J-09-57
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – VERIFICATION DES CREANCES – JUGE-COMMISSAIRE – ARRETE DES CREANCES – ADMISSION – REFUS D’AFFECTATION DE PRIVILEGE – OPPOSITION – ARTICLE 88 AUDCG – RECEVABILITE (OUI) – ORIGINE DE LA CREANCE – JUGEMENTS DE CONDAMNATION – CREANCES DE L’ETAT – TRANSFORMATION EN PARTS SOCIALES – ACTE NOTARIE – VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1319 CODE CIVIL (NON) – AUTORITE DE CHOSE JUGEE – RAPPORT DU JUGE-COMMISSAIRE – DECISION DE REJET DE LA CREANCE – PROCEDURE DE REJET – NON-RESPECT – ERREUR D’ADMISSION (NON) – CONFIRMATION DE LA CREANCE – CREANCE PRIVILEGIEE (OUI).
Une créance qui résulte de deux jugements de condamnation ne saurait être remise en cause parce que la décision est revêtue de l’autorité de chose jugée.
Conformément à l’article 86 AUPCAP, in fine, le juge-commissaire ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou une revendication ou se déclarer incompétent qu’après avoir entendu où dûment appelé le créancier, le débiteur et le syndic par lettre recommandée ou tout moyen laissant trace écrite. En l’espèce, si la volonté du juge-commissaire avait été de rejeter la créance, la procédure décrite ci-dessus lui aurait évité l’admission de ladite créance sur la base d’une simple « erreur de frappe ». Dès lors, il convient de confirmer la créance et de dire qu’elle sera assortie du privilège du trésor en application de l’article 4 de la loi n 23/93/ADP du 25 mai 1993.
Article 86 AUDCG
Article 88 AUDCG
Article 89 AUDCG
Article 1319 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 4 LOI 23/93/ADP DU 25 MAI 1993 PORTANT DISPOSITION PARTICULIERE APPLICABLE AU RECOUVREMENT DES CREANCES COMPROMISES DES ÉTABLISSEMENTS DE CREDIT EN RESTRUCTURATION CEDEE A L’ETAT BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 88 du 6 mars 2002, BRCB c/ Juge-commissaire à la liquidation de la SAVANA).
LE TRIBUNAL
FAITS, PROCEDURE
Par exploit en date du 19 novembre 2001, le BRCB a signifié au greffier en chef du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso qu’il entendait former opposition à l’état des créances tel arrêté par le juge-commissaire à la liquidation SAVANA le 1er mars 2001 et à lui notifié le 06 novembre 2001.
Le BRCB explique que cette contestation faite en application des articles 87 et 88 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif porte sur le refus d’accorder à sa créance, admise pour la somme de trois cent trente millions huit cent quatre vingt treize mille cinq cent quatre vingt onze (330.893.591) francs CFA, le bénéfice de l’article 4 de la loi n 23/93/ADP du 25 mai 1993 qui fait des créances du BRCB les créances privilégiées.
Conformément à l’article 89 alinéa 2 du même Acte uniforme le greffier en chef a donné avis aux parties de la date de renvoi de l’affaire devant le tribunal.
En réplique aux prétentions du BRCB, la SAVANA SA en liquidation représentée par maître Mathieu B. SOME, avocat à la Cour, fait valoir que la créance de l’Etat a été contestée par la liquidation du fait que l’Etat détient des actions dans le capital de la SAVANA ainsi que l’atteste l’opération « coup d’accordéon » du 28 janvier 1997 constatée par acte notarié.
Que dès lors que le BRCB ne s’inscrit pas en faux, l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’elle renferme entre les parties conformément à l’article 1319 du code civil.
Que par ailleurs l’Etat, en sa qualité d’actionnaire de la SAVANA ne peut produire une créance en application de l’article 78 de l’Acte uniforme sus-cité.
Pour toutes ces raisons, la liquidation SAVANA sollicite que le BRCB soit débouté de ses prétentions.
Le juge-commissaire, dans son rapport, conclut au rejet de toute la créance au motif que l’Etat, un et indivisible, a entendu implicitement renoncé à ses créances sur la SAVANA à travers différentes opérations : d’une part, le renoncement de la Caisse générale de péréquation (C.G.P) à sa créance de 210 000 000 francs ainsi que celui du Trésor public pour une créance de plus de 300 000 000 francs CFA; d’autre part, le décaissement par le même Trésor public de la somme de 150 000 000 francs CFA au profit de la liquidation SAVANA dans le but de faire face aux dettes sociales.
Enfin le juge-commissaire remet en cause l’état des créances déposé au greffe le 1er mars 2001, dans lequel la créance du BRCB avait été admise motif pris de ce que la mention « admise » qui y est inscrite provient d’une erreur de frappe lui ayant échappé au moment d’apposer la signature.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu qu’au sens de l’article 88 de l’Acte uniforme relatif au redressement et à la liquidation des biens, tout créancier porté au bilan ou dont la créance a été produite est recevable, pendant 15 jours à dater de l’insertion dans un journal d’annonces légales ou de la réception de l’avis les informant du rejet total ou partie de leurs créances, à formuler des réclamations par voie d’opposition formée auprès du greffe contre la décision du juge-commissaire.
Attendu qu’en l’espèce, il est constant que le dépôt de l’état des créances de la SAVANA a été notifié au BRCB le 6 novembre 2001.
Que l’opposition qui s’en est suivie et formée le 19 novembre 2001 est respectueuse du délai de 15 jours prescrit à peine de forclusion.
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer, en la forme, le BRCB recevable.
AU FOND
Attendu qu’il n’est pas contesté que la créance du BRCB sur la SAVANA et d’un montant total de 330.893.591 francs CFA résulte de deux jugements de condamnation du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, le premier (n 219 du 20/02/1993) portant sur la somme de 29.800 000 francs CFA et le second (n 135 du 23/04/1997) sur celle de 301 095.584 francs CFA.
Attendu que pour contester la créance du BRCB, la liquidation excipe d’une opération « coup d’accordéon » passée par-devant notaire et qu’a eu pour effet de transformer les créances de l’Etat sur la SAVANA en parts sociales de l’Etat dans l’augmentation du capital de la SAVANA.
Attendu cependant qu’il n’apparaît nulle part ni dans l’acte notarié produit au dossier, ni dans aucun autre acte, un quelconque accord de l’Etat burkinabè à voir transformer ses créances en parts sociales.
Que partant, l’argument tiré de l’article 1319 du code civil selon lequel l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties ne saurait prospérer, l’acte authentique en l’espèce, ne renfermant que la volonté d’une seule partie.
Attendu par ailleurs qu’il convient de relever que l’argument tiré du coup d’accordéon avait été écarté par le jugement du 23/04/1997 condamnant la SAVANA à payer au BRCB la somme de 301 095.584 francs CFA.
Que cette décision étant revêtue de l’autorité de chose jugée ne saurait être remise en cause.
Attendu que le juge-commissaire est un rouage important dans la procédure de vérification des créances.
Que c’est ainsi que l’état des créances dressé par le syndic n’est déposé au greffe qu’après vérification et signature du commissaire.
Que l’article 86 de l’Acte uniforme sus-cité, in fine, précise que le juge-commissaire ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou une revendication ou se déclarer incompétent qu’après avoir entendu où dûment appelé le créancier, le débiteur et le syndic par lettre recommandée ou tout moyen laissant trace écrite.
Attendu qu’en l’espèce, si le désir du juge-commissaire avait été de rejeter la créance du BRCB, la procédure décrite tantôt lui aurait évité l’admission de ladite créance sur la base d’une simple « erreur de frappe ».
Attendu que l’état des créances arrêté par le juge-commissaire et déposé au greffe du tribunal ne peut être remis en cause par ce dernier, la seule voie de recours, offerte aux parties, étant celle prévue par les articles 88 et 89 de l’Acte uniforme ci-dessus visé.
Attendu au regard de tout ce qui procède, qu’il convient de dire et confirmer que la créance du BRCB sur la SAVANA-SA est de 301 093.591 francs CFA.
Attendu que les créances prises en charge par le BRCB sont affectées du privilège du trésor, d’un privilège sur les biens meubles du débiteur ou qu’ils se trouvent et d’une hypothèque légale sur les immeubles dudit débiteur en application de l’article 4 de la loi n 23/93/ADP du 25 mai 1993.
Qu’il convient par conséquent de dire que ladite créance sera assortie du privilège du trésor.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort sur opposition.
Fixe définitivement la créance sur BRCB à la somme de 301 093.591 francs CFA.
Dit qu’elle sera assortie du privilège du trésor conformément à l’article 4 de la loi du 23/93/ADP du 25 mai 1993.
Met les dépens à la charge de la liquidation SAVANA.