J-09-42
Voies d’exécution – Saisie – Vente – Demande relative à la propriété des biens saisis – Recevabilité (OUI) – Suspension de la procédure – Distraction et restitution des biens enlevés (OUI).
Voies d’exécution – Saisie – Vente – Mainlevée – Commandement de restituer les biens avec obligation de restituer les biens ou à défaut, de payer leur valeur vénale et accessoire – Commandement ayant été établi dans le cadre d’une procédure de saisie-vente (NON) – Inapplication des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution.
La vente des biens saisis ayant eu lieu en application des dispositions de l’article 139, la procédure de vente aurait dû être suspendue par la requête de la défenderesse, qui sollicitait d’ordonner la distraction et la restitution des biens enlevés.
En conséquence, la violation prétendue de l’article 142, excipée par la requérante, ne saurait prospérer, dès lors qu’elle ne pouvait ignorer l’existence de la requête qui est à la base de l’ordonnance qui a déclaré nul le procès-verbal de recollement suivi de vente et ordonné la mainlevée de la saisie.
Il n’y a pas lieu à application des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, dès lors que le commandement de restituer consécutif à l’ordonnance de mainlevée, d’une part, mentionne l’obligation par la requérante, de restituer lesdits biens ou à défaut, de payer leur valeur vénale et leurs accessoires, et d’autre part, n’a pas été établi dans le cadre d’une procédure de saisie-vente.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 2ème Chambre, Arrêt n 011 du 27 mars2008. Affaire : Société TECRAM TRANSIT c/ M. Le Juris-Ohada n 3 Juillet-Août-Septembre 2008, p. 23. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 43.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 décembre 2004 sous le n 123/2004/PC et formé par la société TECRAM TRANSIT, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Fadiga Amara, Gérant de ladite société, dont le siège est à Abidjan, zone 3, 17 rue du Canal, 18 BP 35 Abidjan 18, ayant pour Conseil Maître Philippe KOUDOU-GBATE, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant, immeuble « CCIA », 7ème étage, avenue Jean Paul II, 04 BP 544 Abidjan 04, dans la cause qui oppose cette dernière à Mademoiselle N., commerçante exerçant sous la dénomination commerciale de « Cave de Sion », fonds sis à Abidjan-Plateau, 8, boulevard Carde, immeuble « la Résidence Borg », demeurant à Abidjan Yopougon SOGEFIHA Siporex 5 lot 2929,. en cassation de l’Arrêt n 259 rendu le 13 février 2004 par la Cour d’Appel d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
– « En la forme :
Déclare N. recevable en son appel relevé de l’Ordonnance n 3228 rendue le 16 juillet 2003 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan.
Au fond :
L’y dit bien fondée.
Infirme en toutes ses dispositions ladite ordonnance.
Statuant à nouveau :
Dit et juge régulier et valable le commandement de payer du 17/06/2003 et lui restitue tous ses effets.
Condamne la société TECRAM TRANSIT aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que Mademoiselle N., commerçante exerçant son activité dans l’exploitation d’un fonds de commerce dénommé « Cave de Sion », qui a pour objet l’importation de vins et spiritueux, a reçu le 31 décembre 2002, la visite de Maître N’DRI Niamkey Paul, Huissier de justice, lequel, après avoir délaissé dans ses locaux un procès-verbal de recollement suivi de vente, a fait enlever « manu militari » plusieurs lots de biens meubles corporels lui appartenant; que ledit exploit mentionnait que l’opération, commanditée par la société TECRAM TRANSIT, visait la Société Challenger International, laquelle, selon elle, lui était totalement inconnue; que pour la sauvegarde de ses droits et intérêts, l’huissier instrumentaire ayant enlevé irrégulièrement, selon elle, des lots de boisson et des effets de bureau, après avoir requis un huissier aux fins de dresser un procès-verbal de constat de faits et d’inventaire, elle assignait la société TECRAM TRANSIT en mainlevée de la saisie pratiquée et en distraction des biens enlevés; que par ordonnance de référé n 424 en date du 30 janvier 2003, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan faisait droit à ladite demande; que cette ordonnance, régulièrement signifiée aux requis par exploit en date du 05 mars2003 de Maître YAPI Ambroise, Huissier de justice, n’ayant fait l’objet d’aucun recours, Mademoiselle N., par exploit en date du 17 juin 2003, faisait servir un commandement aux fins de restituer ses biens à la société TECRAM TRANSIT, bénéficiaire de la saisie; que cette dernière, sans déférer audit commandement, le contestait et obtenait son annulation par l’ordonnance de référé n 3229 rendue le 16 juillet 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan; que sur l’appel interjeté par Mademoiselle N. contre cette décision, la Cour d’Appel d’Abidjan rendait l’arrêt infirmatif n 259 en date du 13 février 2004, objet du présent pourvoi en cassation initié par la société TECRAM TRANSIT.
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 142 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que d’après ce texte, après la vente des biens saisis, seule peut alors être exercée l’action en revendication; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué ayant constaté que les biens saisis avaient été déjà vendus, n’en a pas tiré les conséquences juridiques qui en découlaient, à savoir que :
Mademoiselle N. ne pouvait plus demander la restitution desdits biens à la société TECRAM TRANSIT, sauf à mettre ainsi à sa charge, une obligation impossible dans la mesure où celle-ci n’était pas en possession desdits biens.
La seule action que pouvait exercer la susnommée était l’action en revendication; la Cour d’Appel aurait donc dû inviter Mademoiselle N. à exercer une telle action pour solliciter la restitution querellée; qu’elle ne l’a cependant pas fait; qu’en se contentant de dire que le commandement de restituer et de payer, querellé, était parfaitement régulier, son arrêt est mal fondé et doit être cassé.
Mais, attendu que s’il est vrai que l’article 142 de l’Acte uniforme susvisé dispose que « l’action en distraction cesse d’être recevable après la vente des biens saisis; seule peut alors être exercée, l’action en revendication », l’article 139 dudit Acte uniforme spécifie que « les demandes relatives à la propriété ou à la saisissabilité ne font pas obstacle à la saisie, mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en sont l’objet »; qu’en l’espèce, dans sa requête en date du 09 janvier 2003 ayant abouti au prononcé de l’ordonnance de référé n 424 rendue contradictoirement le 30 janvier 2003, la défenderesse au pourvoi sollicitait « d’ordonner la distraction et la restitution des biens enlevés » par la requérante, ce à quoi a fait droit la décision précitée à l’encontre de la société TECRAM TRANSIT, qui n’a usé à son encontre, d’aucune voie de recours; que la vente des biens saisis ayant eu lieu le 11 janvier 2003, comme l’atteste le « procès-verbal de vente » versé au dossier, en application des dispositions sus énoncées de l’article 139, la procédure de vente aurait dû être suspendue par la requête précitée de la défenderesse au pourvoi datée du 09 janvier 2003, et dont la société TECRAM TRANSIT ne pouvait ignorer l’existence, puisque c’est précisément cette requête qui est à la base de l’ordonnance de référé n 424 du 30 janvier 2003 ayant déclaré « nul le procès-verbal de recollement suivi de vente en date du 31 décembre 2002 » et « ordonné la mainlevée » de la saisie : qu’en conséquence, la violation prétendue de l’ARTICLE 142, excipée par la requérante, ne saurait prospérer; qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 219 de l’Acte uniforme précité, en ce que, selon la requérante, la « quasi-totalité » des mentions spécifiées audit article ne figurent pas dans « le commandement de restituer » en date du 17 juin 2003, querellé; que s’agissant de mentions prescrites à peine de nullité, il ne pouvait y être dérogé.
Mais, attendu que la requérante, qui se borne à déplorer l’absence dans le commandement susvisé, de la « quasi-totalité » des mentions prescrites à peine de nullité par l’ARTICLE 219 susvisé, ne spécifie ni ne caractérise aucune desdites mentions, alors même qu’elle en avait le devoir; que faute de l’avoir fait, ledit moyen est vague et imprécis et ne saurait à ce titre être accueilli.
Sur le troisième moyen
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 91 et 92 de l’Acte uniforme précité, en ce que lesdits articles ayant respectivement prévu que tout commandement préalable de payer doit être fondé sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et les mentions devant obligatoirement figurer audit commandement préalable, la Cour de céans « constatera » que le commandement querellé comporte réclamation du paiement de la somme de 10 000 000 francs CFA qui représenterait la valeur vénale des objets enlevés, et dont la restitution serait réclamée, outre celle de 86.950 francs CFA à titre de frais de procédure, celle de 250 000 francs CFA à titre d’émolument d’huissier et 30.950 francs CFA, coût dudit commandement, alors que la défenderesse au pourvoi ne justifiait d’aucun titre exécutoire condamnant la société TECRAM TRANSIT à lui payer quelque somme que ce soit; que l’ordonnance de référé n 424 du 30 janvier 2003 dont se prévaut ladite défenderesse ne comportant aucune condamnation au paiement d’une quelconque somme d’argent, il écherra, ayant statué comme il l’a fait, de casser l’arrêt attaqué.
Mais, attendu que les articles 91 et 92 de l’Acte uniforme précité, visés au moyen, régissent entre autres, la saisie-vente et en particulier, le commandement de payer préalable à cette saisie; qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que c’est en exécution d’une ordonnance d’injonction de payer, en l’occurrence, l’Ordonnance n 9142 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan le 08 août 2001 et condamnant la société Challenger International à payer à la société TECRAM TRANSIT, la somme principale de 6.002.185 francs CFA, outre les intérêts et frais, pour des opérations de transit non réglées, que cette dernière a diligenté contre son débiteur une procédure de saisie-vente qui, en définitive, a été indûment exécutée sur les biens meubles corporels appartenant à la défenderesse au pourvoi, laquelle était étrangère au contentieux opposant les deux sociétés; que ladite défenderesse ayant demandé et obtenu l’ordonnance de référé n 424 rendue le 30 janvier 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ordonnant la mainlevée sur les biens saisis et d’ailleurs vendus avant le prononcé de l’ordonnance susvisée, dans ces circonstances, le commandement de restituer du 17 juin 2003 consécutif à cette décision mentionnant, d’une part, l’obligation par la requérante de restituer lesdits biens ou à défaut, de payer leur valeur vénale et leurs accessoires, et d’autre part, n’ayant pas été établi dans le cadre d’une procédure de saisie-vente, ce qui eût pu donner lieu à l’application des textes visés au moyen, ne pouvait par suite avoir violé ceux-ci; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Attendu que la Société TECRAM TRANSIT ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi.
Condamne la requérante aux dépens.
Président : Antoine Joachim OLIVEIRA.