J-09-60
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – TENTATIVE DE CONCILIATION – ECHEC – EXCEPTIONS DE NULLITE – ACTE DE SIGNIFICATION – MENTIONS OBLIGATOIRES – VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 8 AUPSRVE (NON) – PERSONNE DU DEBITEUR – ERREUR – DEFAUT DE QUALITE (NON) – VENTE COMMERCIALE – ACHAT DE PNEUS – PAIEMENTS PARTIELS – ACTION EN PAIEMENT – PRESCRIPTION – APPLICATION DE L’ARTICLE 274 AUDCG (NON) – ACTES INTERRUPTIFS – OPPOSITION MAL FONDEE.
Conformément à l’article 277 AUDCG « le délai de prescription cesse de courir lorsque le créancier de l’obligation accomplit tout acte qui d’après la loi de la juridiction saisie, est considéré comme interruptif de prescription. Ce qui est le cas d’espèce, en ce que les paiements partiels opérés l’ont été sur interpellation du créancier.
Article 1582 CODE CIVIL BURKINABÈ ET SUIVANT
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 166 du 05 juin 2002, GECER-SARL c/ BURKINA MOTO).
LE TRIBUNAL
I FAITS, PROCEDURE, MOYENS, PRETENTIONS DES PARTIES
Au pied d’une requête à elle présentée par la société Burkina Moto, le président du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a rendu le 21 mars 2002 une ordonnance l’autorisant à donner injonction à la société GECER d’avoir à lui payer la somme de trois millions cinq cent trente sept mille huit cent soixante quatorze (3.537.874) francs CFA en principal; une autre requête aux fins de saisie- conservatoire lui étant présentée le 19 mars 2002 autorisait la société Burkina Moto, à pratiquer une saisie-conservatoire pour la créance sur GECER qu’elle évalue provisoirement à la somme de 3.537.874 francs. La société GECER par acte de maître SON Kolia Christian, huissier de justice formait opposition le 12 avril 2002 contre la signification de l’ordonnance d’injonction de payer à elle notifiée le 29 mars 2002.
A l’appui de son opposition, la société GECER SARL relève que Burkina Moto n’avait aucun titre contre elle car l’entreprise GECER-SARL n’est pas identique à la société GECER-SARL et qu’il y aurait eu erreur sur la personne, concluant donc à la nullité des poursuites pour défaut de titre. Poursuivant, elle fait état de la nullité de la procédure en ce que la requête était laconique et ne permettait pas une connaissance précise des détails de la créance que Burkina Moto a contre elle; sur la forme toujours GECER-SARL relève que la notification d’injonction de payer est entachée de nullité dans la mesure où l’article 8 de l’Acte uniforme stipule qu’à peine de nullité dans la mesure la signification de la décision d’injonction de payer contient entre autres sommation de payer telle somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe et qu’à défaut de ces précisions par la société Burkina Moto elle conclut à la nullité de la signification de la décision d’injonction de payer; subsidiairement au fond, la GECER invoquant l’article 274 de l’Acte uniforme OHADA portant droit commercial général qui prescrit qu’en matière de vente commerciale le délai de prescription est de deux (02) ans à compter de la date à partir de laquelle l’action peut être exercée.
La tentative de conciliation agencée par le Tribunal n’a pas abouti, chaque partie maintenant sa position à savoir les exceptions de nullité et Burkina Moto le paiement de sa créance. Plaidant la nullité, GECER se fonde sur l’article 4 de l’Acte uniforme OHADA. Quant à Burkina Moto, elle combat les arguments de GECER sur la nullité, invoque sa mauvaise foi qui ne cadre pas avec l’esprit de l’article et demande le rejet des exceptions de même que celles formulées au sujet de la personne du débiteur; qu’à ce propos elle fait comprendre que GECER a pris avec Burkina Moto des engins en se présentant comme SARL et qu’elle ne saurait en aucun cas contester cette créance. Concluant sur la prescription alléguée, Burkina Moto la rejette en faisant savoir que GECER a même posé des actes qui interrompt la prescription notamment le paiement de chèque en septembre 2000 et un autre en 2001. Concluant Burkina Moto demande que GECER soit condamné au paiement et que la décision soit assortie de l’exécution provisoire. Revenant sur la prescription GECER relève que le paiement partiel n’est pas une cause interruptive de la prescription.
Il MOTIFS DE LA DECISION
A) EN LA FORME
1) Des conditions de recevabilité
Attendu que l’action mettant aux prises les parties en cause concernant leurs qualité, capacité et intérêt pour agir est bien orientée et qu’il sied dès lors la déclarer recevable; que de fait l’opposition ayant été formée dans les délais prescrits par l’Acte uniforme OHADA, elle mérite alors examen au fond.
2) Des exceptions de nullité
Attendu que la société GECER SARL, pour faire échec aux prétentions de BURKINA Moto se fonde sur l’article 8 de l’Acte uniforme OHADA qui impose à peine de nullité de mentionner la sommation de payer et les intérêts et frais dans l’acte de signification; que ce moyen et l’argument qui l’accompagne sont tous dépourvus de perspicacité tant, il est établi que la sommation de payer le principal qui est bien précisé purge la signification de toute cause de nullité tant il faut se rendre à l’évidence que l’esprit de l’Acte uniforme sur les recouvrements simplifiés des créances vise justement comme son libellé à la célérité de recouvrement des créances et non à les retarder ou paralyser; étant mis en position de se défendre, GECER SARL à elle même de fait afficher sa qualité de débitrice et il est important de se blottir derrière les appellations entreprise ou société; que partant, il n’y a eu aucune erreur sur la personne et c’est bien elle la débitrice de Burkina Moto; que s’agissant du caractère laconique de la requête, l’argument frise purement le sophisme dans la mesure où il n’est nullement précisé à l’article dudit Acte uniforme que le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer dés qu’au vu des pièces accompagnant la requête, la créance lui paraît fondée; que tel a été le cas de l’espèce, et là encore la signification de l’ordonnance d’injonction de payer ne souffre d’aucune cause de nullité.
Attendu que, en tout état de cause, lorsqu’il n’y a pas possibilité de conciliation après opposition, le tribunal selon l’Acte uniforme OHADA tranche le litige et la décision remplace celle de l’injonction de payer.
B) AU FOND
Attendu qu’il est établi que courant année 1999, GECER a commandé avec Burkina Moto des pneus; que les diverses commandes ont été honorés par Burkina Moto; qu’après des paiements partiels, Burkina Moto demeurait créancière de GECER pour la somme de 3.537.874 francs; que c’est pour réclamer son dû qu’elle a entrepris la procédure simplifiée de recouvrement des créances qu’est l’injonction de payer. Que la société GECER résiste a la demande de paiement en arguant de ce qu’en vertu de l’article 274 de l’Acte uniforme portant commerce général, qui prévoit une prescription biennale en matière de vente commerciale, la créance de Burkina Moto serait éteinte pour cette cause; mais attendu que cette façon de voir dans le cas de l’espèce ne correspond pas à la prescription de l’article 274 suscité; qu’en fait la prescription de ce texte concerne les actions résolutoires et non l’exécution des obligations consécutives à une vente commerciale; qu’en effet, c’est a partir de l’exigibilité de la créance que commence à courir la prescription; que du reste l’article 277 du même Acte uniforme invoqué est édifiant lorsqu’il dit que si la loi de chaque Etat le prévoit, tout acte du créancier de l’obligation interrompt la prescription, ce qui est le cas ici, en ce que les paiements partiels opérés l’ont été sur interpellation de Burkina Moto.
Attendu que, et comme déjà relevé, il s’agit dans notre cas d’exécution des obligations de GECER, Burkina Moto ayant exécuté les siennes et ne demandant pas la résolution du contrat, mais son exécution par le paiement de sa créance; que de tout ce qui précède, et sans qu’il ait lieu à suivre la défenderesse dans les arguments inopérants qu’elle développe pour les besoins de sa cause, il y a lieu de la condamner à payer à Burkina Moto la somme trois millions cinq cent trente sept mille huit cent soixante quatorze (3.537.874) francs CFA.
Attendu que l’exécution provisoire sollicitée dans les circonstances de la cause ne se justifie pas, qu’elle ne peut donc être ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
Rejette les exceptions soulevées par la société GECER SARL.
Déclare GECER SARL recevable mais mal fondée en son opposition.
La condamne à payer à Burkina Moto la somme principale de trois millions cinq cent trente sept mille huit cent soixante quatorze (3.537.874) francs CFA.
Condamne la société GECER SARL aux dépens.
Observations
En l’espèce, il ne peut être contesté que l’action entreprise par le demandeur résulte bien d’un manquement à un contrat de vente commerciale. La prescription de l’article 274 AUDCG s’applique à toutes les actions nées du contrat de vente, et le délai court à partir de la date à laquelle l’action peut être exercée.
Outre sa littérature parfois inutile, le juge fait une mauvaise interprétation de la loi, et particulièrement de l’article précité relative à la prescription en matière de vente commerciale. Il estime notamment que cette prescription concerne les actions résolutoires et non l’exécution des obligations consécutives à une vente commerciale, pour ensuite dire qu’il s’agit dans le cas de l’espèce d’exécution des obligations de la défenderesse… Et en outre par la suite, il se fonde sur l’article 277 AUDCG relatif aux actes interruptifs de la prescription pour déclarer l’opposition mal fondée.