci à son dépôt n 1; qu’après accomplissement des formalités et paiement de tous les droits et taxes douaniers par la société ENVOL-TRANSIT, mainlevée de la réquisition douanière avait été donnée et le conteneur était ramené à quai sur le parc de la SDV-CI en sa qualité d’acconier manutentionnaire; que relativement à la SDV-CI, la société ENVOL-TRANSIT avait réglé la totalité des frais d’acconage et de manutention; que voulant enlever par la suite ledit conteneur, ENVOL-TRANSIT s’était vue opposer le refus par la SDV-CI, qui déclarait exercer son droit de rétention sur le conteneur pour garantir le paiement d’une précédente créance de 20.319.485 FCFA due par l’établissement IED; que considérant pour sa part que cette rétention était illégale, la société ENVOL-TRANSIT avait saisi la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau aux fins de contraindre la SDV-CI à livrer le conteneur litigieux; que par Ordonnance n 688 du 06 mai 2005, ladite juridiction présidentielle avait accédé à la requête de ENVOL-TRANSIT en déclarant celle-ci, « fondée en son action » et en ordonnant « qu’elle prenne possession du conteneur litigieux »; que par exploit du 27 mai 2005 de maître N’Guessan HYKPO Lydia, Huissier de justice à Abidjan, la SDV-CI avait interjeté appel de ladite ordonnance; que statuant sur l’appel ainsi relevé, la Cour d’Appel d’Abidjan avait infirmé l’ordonnance querellée en rendant l’Arrêt n 689 du 28 juin 2005 dont pourvoi.
Sur le moyen unique pris en sa première branche
Vu l’article 41 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 41 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que « l’arrêt déféré a cru devoir retenir que la SDV-CI est créancière des Établissements IED de la somme de plus de 20.319.400 FCFA et qu’elle est détentrice légitime du conteneur litigieux dont elle a assuré le transport et l’acconage, et en a conclu « qu’en soutenant qu’elle exerce un droit de rétention sur ledit conteneur, la société SDV-CI a agi en conformité de l’article 41 de l’Acte uniforme portant sûretés; [qu’]une telle attitude est parfaitement légale en raison de ce qu’entre la SDV-CI et la société IED, il résulte des relations d’affaires dont la créance est la conséquence », alors que, selon cette première branche du moyen unique, la réquisition douanière a plutôt définitivement et légitimement dépossédé sans qu’au surplus, la SDV-CI ait pu y résister en invoquant son prétendu droit de rétention ou une quelconque créance en sa faveur née dudit conteneur; qu’au contraire, ENVOL-TRANSIT, pour avoir été la seule à lever la déclaration de cette importation, à régler dans les délais tous les droits et taxes de douane entre les mains de Monsieur le Receveur des Douanes, lequel lui a délivré une mainlevée le 30 mars2005, devient juridiquement le détenteur légitime du conteneur par l’effet induit de la subrogation aux droits, actions et privilèges de la douane; qu’il était donc inexact, comme l’a fait l’arrêt déféré, d’affirmer que la SDV-CI détenait légitimement le conteneur; qu’en le disant, ledit arrêt a violé l’article 41 et mérite donc l’annulation de ce chef.
Attendu qu’aux termes de l’article 41 de l’Acte uniforme susvisé, « le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu’à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté ».
Attendu, en l’espèce, que la société ENVOL-TRANSIT a reçu mandat de la société IED pour effectuer les formalités de dédouanement du conteneur litigieux; qu’elle ne conteste pas que ledit conteneur, qui avait été entreposé au dépôt n 1 de la douane ivoirienne suite à la réquisition douanière du 1er mars2005, avait été ramené après la mainlevée en date du 30 mars2005 de ladite réquisition dans le parc à conteneurs de la SDV-CI, qui en a assuré l’acconage et la manutention; qu’il est établi, par ailleurs, au regard des pièces du dossier de la procédure, que des relations d’affaires existant entre la SDV-CI et la société IED, il en a résulté au profit de celle-là, une créance antérieure de plus de 20.319.400 FCFA attestée par un titre exécutoire et non encore réglée par celle-ci; qu’il suit qu’en considérant, pour rendre son arrêt attaqué, « qu’il est acquis au dossier que la société SDV-CI est également créancière de la même société IED destinataire dudit conteneur, de la somme de plus de 20.319.400 FCFA, comme l’atteste l’Ordonnance de condamnation n 1733/2005 du 31 mai 2005, et qu’elle [la SDV-CI] est détentrice légitime du conteneur litigieux appartenant à la débitrice, la société IED, dont elle a assuré le transport et l’acconage du colis », la Cour d’Appel d’Abidjan n’a en rien violé l’article 41 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé; qu’il échet en conséquence, de rejeter cette première branche du moyen unique comme non fondée.
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche
Vu l’article 42 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 42 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que « en ne déclarant pas l’appel de la SDV-CI sans objet et en le déclarant fondé en application de l’ARTICLE 42 de l’Acte uniforme relatif aux sûretés, l’arrêt déféré viole doublement ledit article, parce qu’il n’existait plus la moindre créance connexe au profit de la SDV-CI, (..) qu’en effet, l’accusé de réception du chèque de 4.461.774 FCFA par SDV-CI indique clairement : Reçu le 24/05/05 chèque original pour règlement définitif IED/ENVOL-TRANSIT. Procédure de livraison en cours conformément à l’ordonnance du 06/05/05; que cela s’appelle un acquiescement à l’ordonnance rendue par le premier juge, et qu’en conséquence, l’appel de la SDV-CI relevé de cette ordonnance le 27/05/05, soit 03 jours après cet acquiescement, est visiblement sans objet ».
Attendu qu’aux termes de l’article 42 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, « la connexité est réputée établie si la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relations d’affaires entre le créancier et le débiteur ».
Attendu qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que la créance réclamée par la SDV-CI à la société IED est la conséquence des relations d’affaires entretenues par les deux sociétés; que dès lors, la SDV-CI est fondée à exercer son droit de rétention sur le conteneur destiné à sa débitrice, jusqu’à complet paiement par celle-ci de sa dette; qu’il suit qu’en déclarant que la SDV-CI est détentrice légitime du conteneur litigieux appartenant à sa débitrice, à savoir la société IED, l’arrêt attaqué ne viole en rien l’article 42, alinéa 2 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé; qu’ainsi, la seconde branche du moyen unique n’est pas davantage fondée et doit être rejetée.
Attendu que la société ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par la société ENVOL-TRANSIT COTE D’IVOIRE.
La condamne aux dépens.
Président : Jacques M’BOSSO.