J-09-43
Voies d’exécution – Saisies-attributions de créance – Litige – Juridiction compétente – Premier Président de la Cour de Cassation (NON) – Compétence du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du Magistrat délégué par lui – Annulation de l’ordonnance.
Méconnaît les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution et expose sa décision à l’annulation, le Premier Président de la Cour de Cassation ou Magistrat qui ordonne le sursis à l’exécution forcée de l’arrêt de la Cour d’Appel, alors qu’en la matière, ledit article donne compétence préalable au Président de la Juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou au Magistrat délégué par lui ».
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 2ème Chambre, Arrêt n 012 du 27 mars2008. Affaire : – Z. Ayants-droit de feu K. c/ Société Générale d’Entreprise Bâtiments Génie Civil dite SOGEPER. Le Juris-Ohada n 3 Juillet-Août-Septembre 2008, p. 26. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 107. Actualités juridiques n 60-61, p. 417.
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n 056/2005/PC du 04 novembre 2005 et formé par Maître Mamadou OUATTARA, Avocat à la Cour, demeurant à Ouagadougou, Cabinet « JURIS-CA », 11 BP 346 CMS Ouagadougou 11, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Z. et des Ayants-droit de feu K., décédé à Ouagadougou le 06 janvier 1998, en annulation de l’ordonnance de référé n 13/2005/GC/CASS rendue le 18 juillet 2005 par le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso au profit de la Société Générale d’Entreprise Bâtiments Génie Civil dite SOGEPER, dont le siège social est à Ouagadougou, 01 BP 417 Ouagadougou 01, Burkina Faso, et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant en Chambre du Conseil et en forme de référé.
En la forme :
Déclare la requête recevable.
Au fond :
Nous déclarons compétent.
Ordonnons le sursis à l’exécution de l’Arrêt n 50 du 02 avril 2004 de la Cour d’Appel de Ouagadougou.
Déboutons le défendeur de ses prétentions.
Réservons les dépens.
Renvoyons l’affaire devant la Chambre civile pour la poursuite de la procédure de pourvoi, conformément à la procédure d’urgence visée à l’article 619 du Code de Procédure Civile ».
Les requérants invoquent à l’appui de leur recours, le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que la Société Générale d’Entreprise Bâtiments Génie Civil dite SOGEPER avait été commise à la construction d’un immeuble à Ouagadougou; qu’elle confia la sous-traitance des travaux de peinture à Monsieur S. et que pour l’exécution de cette tâche, elle mit à la disposition de ce dernier, un treuil de chantier dont l’installation fut faite sous sa supervision; que le 06 janvier 1998, après l’installation de ce treuil à plus de neuf mètres au-dessus du sol, les sieurs Z. et K. furent autorisés à s’y installer pour effectuer les travaux précités à eux confiés; que c’est alors que survint un accident qui causa des blessures à Monsieur Z. et la mort de son collègue Monsieur K; que le sinistre donnait lieu à une procédure judiciaire au cours de laquelle, par jugement n 110 en date du 06 février 2002, le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou déclarait la SOGEPER responsable des préjudices subis par Monsieur Z. et les Ayants-droit de feu K., et condamnait ladite société à leur payer les sommes respectives de 10 000 000 de francs CFA à Monsieur Z. et 20 000 000 de francs CFA aux Ayants-droit de feu K; que sur appel des parties, la Cour d’Appel de Ouagadougou confirmait ledit jugement par Arrêt n 50 en date du 02 avril 2004; que par requête en date du 1er juin 2004, la SOGEPER s’est pourvue en cassation contre l’arrêt précité devant la Cour de Cassation du Burkina Faso, précisant que dans l’attente de l’expédition dudit arrêt, elle se réservait le droit de développer dans un mémoire ampliatif, les moyens de son pourvoi; que par exploit en date du 06 mai 2005, Monsieur Z. et les Ayants-droit de feu K. notifiaient à la SOGEPER, une copie de l’expédition du jugement n 110 du 06 février 2002 et de la grosse de l’arrêt confirmatif n 50 du 02 avril 2004; que cependant, plus de 45 jours après cette notification, la SOGEPER n’ayant ni déposé de mémoire ampliatif devant la Cour de Cassation, ni procédé à aucun paiement, Monsieur Z. et les Ayants-droit de feu K. ont, par exploits en date des 22 juin et 1er juillet 2005, pratiqué des saisies-attributions de créances contre elle; que suite à ces saisies, à la requête de la SOGEPER, le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso a rendu l’ordonnance de référé n 13/2005/GC/CASS en date du 18 juillet 2005 ordonnant le sursis à l’exécution de l’Arrêt n 50 du 02 avril 2004 de la Cour d’Appel de Ouagadougou; que c’est l’annulation de cette ordonnance déférée devant la Cour de céans qui est présentement sollicitée par les requérants.
Sur le moyen unique d’annulation
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que les requérants fondent leur demande d’annulation sur la violation des dispositions de l’ARTICLE 49 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que l’exécution forcée de l’arrêt confirmatif n 50 du 02 avril 2004 ayant déjà été entamée au moyen de saisies-attributions de créances pratiquées par exploits en date des 22 juin et 1er juillet 2005, lesquelles saisies régulièrement dénoncées à la SOGEPER, débiteur saisi, n’ont fait l’objet d’aucune contestation, dès lors, lesdites saisies devaient sortir leurs effets attributifs, et la SOGEPER ne pouvait plus recourir à la juridiction du Premier Président de la Cour de Cassation pour demander un sursis à l’exécution dudit arrêt, et ce dernier ne pouvait non plus ordonner ce sursis sans violer la disposition précitée.
Attendu que la matière des voies d’exécution à laquelle se rattache le présent contentieux, qui fait suite au sursis à l’exécution forcée d’un titre exécutoire ordonné, alors que cette exécution était entamée et matérialisée par des mesures effectives de saisies-attributions de créances, est régie, depuis le 11 juillet 1998, date de son entrée en vigueur, par l’Acte uniforme susvisé; qu’il ressort des dispositions de l’ARTICLE 49 dudit Acte uniforme, que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du magistrat délégué par lui; qu’en application de ce texte, le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso n’était pas compétent pour ordonner le sursis à l’exécution forcée de l’Arrêt n 50 rendu le 02 avril 2004 par la Cour d’Appel de Ouagadougou; qu’en le faisant aux motifs que « .. l’exécution [dudit arrêt] porterait [à la SOGEPER] un préjudice irréparable en cas de cassation de la décision, compte tenu de l’incapacité pour les défendeurs au pourvoi, de répéter les sommes qu’ils auraient perçues, qui s’élèvent à 30 millions de francs », alors même, qu’à cet égard, l’ALINÉA 2 de l’ARTICLE 32 de l’Acte uniforme susvisé précise que « l’exécution est.. poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution, sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part », le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso a méconnu les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme susvisé et exposé sa décision à l’annulation; qu’il échet en conséquence, d’annuler l’ordonnance attaquée, pour cause de violation de la loi.
Attendu que la SOGEPER ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Annule l’ordonnance de référé n 13/2005/GC/CASS rendue le 18 juillet 2005 par le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso.
Condamne la Société Générale d’Entreprise Bâtiments Génie Civil dite SOGEPER aux dépens.
Président : Antoine Joachim OLIVEIRA.