J-09-48
Voies d’exécution – Jugement de condamnation – Litige – Juge compétent – Président de la Cour Suprême (NON) – Président de la Juridiction statuant en matière d’urgence ou Magistrat délégué par lui – Annulation de l’ordonnance attaquée.
En retenant sa compétence et en rendant l’ordonnance attaquée, le Président de la Cour Suprême a méconnu les dispositions de l’article 49 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution et exposé sa décision à l’annulation.
Par conséquent, il échet d’annuler l’ordonnance attaquée, pour cause de violation de la loi.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) 2ème Chambre, Arrêt n 028 du 30 avril 2008. Affaire : Société OLAM Burkina c/ Société TRIDENT SHIPPING. Le Juris-Ohada n 3 Juillet-Août-Septembre 2008, p. 42. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2009, p. 119.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n 059/2005/PC du 14 novembre 2005 et formé par Maître Coulibaly Soungalo, Avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant au Plateau, boulevard Roume, Immeuble JAM, 1er étage, 04 BP 2192 Abidjan 04, au nom et pour le compte de la société OLAM Burkina, société à responsabilité limitée dont le siège social est à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), dans une cause l’opposant à la société Trident Shipping, dont le siège social est à Abidjan Treichville, boulevard de Marseille, 18 BP 2822 Abidjan 18, en annulation de l’ordonnance n 051/CS/JP/2005 rendue le 07 septembre 2005 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, et dont le dispositif est le suivant :
« Nous, TIA KONE, Président de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire
Vu la requête qui précède et les pièces jointes
Vu l’article 221 du Code de Procédure Civile
Autorisons la société Trident Shipping à assigner la société OLAM Burkina, en référé d’heure à heure par-devant nous, le lundi 10 octobre 2005 à 11 heures
D’ores et déjà, ordonnons le sursis à l’exécution du jugement civil n 861/Civ. du 23 mars2005 du Tribunal d’Abidjan, jusqu’à ce qu’il soit statué sur les mérites de la présente requête »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête « valant recours en cassation d’une ordonnance de suspension des poursuites rendue par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire » annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que par jugement civil contradictoire n 861/05/Civ. du 23 mars2005, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a condamné la société Trident Shipping à payer à la société OLAM Burkina, la somme de 45.579.669,04 francs CFA; que cette décision est exécutoire par provision à concurrence du montant de 22.789.834,52 francs CFA; que sur appel et requête de la société Trident Shipping, le Président de la Cour d’Appel d’Abidjan a rejeté la demande aux fins de suspension des poursuites, par ordonnance n 259/2005 du 5 août 2005; que la juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, sur requête de la société Trident Shipping a, par ordonnance n 051/CS/JP/2005 rendue le 07 septembre 2005, ordonné le sursis à l’exécution du jugement querellé, jusqu’à ce qu’il soit statué sur les mérites de ladite requête; que c’est contre l’ordonnance susvisée que la société OLAM Burkina s’est pourvue en cassation devant la Cour de céans.
Sur le moyen unique d’annulation
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée, d’avoir suspendu l’exécution du jugement n 861/05/Civ. rendu le 23 mars2005 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui a condamné la société Trident Shipping à payer à la société OLAM Burkina, la somme de 45.579.669,04 francs CFA et ordonné l’exécution par provision à concurrence d’un montant de 22.789.834,52 francs CFA; que la requérante fonde son recours en annulation sur l’incompétence matérielle de la juridiction présidentielle de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire à connaître d’une demande de rétractation d’une ordonnance de rejet aux fins de suspension d’un jugement frappé d’appel, d’une part; d’autre part, sur la décision de cette dernière de suspendre l’exécution forcée déjà engagée d’un tel jugement, en violation, d’un côté, des articles 32 et 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; de l’autre côté, des articles 180 et 181 nouveaux du Code de Procédure Civile ivoirien; qu’en conclusion, il est demandé à la Cour de céans de déclarer le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire incompétent pour connaître de l’action de la défenderesse au pourvoi, dont il s’est saisi en méconnaissance des règles de procédure précitées, ensuite d’annuler l’ordonnance n 051/CS/PJ/2005 rendue par lui le 07 septembre 2005.
Attendu que la matière des voies d’exécution à laquelle se rattache la présente espèce est régie depuis le 10 juillet 1998, date de son entrée en vigueur, par l’Acte uniforme précité; que celui-ci dispose en son article 49, que « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.
Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé. Le délai d’appel, comme l’exercice de cette voie de recours, n’ont pas un caractère suspensif, sauf décision motivée du Président de la juridiction compétente ».
Attendu qu’il ressort des dispositions sus énoncées de l’article 49 de l’Acte uniforme précité, que tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie et en premier ressort du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou du magistrat délégué par lui; qu’il suit qu’en l’espèce, le juge compétent pour connaître des difficultés nées de la condamnation de la société Trident Shipping au paiement de la provision de 22.789.834,52 francs CFA à la société OLAM Burkina, en exécution du jugement n 861/05/Civ. rendu le 23 mars2005 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, est ce dernier ou le magistrat délégué par lui; qu’il résulte qu’en retenant sa compétence et en rendant l’ordonnance attaquée, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a méconnu les dispositions sus mentionnées et exposé sa décision à l’annulation; qu’il échet en conséquence, d’annuler l’ordonnance n 051/CS/JP/2005 du 07 septembre 2005, pour cause de violation de la loi.
Attendu que la société Trident Shipping ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Annule l’ordonnance n 051/CS/JP/2005 rendue le 07 septembre 2005 par le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire.
Condamne la société Trident Shipping aux dépens.
Président : Antoine Joachim OLIVEIRA.