J-09-63
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – ASSIGNATION EN RESILIATION JUDICIAIRE – LOYERS IMPAYES – MISE EN DEMEURE – SIMPLE LETTRE – VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 101 ALINEA 2 AUDCG – NULLITE DE LA MISE EN DEMEURE (OUI).
Aux termes de l’article 101 AUDCG, le bailleur, à défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, peut demander à la juridiction compétente la résiliation du bail…, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
En l’espèce, en adressant une simple lettre, le bailleur a méconnu les dispositions de l’article précité qui sont d’ordre public, et il échet par conséquent annuler la mise en demeure.
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 32 du 02 février 2005, SANGA Mady c/ GRAPHI-SERVICE).
LE TRIBUNAL
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, ET MOYENS DES PARTIES
Attendu que par acte d’huissier de justice en date du 27 septembre 2004, SANGA Mady ayant pour conseil la SCPA KARAMBIRI-NIAMBA assignait la Société Graphi Service, S.A. ayant son siège à Ouagadougou prise à son agence à Bobo-Dioulasso et ayant élu domicile en l’Étude de maître TRAORE/BARRO Fatoumata, à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso siégeant en matière commerciale à l’effet de s’entendre :
– déclarer résilié le bail liant SANGA Mady à la Société Graphi-Service et condamner cette dernière à lui payer les loyers impayés à la date du jugement à intervenir;
– condamner en outre Graphi-Service à payer à SANGA Mady une indemnité compensatrice des honoraires et frais exposés pour la défense de ses intérêts;
– ordonner l’exécution provisoire;
A l’appui de sa demande, SANGA Mady expose qu’il a donné à bail à usage commercial à la Société Graphi-Service des bureaux et magasins sis dans un immeuble lui appartenant moyennant un loyer mensuel de cent cinquante mille (150 000) F CFA; Que de 2003 à la date de l’assignation, la Société Graphi-Service a accusé des impayés de 19 mois; Que suite à une mise en demeure, elle a payé la somme de six cent mille francs couvrant les arriérés de loyers des mois de janvier à avril 2004.
Qu’à ce jour, la société reste redevable de la somme de sept cent cinquante mille (750 000) F CFA.
Qu’il apparaît qu’elle manque de respect à ses obligations contractuelles et il paraît impératif de mettre fin au bail pour éviter de créer d’autres préjudices au bailleur.
Qu’en outre, il convient de condamner la Société Graphi-Service à payer les arriérés de loyers et ordonner l’exécution provisoire.
Que SANGA Mady déclare demander la résiliation du bail sur le fondement de l’article 101 alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme du Traité OHADA sur le droit commercial général.
En réplique, la Société Graphi-Service par la plume de son Conseil, soutient que le démarrage de ses activités a été lent ce qui lui a occasionné des arriérés de loyers vis-à vis de son bailleur; Que suite à la mise en demeure faite par celui-ci, elle réglait 50 % des arriérés; Qu’ainsi la bonne foi commandait que SANGA Mady n’exige plus la résiliation du bail.
Qu’il est d’ailleurs constant qu’une résiliation ne saurait être prononcée en cas d’inexécution partielle.
Qu’en réalité, SANGA Mady veut exagérer du droit que lui offre l’article 101 de l’Acte uniforme précité.
Que du reste, le Tribunal appréciera « in concreto » l’étendue de l’exécution partielle effectuée par Graphi-Service ainsi que l’importance que revêt ce type de bail pour un commerçant.
Qu’en effet, le Tribunal constatera qu’avec le règlement de la somme de sept cent cinquante mille (750 000) F CFA le 06 octobre 2004, la défenderesse n’est plus redevable d’arriéré de loyer échu.
Que la condition édictée par l’article 101 alinéa 2 de l’Acte uniforme à « défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail. » n’étant pas remplie, il y a lieu débouter SANGA Mady de sa prétention et maintenir le contrat dans tous ses effets.
DISCUSSION
SUR LA NULLITE DE LA MISE EN DEMEURE
Attendu qu’aux termes de l’article 101 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail.
A défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de non respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie »
Que l’article 102 du même Acte uniforme dispose que sont d’ordre public les dispositions des articles 69, 70,71, 75, 78, 79, 85, 91, 92, 93, 94, 95, 98, et 101 du présent Acte uniforme.
Attendu qu’en l’espèce, SANGA Mady a fait une assignation en résiliation judiciaire d’un bail commercial; Qu’auparavant, il a adressé une mise en demeure au locataire la société Graphi-Service comme prescrit par l’Acte uniforme.
Que cependant la forme dans laquelle la mise en demeure a été faite ne remplit pas les exigences de l’Acte uniforme; Que ce texte prévoit en effet que ce doit être par un acte extrajudiciaire, autrement dit, un acte signifié par un huissier de justice.
Que pourtant c’est par simple lettre n 152/04/1138/SCPA/ KN datée du 23 août 2004 émanant de son avocat la SCPA Karambiri Niamba que SANGA Mady a procédé à la mise en demeure.
Que manifestement, SANGA Mady a méconnu les dispositions de l’article précité.
Qu’il échet par conséquent annuler la mise en demeure faite par SANGA Mady à la Société Graphi-Service le 23 août 2004 et notifiée le 24 août 2004.
Attendu que conformément à l’article 394 du code de procédure civile, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, qu’il échet par conséquent mettre les dépens à la charge de SANGA Mady.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
Annule la mise en demeure faite par SANGA Mady à la Société GRAPHI-SERVICE le 23 août 2004 et notifiée le 24 août 2004.
Condamne SANGA Mady aux dépens.