J-09-58
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – REDRESSEMENT JUDICIAIRE – SYNDIC – LICENCIEMENT POUR FAUTE LOURDE – ORDONNANCE DU JUGE-COMMISSAIRE – OPPOSITION – EXCEPTIONS D’IRRECEVABILITE – MODE DE SAISINE – NULLITE RELATIVE – ABSENCE DE GRIEF – DELAI D’OPPOSITION – DECISIONS DU JUGE-COMMISSAIRE – ARTICLE 40 AUPCAP – ABSENCE DE NOTIFICATION – FORCLUSION (NON) – RECEVABILITE DE L’OPPOSITION (OUI) – PROCEDURES DE LICENCIEMENT – BASE LEGALE – APPLICATION DES ARTICLES 110 ET 111 AUPCAP (NON) – RETRACTION DE L’ORDONNANCE.
Le délai d’opposition aux décisions du juge-commissaire court à compter de la notification par les soins du greffier par lettre recommandée ou tout autre moyen laissant trace écrite, à toutes personnes à qui elles sont susceptibles de faire grief. L’état de la preuve de cette notification n’ayant pas été fait en vue de lui donner date certaine, point de départ du délai extinctif du droit d’opposition, la forclusion ne peut être acquise.
Seuls les licenciements pour motif économique sont soumis aux articles 110 et 111 AUPCAP à l’autorisation préalable du juge-commissaire. Ce dernier, en autorisant un licenciement pour faute lourde en s’appuyant sur ses pouvoirs prévus aux articles précités, a fait une mauvaise application de la loi, et expose ainsi son ordonnance à la rétraction.
Article 110 AUPCAP ET SUIVANT
Article 99 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 30 CODE DU TRAVAIL BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 106 du 30 mai 2002, PARE SEKOU c/ SOPAGRI-SA et SOFIDEC).
LE TRIBUNAL
I DES FAITS
Par exploit d’huissier en date du 14 janvier 2002, Paré Sékou, employé à la SOPAGRI-SA, formait opposition contre l’ordonnance n 955/2001 rendue par le juge-commissaire nommé à l’occasion de la procédure de redressement judiciaire de ladite société.
Au soutien de son opposition, PARE Sékou expose qu’il a été licencié suivant une procédure illégale qu’il entend remettre en cause.
Qu’en effet, le cabinet d’expertise comptable SOFIDEC, commis aux opérations de redressement judiciaire de la SOPAGRI-SA a par requête en date du 19 novembre 2001 sollicité et obtenu du juge-commissaire l’autorisation de licencier l’opposant. Que le licenciement sollicité intervenu dans la matinée du même 19 novembre, aussitôt après l’ordonnance l’ayant autorisé.
Que si l’extrême célérité de cette procédure ne peut être remise en cause, il en va autrement de l’ordonnance qui en a résulté. Qu’en effet cette ordonnance a autorisé le licenciement de la cause pour faute lourde sur le fondement de l’article 30 du code du travail d’une part et de l’article 25 du statut du personnel de la SOPAGRI-SA d’autre part. Qu’en droit elle est mal fondée dans la mesure où la procédure de licenciement pour faute telle que prévue à l’article 30 ci-dessus nécessite une autorisation préalable de l’inspecteur du travail en considération de la qualité de responsable syndical du travailleur. Que la circonstance particulière de redressement judiciaire ne dispense pas du respect de cette procédure et n’entraîne pas non plus la substitution de l’autorisation de l’inspecteur par celle du juge-commissaire. Qu’en tout état de cause cette deuxième autorisation n’est prescrite qu’en matière de licenciement pour motif économique ce qui n’est point le cas en l’espèce.
Qu’il s’ensuit alors que c’est en violation de la loi que le juge-commissaire a par ordonnance autorisé à la place de l’inspecteur, le licenciement de l’espèce fondé sur la faute du travailleur et non pour un motif économique.
Dans son rapport dressé conformément à la législation sur les procédures collectives, le juge-commissaire dont l’ordonnance est attaquée trouve d’une part, le recours irrecevable pour forclusion, PARE Sékou ayant formé son opposition hors du délai de huit jours prescrit à l’article 40 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant sur les procédures collectives, d’autre part, la saisine du tribunal est irrégulière en ce que l’opposition a été faite par exploit d’huissier de justice alors que la loi prévoit une simple requête comme mode de saisine.
Que ces irrégularités constituent une atteinte aux dispositions de l’article 40 de l’Acte uniforme ci-dessus cité et entraînent en conséquence l’irrecevabilité de l’opposition quant à la forme.
Au fond le juge-commissaire explique avoir fait application dans la décision litigieuse, des dispositions des articles 110 de 111 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur le redressement judiciaire, en autorisant le licenciement de l’employé pour faute lourde.
Que n’ayant pas eu connaissance au préalable de la qualité de responsable syndical dont se prévaut le travailleur, il ne pouvait être fait recours à la procédure prévue à l’article 175 du code du travail relative au licenciement du délégué du personnel.
Il EN DROIT
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que le juge-commissaire dans son rapport conclut à l’irrecevabilité de l’opposition pour violation des règles de forme et du délai d’action.
Attendu d’une part qu’il est reproché à PARE Sékou d’avoir saisi le tribunal par exploit d’huissier de justice au lieu d’une requête.
Mais attendu que si en l’espèce l’existence d’un vice de forme n’est pas à démontrer le législateur de l’Acte uniforme de l’OHADA ne la sanctionne pas par une nullité absolue mais une nullité relative, c’est-à-dire, qui suppose non seulement la présence d’un vice, mais encore celle d’un préjudice en découlant ainsi que le prévoit l’article 99 du code de procédure civile.
Que de l’examen des faits de la présente cause il ne résulte aucun grief ayant pris source dans le vice dont il s’agit, au point que la nullité ne peut être encourue en l’espèce, pour absence de grief.
Attendu d’autre part que le second moyen relevé par le juge-commissaire, tendant à l’irrecevabilité de l’opposition réside dans la forclusion.
Mais attendu que le délai d’opposition qu’il soit de huit jours ou de quinze jours ainsi que le soutiennent respectivement le rapporteur et l’opposant, court dans tous les cas à compter de la notification par les soins du greffier par lettre recommandée ou tout autre moyen laissant trace écrite.
Que le greffier n’ayant pas en l’état fait la preuve de cette notification en vue de lui donner date certaine, point de départ du délai extinctif du droit d’opposition, la forclusion ne peut être acquise.
Que dès lors de ce qui précède, il résulte que l’opposition est recevable en la forme.
AU FOND
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’ordonnance attaquée que le juge-commissaire a autorisé le licenciement de monsieur PARE Sékou « pour faute lourde et abus de confiance » en application de l’article 30 du code du travail.
Que toutefois dans le rapport produit au dossier, le juge-commissaire conclut « qu’en tout état de cause, le licenciement a été fait en conformité avec les articles 110 et 111 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif.
Que de ce qui précède il y a lieu dire que les procédures prévues d’une part à l’article 30 du code du travail, d’autre part aux articles 110 et 111 de l’Acte uniforme doivent être distinguées l’une de l’autre en ce sens que la première se rapporte au licenciement pour faute lourde, et la deuxième au licenciement pour motif économique.
Que sans pouvoir, apprécier la régularité de la procédure de licenciement de l’espèce au regard de la législation du travail, il est évident que seuls les licenciements pour motif économique sont soumis par les articles 110 et 111 ci-dessus à l’autorisation préalable du juge-commissaire.
Qu’en autorisant un licenciement pour faute lourde en s’appuyant sur les pouvoirs du juge-commissaire prévus aux articles 110 et 111 de l’Acte uniforme, le juge-commissaire a fait une mauvaise application de la loi, et expose ainsi son ordonnance à la rétraction les décisions prise ne pouvant avoir pour fondement légal les articles 110 et 111 ci-dessus.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
déclare PARE Sékou recevable et fondé en son opposition.
rétracte l’ordonnance n 955/01 du 19 novembre 2001 rendue parle juge-commissaire.
met les dépens à la charge de la SOPAGRI-SA et de la SOFIDEC.