J-09-33
Voies d’exécution – Saisie-attribution de créance – Paiement des causes de la saisie par le tiers saisi – Action récursoire contre le débiteur saisi – Action se situant en dehors de la procédure de saisie-attribution – Application des dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution (NON).
Voies d’exécution – Saisie-attribution de créance – Paiement des causes de la saisie par un tiers – Action récursoire contre le débiteur saisi – Conditions – Paiement de la cause de la saisie au créancier poursuivant pour le compte du débiteur – Nécessité d’une faute du tiers ou du débiteur (NON).
L’action récursoire prévue à l’article 38 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution se situant en dehors de la procédure de saisie-attribution et mettant en rapport le tiers qui a payé et qui devient demandeur et le débiteur à la saisie qui devient défendeur à l’instance, elle relève de la compétence des juridictions de droit commun et non du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence visée à l’article 49 de l’Acte uniforme sus indiqué.
Les dispositions de l’article 38 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, édictant le principe d’une action récursoire contre le débiteur en faveur d’un tiers qui a payé les causes de la saisie au créancier poursuivant, cette action récursoire ne suppose pas, pour aboutir, qu’il soit demandé ou non une quelconque faute de la part du tiers ou du débiteur, mais seulement que le tiers saisi ait payé les causes de la saisie au créancier poursuivant pour le compte du débiteur.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 1ère Chambre, Arrêt n 019 du 24 avri1 2008. Affaire : Maître BOHOUSSOU Juliette c/ Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI. Le Juris-Ohada n 2 Avril-Mai-Juin 2008, p. 23. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 54.
Sur le pourvoi enregistré le 26 mai 2006 au greffe de la Cour de céans sous le numéro 039/2006/PC et formé par Maître DAGO BOLE Alain, Avocat à la Cour, demeurant Cocody, 10, rue de la Canebière, Immeuble SICOGE, RDC, Porte B, 04 BP 2690 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de Maître BOHOUSSOU Juliette, dans une cause l’opposant à la BICICI, société anonyme, ayant son siège social à Abidjan-Plateau, avenue Franchet d’Esperey, Tour BICICI, 01 BP 1298 Abidjan 01, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur P., Président Directeur Général, de nationalité française, domicilié à Abidjan Cocody, 50, rue Booker Washington, 01 BP 1298 Abidjan 01, ayant pour Conseils la SCPA DOGUE-ABBE YAO & Associés, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, 29, boulevard Clozel, 01 BP 174 Abidjan 01, en cassation de l’Arrêt n 1061 rendu le 09 décembre 2005 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale, administrative et en dernier ressort :
EN LA FORME :
Déclare Maître BOHOUSSOU Juliette recevable en son appel.
AU FOND :
L’y dit mal fondée.
Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris.
La condamne aux dépens ».
La requérante invoque au soutien de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure, qu’en exécution de l’Ordonnance n 5108 rendue par le juge des référés le 21 novembre 2003 et confirmée par arrêt du 06 avril 2004 de la Cour d’Appel d’Abidjan, la BICICI avait payé les causes de la saisie-attribution de créances pratiquée par Monsieur T., entre ses mains, sur les fonds appartenant à Maître BOHOUSSOU Juliette, pour déclaration inexacte; qu’ayant désintéressé Monsieur T., la BICICI avait assigné Maître BOHOUSSOU en restitution de la somme payée; que par jugement n 439 du 23 février 2005, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait fait droit à cette demande et condamné Maître BOHOUSSOU à payer à la BICICI, la somme de 9.072.021 FCFA; que sur appel de Maître BOHOUSSOU, la Cour d’Appel d’Abidjan avait, par Arrêt n 1061 du 09 décembre 2005 dont pourvoi, confirmé en toutes ses dispositions le jugement querellé.
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 49 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, en ce que la Cour d’Appel d’Abidjan a confirmé une décision rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, alors que selon le moyen, la demande en remboursement de la BICICI est relative à une mesure d’exécution forcée, et donc de la seule compétence de la juridiction statuant en matière d’urgence indiquée à l’article 49 susvisé; que la Cour d’Appel d’Abidjan, en confirmant une décision rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan dans une matière réservée au Président de cette juridiction, a violé les dispositions dudit article 49, et son arrêt encourt de ce fait cassation.
Mais, attendu que contrairement à l’argumentaire de Me BOHOUSSOU, l’action récursoire intentée par un tiers saisi contre le débiteur en remboursement des causes d’une saisie-attribution payée au profit du créancier poursuivant relève de la compétence des juridictions de droit commun et non du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence visée à l’ARTICLE 49 de l’Acte uniforme sus indiqué; que l’action récursoire prévue à l’article 38 du même Acte uniforme se situe en dehors de la procédure de saisie-attribution et met en rapport le tiers qui a payé et qui devient demandeur et le débiteur à la saisie qui devient défendeur à l’instance; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le second moyen
Vu l’article 38 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est également fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 38 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’Appel d’Abidjan a estimé que « l’action en remboursement est bien fondée, dès lors qu’après condamnation, le tiers saisi a payé entre les mains du créancier, les causes de la saisie, sans qu’il soit besoin de rechercher une quelconque faute de la part du débiteur », alors que selon le moyen, la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie est la sanction de la faute qu’il a personnellement commise; que s’agissant de la BICICI, l’obligation de paiement résultant de sa condamnation constitue une obligation pesant sur elle à titre personnel, ce qui signifie qu’elle paie au créancier poursuivant, non pour le compte de Juliette BOHOUSSOU, mais bien parce qu’elle est désormais personnellement responsable; qu’en jugeant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’Appel d’Abidjan a violé l’article 38 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, et son arrêt encourt de ce fait cassation.
Mais, attendu qu’aux termes de l’article 38 in fine de l’Acte uniforme susvisé, « Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également, et sous les mêmes conditions, être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf son recours contre le débiteur ».
Attendu que les dispositions sus énoncées de l’article 38 de l’Acte uniforme précité édictent le principe d’une action récursoire contre le débiteur en faveur d’un tiers qui a payé les causes de la saisie au créancier poursuivant; que cette action récursoire, contrairement aux prétentions de Me BOHOUSSOU, ne suppose pas, pour aboutir, qu’il soit démontré ou non une quelconque faute de la part du tiers ou du débiteur; qu’il suffit que le tiers saisi ait payé les causes de la saisie au créancier poursuivant pour le compte du débiteur; qu’il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel d’Abidjan n’a en rien violé les dispositions sus énoncées; qu’ainsi, ce second moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté.
Attendu que Me BOHOUSSOU Juliette ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par Me BOHOUSSOU Juliette.
La condamne aux dépens.
Président : Jacques M’BOSSO.