J-09-44
Voies d’exécution – Saisie – Vente – Sursis à exécution – Pourvoi contre l’ordonnance – Questions relatives à l’application d’un Acte uniforme – Compétence de la C.C.J.A (OUI).
Voies d’exécution – Saisie – Vente – Litige – Juridiction compétente – Président de la Cour de Cassation (NON) – Compétence du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou par son délégué – Annulation de l’ordonnance ayant ordonné le sursis à exécution.
Le pourvoi formé contre l’ordonnance attaquée non susceptible d’appel rendue par une juridiction nationale relève en application de l’article 14 du Traité constitutif de l’OHADA, de la compétence de la C.C.J.A, dès lors que l’ordonnance a été rendue sur des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme.
En retenant sa compétence pour ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt, le Premier Président de la Cour de Cassation a méconnu les dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant voies d’exécution, qui donne compétence au Président de la Juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou à son délégué.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 2ème Chambre, Arrêt n 013 du 27 mars2008. Affaire : Monsieur J. c/ ECOBANK BURKINA SA. Le Juris-Ohada n 3 Juillet-Août-Septembre 2008, p. 29. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 110. Actualités juridiques n 60-61, p. 419.
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans, sous le numéro 043/2006/PC du 07 juin 2006 et formé par Maître Mamadou SOMBIE, Avocat à la Cour, demeurant à Ouagadougou, Secteur 8, 01 BP 4665 Ouagadougou 01, lequel a été substitué par SCPA AKRE & KOUYATE, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan 2 Plateaux, carrefour Parfumerie Brumes-SICOGI, Duplex n 350 Bd des Martyrs, Rue K 036, 06 BP 6470 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de Monsieur J., commerçant, à l’enseigne Établissements INCO, demeurant à Ouagadougou, secteur 8, quartier Gounghin, 01 BP 6960 à Ouagadougou 01, en annulation de l’ordonnance de référé n 003 du 20/01/2006/G.C/C.CASS rendue le 20 janvier 2006 par le Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso au profit de ECOBANK-BURKINA SA, et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant en Chambre du Conseil et en forme de référé.
En la forme :
Déclarons la requête recevable.
Sur l’exception d’incompétence.
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur à l’instance.
Nous déclarons compétent.
Au fond :
Ordonnons le sursis à l’exécution de l’Arrêt n 85/05 du 19 août 2005 rendu par la Cour d’Appel de Ouagadougou.
Déboutons chacune des parties de sa demande liée aux frais non compris dans les dépens.
Condamnons John Amour aux dépens.
Renvoyons l’affaire devant la Chambre commerciale de la Cour pour la poursuite de la procédure de pourvoi, conformément à la procédure d’urgence visée à l’article 619 du Code de Procédure Civile ».
Le requérant invoque à l’appui de son recours, le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent pourvoi.
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure, que par Arrêt n 85/05 rendu le 19 août 2005, la Cour d’Appel de Ouagadougou, Chambre civile et commerciale, a confirmé le jugement n 108 rendu le 16 mars2005, par lequel le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou a débouté comme étant mal fondée, l’opposition formée par la Banque ECOBANK-BURKINA SA, contre une ordonnance d’injonction l’ayant condamnée à payer à Monsieur J., la somme de soixante quatre millions six cent mille (64.600 000) francs CFA; que ce dernier a, le 29 décembre 2005, signifié à ECOBANK-BURKINA SA, le procès-verbal de saisie-vente non contesté par ladite banque, avec itératif commandement de payer, le premier commandement ayant été signifié le 10 novembre 2005 à la banque par Maître Abdoulaye OUEDRAOGO, Huissier de justice à Ouagadougou; que le 15 décembre 2005, ECOBANK-BURKINA SA, a saisi le premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso, d’une requête à fin de sursis à exécution de l’Arrêt n 85/05 contre lequel elle avait formé un pourvoi en cassation devant la Cour de Cassation du Burkina Faso; que par Ordonnance n 003 du 20/01/2006/G.C/C.CASS, objet du présent pourvoi, le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso, alors même que son incompétence avait été soulevée par le requérant, a ordonné le sursis à exécution de l’Arrêt n 85/05.
Sur l’incompétence de la Cour de céans soulevée in limine litis par ECOBANK BURKINA SA
Attendu qu’ECOBANK BURKINA SA estimant que la Cour de céans ne peut connaître, selon l’ARTICLE 17 du Traité institutif de l’OHADA, que des pourvois formés contre les décisions rendues sur le fond par les juridictions nationales de fond, le pourvoi formé, en l’espèce, contre l’ordonnance attaquée rendue en la forme de référé par le Premier Président de la Cour de Cassation, qui ne statuait pas au fond, ne relève pas de la compétence de la Cour de céans.
Attendu que le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso a rendu l’ordonnance attaquée, non susceptible d’appel, objet du présent pourvoi, en sa qualité de juge chargé de la juridiction des référés instituée au sein de ladite Cour de Cassation, à propos d’un litige relatif à une saisie-vente régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’il s’ensuit que le présent pourvoi formé contre l’ordonnance attaquée non susceptible d’appel rendue par une juridiction nationale, sur des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme, relève en application de l’ARTICLE 14 du Traité institutif de l’OHADA, de la compétence de la Cour de céans.
Sur l’irrecevabilité du recours en annulation formé par J., soulevée par ECOBANK BURKINA SA
Vu l’article 18 du Traité institutif de l’OHADA.
Attendu qu’aux termes de ce texte, le délai de deux mois à partir duquel le recours en annulation ne peut être exercé, court à compter de la notification de la décision contestée.
Attendu qu’ECOBANK BURKINA SA oppose une fin de non-recevoir au recours formé par le requérant, tirée de ce que « celui-ci a été initié le 28 mai 2006, soit après l’expiration du délai de deux mois prévu par l’ARTICLE 18 du Traité de l’OHADA, suivant le prononcé le 20 janvier 2006 de l’ordonnance attaquée, de caractère contradictoire, ou la notification de cette décision faite au requérant, le 1er février 2006 par Maître SOMDA Z. Séverin, Huissier de justice à Ouagadougou ».
Attendu qu’il résulte d’un acte de procédure intitulé « Notification d’Ordonnance de Référé », établi par Maître SOMDA Z. Séverin, non contesté par ECOBANK BURKINA SA, que l’ordonnance attaquée, rendue par le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso, a été notifiée à Monsieur J. le 18 mai 2006 à 17 h 30; qu’il s’ensuit que le recours formé par le requérant le 07 juin 2006 est recevable, comme ayant été formé dans le délai de deux mois prévu par l’ARTICLE 18 susvisé.
Sur la deuxième branche du moyen unique d’annulation
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que le requérant poursuit l’annulation de l’ordonnance attaquée sur le fondement de l’ARTICLE 49 de l’Acte uniforme susvisé, lequel dispose que toute question relative à une difficulté d’exécution ou à une mesure d’exécution forcée est du ressort du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui; qu’en retenant, en l’espèce, sa compétence, le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso a méconnu lesdites dispositions.
Attendu que la matière des voies d’exécution à laquelle se rattache le présent contentieux, qui fait suite au sursis à l’exécution du titre exécutoire sollicitée et obtenue par ECOBANK BURKINA SA est régie par l’ARTICLE 49 de l’Acte uniforme susvisé; qu’il ressort de ladite disposition, que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée, en l’espèce une saisie-vente, relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou par son délégué; qu’en application de ce texte, le Premier Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso n’était pas compétent pour se prononcer sur la demande d’ECOBANK BURKINA SA tendant à suspendre le cours de la procédure de saisie-vente pratiquée par le requérant; qu’il y a lieu en conséquence, d’annuler pour violation de l’ARTICLE 49 de l’Acte uniforme susvisé, l’Ordonnance de référé n 003 du 20/01/2006/G.C/C.CASS du 20 janvier 2006 par laquelle le Président de la Cour de Cassation du Burkina Faso a ordonné le sursis à exécution de l’Arrêt n 85/05 du 19 août 2005 rendu par la Cour d’Appel de Ouagadougou.
Attendu que ECOBANK BURKINA SA ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette l’exception d’incompétence de la Cour de céans et la fin de non-recevoir du recours en annulation soulevées par ECOBANK-BURKINA SA.
Annule l’ordonnance de référé n 003 du 20/01/2006/G.C/C.CASS rendue le 20 janvier 2006 par le Premier Président de la Cour de Cassation du BURKINA FASO.
Condamne ECOBANK-BURKINA SA aux dépens.
Président : Antoine Joachim OLIVEIRA.