J-09-59
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – REDRESSEMENT JUDICIAIRE – CESSION DE CREANCE – ORDONNANCE DU JUGE-COMMISSAIRE – NULLITE DE LA CESSION – OPPOSITION – CONVENTION DE CESSION – PREUVES – VENTE – CONTRAT CONSENSUEL – REMISE DU TITRE – CESSION VALABLE (OUI) – MASSE DES CREANCIERS – ACTES INOPPOSABLES – ARTICLE 67 ET 68 AUPCAP – INOPPOSABILITE DE LA CESSION (OUI) – ANNULATION DE LA CESSION – RESTITUTION DES CREANCES AU SYNDIC.
Une cession de créance qui est intervenue pendant la période suspecte entre dans le champ d’application des inopposabilités de droit définis par les articles 67 et 68 AUPCAP. De ce fait, elle constitue un mode de paiement non autorisé légalement. Dès lors, pour rétablir l’égalité entre les créanciers, il y a lieu de déclarer cette opération inopposable à la masse des créanciers et par voie de conséquence condamner le bénéficiaire des paiements opérés à rapporter entre les mains du syndic les sommes ainsi perçues.
Article 67 AUPCAP ET SUIVANT
Article 1582 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANT
Article 1689 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANTS
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 141 du 15 mai 2002, SNTB c/ SOPAGRI-SA).
LE TRIBUNAL
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
Par simple déclaration en date du 28 novembre 2001 au greffe du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, la Société nationale de transit du Burkina, en abrégé SNTB, par son conseil BAMBARA Mahamadou, formait opposition contre l’ordonnance n 954-2001 du 19 novembre 2001 rendue par le juge-commissaire dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société SOPAGRI-SA.
L’ordonnance querellée, rendue à la requête du syndic, déclarait nulle et de nul effet la cession de créance intervenue entre le cédant, SOPAGRI-SA et le cessionnaire la SNTB; ordonnait en conséquence la restitution entre les mains du syndic de la SOPAGRI-SA de toutes sommes perçus au profit de la SNTB et qui étaient la conséquence de la dite cession de créance; disait que la SNTB produirait en bonne et due forme sa créance entre les mains du syndic conformément à la loi.
Par son opposition la SNTB demande au Tribunal de céans de :
– rétracter l’ordonnance ci-dessus indiquée;
– déclarer bonne et valable la cession de créance intervenue entre elle et la SOPAGRI-SA à propos des débiteurs SAWADOGO Harouna, Établissement BARRY et frères, SOPRIAL;
– dire qu’il n’y a pas lieu à restituer la somme de un million cent quarante cinq mille(1.145 000) francs CFA représentant le montant des paiements que les débiteurs SAWADOGO Harouna (SOBUSEM), Établissements BARRY et frères, SOPRIAL ont effectués entre ses mains.
En réplique, la Société SOPAGRI-SA par la voix de son conseil maître SAGNON Bernardin, plaide pour le rejet de toutes les prétentions l’opposant.
Elle conclut à l’annulation de la cession de créances intervenue entre elle et la SNTB au motif que ladite cession ne respecte pas les règles édictées par les articles 1689 et suivants du code civil.
Qu’en effet, aucune convention de cession n’a été signée, et que la cession n’a donné lieu à aucune remise de titre, ni à aucune notification.
DISCUSSION
Sur les validité de la cession de créances
Attendu que la Société SOPAGRI-SA, par la voix de son conseil, nie toute cession de créance entre elle et la SNTB en arguant qu’il n’existe aucune convention entre elles et que quand bien même cette convention existerait, aucune notification ou remise de titre n’aurait été fait.
Attendu qu’au sens des articles 1689 et suivants du code civil, la cession de créance est assimilée à une vente.
Qu’en se référant au régime juridique de cette opération prévu aux articles 1582, 1583 du code civil, il y a lieu de rappeler que la cession de créance se forme par l’échange de consentement entre le cédant et le cessionnaire sur l’objet de la cession.
Qu’elle est un contrat consensuel et non un contrat formaliste (réel ou solennel) dont la validité n’est subordonnée à l’accomplissement d’aucune tradition ou formalité.
Attendu qu’en l’espèce, l’examen des pièces du dossier révèle l’existence de documents permettant de conclure à une cession de créance.
Qu’en effet, le dossier comprend un document daté du 14 mai 2001 et intitulé « Listes des clients concernés par l’opération de cession ».
Que cette liste a été transmis à la SNTB le 06 juin 2001 suivant bordereau d’envoi n 62-2001, et qu’elle portait sur une créance total de soixante six millions deux cent soixante sept mille deux cent quatre vingt un (66 267 281) francs CFA.
Attendu qu’une rencontre a réuni la SNTB assisté de son conseil et la SOPAGRI-SA le 25 juin 2001.
Que le procès-verbal qui en a résulté a été signé de toutes les parties.
Qu’au cours de cette réunion, la SNTB faisait remarquer que « pour la cession des créances, les débiteurs ne sont pas informés de ladite cession ».
Attendu qu’à cette même rencontre, les parties ont convenu que la SOPAGRI-SA s’engagera à « honorer l’entièreté de la créance de tout débiteur cédé qui se révélera défaillant ».
Attendu que les débiteurs SAWADOGO Harouna (SOBUSEM), Établissements BARRY et frères, SOPRIAL, qui font partie des débiteurs cédés, ont payé, respectivement les 515 000 F, 400 000 F et 230 000 F entre les mains du cessionnaires SNTB, soit la somme globale de 1.145 000 F.
Attendu que la remise du titre prévue à l’article 1689 du code civil et les différences significations inscrites aux articles 1690 et suivants dudit code n’ont pour but que d’organiser l’efficacité de l’opération de cession.
Qu’en l’espèce, la cession a connu un début d’efficacité au regard des paiements ci-dessus mentionnés.
Attendu qu’en somme, de nombreux indices concordants tirés des pièces du dossier permettant de juger en déclarant valable la cession de créance intervenue le 14 mai 2001 entre la SNTB et la SOPAGRI-SA.
Sur l’inopposabilité de la cession de créance
Attendu que les articles 67 et 68 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif définissent le champ d’application des inopposabilités de droit.
Attendu qu’en l’espèce, la période suspecte s’étend du 20 mars 2001, date de la cessation de paiement au 11 juillet 2001, date de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SOPAGRI-SA.
Attendu que la cession de créance a été conclue le 14 mai 2001 entre la SOPAGRI-SA et la SNTB.
Que cette opération est intervenue pendant la période suspecte.
Qu’elle constitue un mode de paiement non autorisé légalement.
Que dès lors, pour rétablir l’égalité entre les créanciers, il y a lieu de déclarer cette opération inopposable à la masse des créanciers et par voie de conséquence condamner la SNTB, bénéficiaire des paiements opérés à rapporter entre les mains du syndic les sommes perçues.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort :
– déclare valable la cession de créance intervenue le 14 mai 2001 entre la SNTB et la SOPAGRI-SA;
– la déclare cependant inopposable à la masse des créanciers en application de l’article 68 de l’Acte uniforme portant organisation procédures collectives d’apurement du passif.
En conséquence condamne la SNTB à rapporter entre les mains du syndic toutes les sommes perçues en conséquence de cette cession de créance.
Condamne la SNTB aux dépens.