J-09-35
Recouvrement de créance – Injonction de payer – Opposition – Formalités de signification et d’assignation – Observation – Déchéance (NON).
Viole l’article 11 de l’Acte uniforme portant recouvrement de créance, une décision du Tribunal qui a déclaré le débiteur déchu de son droit de former opposition et ordonné l’opposition de la formule exécution sur l’ordonnance d’injonction de payer, dès lors que le débiteur poursuivi s’est conformé aux prescriptions des dispositions de l’article 11 suscité.
En confirmant le jugement entrepris, la Cour d’Appel a violé l’article 11 et son arrêt encourt la cassation.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 2ème Chambre, Arrêt n 024 du 30 avril 2008. Affaire : Banque Internationale du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit dite BICEC c/ Succession S. Le Juris-Ohada n 2 Avril-Mai-Juin 2008, p. 28. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 102.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 014/2005/PC du 08 avril 2005 et formé par Maître Guy NOAH, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 1913 Yaoundé, au nom et pour le compte de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit dite BICEC, société anonyme dont le siège est situé à Douala, BP 1925, Avenue du Général de Gaulle, dans une cause l’opposant à la Succession S., ayant pour Conseil Maître ESSOH Déborah, Avocat au Barreau de Cameroun, BP 6815, Yaoundé, en cassation de l’Arrêt n 43/Civ. rendu le 22 octobre 2004 par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en chambre de conseil, en dernier ressort.
En la forme :
Reçoit l’appel.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Condamne la BICEC aux dépens distraits au profit de Maître ESSOH EIVANE, Avocat aux offres de droit ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que Docteur SUNJIO Justin, pharmacien, avait bénéficié de son vivant d’un certain nombre de concours bancaires de la Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie du Cameroun dite BICIC; que suite à son décès survenu le 24 mai 1994, la Succession S. a sollicité et obtenu l’expertise comptable du compte du de cujus, par jugement avant-dire droit n 567/ADD rendu le 10 septembre 1997 par le Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé; que le rapport d’expertise concluait à un solde créditeur d’un montant de 259.497.914 FCFA en faveur de la « Pharmacie française », enseigne sous laquelle le défunt exerçait son activité de pharmacien; que le 13 décembre 1999, la Banque Internationale du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit dite BICEC SA, subrogée dans les droits de la BICIC, sollicitait une contre-expertise du compte de la « Pharmacie française »; que la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, par Arrêt n 285/CC du 12 mai 2000, rejetait la demande de contre-expertise et confirmait le jugement entrepris; que se fondant sur le rapport d’expertise, l’arrêt de la Cour d’Appel du Centre et la convention de compte courant du 16 mars1993 passée entre la BICIC et le défunt S., la Succession S. sollicitait et obtenait du Président du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi, l’Ordonnance n 100 du 06 juin 2001, laquelle enjoignait à la BICEC SA d’avoir à lui payer la somme de 259.497.914 FCFA, représentant les intérêts de droit; que suite à l’opposition formée contre ladite ordonnance par la BICEC SA, le Tribunal de Grande Instance de Mfoundi, par jugement n 144 du 21 novembre 2002, la déclarait déchue de son droit de faire opposition et ordonnait l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer n 100 susvisé; que ledit jugement était confirmé par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, par Arrêt n 43/Civ. du 22 octobre 2004 dont pourvoi devant la Cour de céans.
Sur le premier moyen
Attendu que le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’ARTICLE 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il a confirmé le jugement n 144 rendu le 21 novembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé, qui a déclaré la BICEC SA déchue de son opposition et ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’Ordonnance n 100 rendue le 06 juin 2001 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi, juge des référés, et ce, en violation de l’article 11 de l’Acte uniforme suscité; que selon la requérante, la déchéance prévue à l’article 11 dudit Acte uniforme est relative et ne vise qu’à empêcher le Greffier en chef de délivrer un certificat de non-opposition à la partie qui voudrait s’en prévaloir aux fins d’obtention de la formule exécutoire; que de plus, pour la BICEC SA, le fait pour elle d’avoir signifié son acte d’opposition à la Succession S. et non au greffe, n’est pas suffisant à faire prononcer contre elle la déchéance tel qu’il a été procédé jusqu’ici par les juges du fond; car, a-t-elle précisé, il est matériellement impossible pour un huissier de notifier dans la même copie l’acte aux parties et au greffe, l’exigence de servir dans le même acte ne pouvant se vérifier que dans l’original de l’acte que détient l’huissier, ou dans la copie destinée à l’opposant lui-même; qu’en conclusion, la requérante demande à la Cour de céans de casser l’arrêt attaqué.
Attendu qu’aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme suscité, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition :
de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer.
de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente, à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition ».
Attendu, en l’espèce, que par Ordonnance n 100 du 06 juin 2001, le Président du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi a enjoint à la BICEC SA d’avoir à payer 259.497.914 FCFA et 8.649.930 FCFA à la Succession S; que suite à l’opposition formée contre ladite ordonnance par la BICEC SA, le Tribunal de Grande Instance de Mfoundi, par jugement n 144 du 21 novembre 2002, a ordonné l’apposition de la formule exécutoire non prévue à l’ARTICLE 11 suscité sur l’ordonnance d’injonction de payer.
Attendu que la Cour d’Appel, en confirmant le jugement entrepris, a pour les mêmes raisons exposées ci-dessus, violé l’article 11 suscité; qu’il suit que son arrêt doit être cassé pour violation dudit article 11 et qu’il y a lieu d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.
Sur l’évocation
Attendu que la BICEC demande à la Cour d’Appel de constater qu’elle a bien accompli les formalités exigées par l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en signifiant son recours tant à la Succession S. qu’au greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé; qu’elle demande en conséquence à la Cour d’Appel, d’infirmer le jugement n 144 du 21 novembre 2002 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé; que de plus, pour elle, aucune déchéance n’était encourue aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme précité; qu’elle demande en définitive à la Cour, évoquant et statuant à nouveau, de :
– la recevoir en son opposition et de l’y dire fondée;
– condamner la Succession S. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Guy NOAH, Avocat aux offres de droit.
Attendu que la Succession S., sous la plume de son Conseil, Maître ESSOH Déborah, demande à son tour à la haute juridiction, de :
– bien vouloir constater que la BICEC n’a pas signifié dans le même acte aux parties et au greffe;
– bien vouloir constater qu’elle n’a assigné personne à comparaître;
– dire et juger que la BICEC est déchue de son droit d’opposition, conformément à l’ARTICLE 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– bien vouloir confirmer le jugement entrepris.
Attendu que suite à l’opposition de la BICEC contre l’Ordonnance n 100 rendue le 06 juin 2001 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé, juge des référés, ledit Tribunal, par jugement n 144 du 21 novembre 2002, l’a déclarée déchue de son droit de faire opposition et a ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur ladite ordonnance.
Sur l’opposition de la SICEC
Attendu que la BICEC demande à la Cour de constater qu’elle a bien accompli les formalités prescrites par l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en signifiant son recours tant à la Succession S., qu’au Greffier en chef du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé; qu’en conséquence, elle demande de la recevoir en son opposition.
Attendu qu’aux termes de l’article 11 de l’Acte uniforme sus mentionné, « l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même Acte que celui de l’opposition :
– de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer;
– de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente, à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition.
Attendu, en l’espèce, qu’il résulte des écritures, que la BICEC a d’une part, signifié son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer; d’autre part, la BICEC a, dans le même acte, servi assignation à comparaître devant la juridiction compétente dans un délai n’excédant pas 30 jours à compter de l’opposition; qu’elle s’est ainsi conformée aux dispositions de l’article 11 suscité.
Attendu qu’il y a lieu d’infirmer la décision du Tribunal qui, en violation de l’ARTICLE 11 suscité, a déclaré la BICEC SA déchue de son droit de former opposition et ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer.
Attendu que la Succession S. ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 43/Civ. rendu le 22 octobre 2004 par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Annule l’Ordonnance n 100 rendue le 06 juin 2001 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Mfoundi à Yaoundé.
Condamne la Succession S. aux dépens.
Président : Antoine Joachim OLIVEIRA.