J-09-66
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – ORDONNANCE DES REFERES – NULLITE DU COMMANDEMENT MOTIF PRIS DE L’ABSENCE DE MENTIONS PRESCRITES A PEINE DE NULLITE (ARTICLE 254) – NECCESSITE D’UN GRIEF – OUI( ARTICLE 297) – EXIGENCES D’UN TITRE EXECUTOIRE-GROSSE D’UN ACTE NOTARIE VALANT TITRE EXECUTOIRE (OUI) – PROTOCOLE D’ACCORD NON HOMOLOGUE VALANT TITRE EXECUTOIRE NON.
En matière de saisie immobilière et dans le contexte de l’article 297 de l’AUPSRVE, il n’y a pas de nullité sans grief. Les formalités prescrites par les articles 254,267 et 277 ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque.
La contestation d’une saisie pour défaut de titre exécutoire doit être rejetée si le titre exécutoire dont il s’agit est une grosse revêtue de la formule exécutoire. Celle-ci constitue un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE. Mais ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE le protocole d’accord qui n’a pas été homologué.
Article 33 AUPSRVE
Article 254 AUPSRVE
Article 267 AUPSRVE
Article 277 AUPSRVE
Article 297 AUPSRVE
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BAMAKO, Jugement du 2 avril 2008 Agri 2000 C/Yara West Africa etYara-France, Penant n 866, p. 116, note Bakary DIALLO.
Ordonnance des référés n 0020
L’an deux mille huit et le vingt-neuf janvier
Par devant nous, Oumar Sogoba, juge du siège du Tribunal de première instance de la commune II du district de Bamako, tenant audience publique des référés en notre cabinet au Palais de justice de ladite ville, assisté de Maître Djeneba Keita, greffier
Ont comparu :
1) la société Agri 2000, demanderesse, ayant pour conseilla SCP Yattara- Sangare, avocats à la Cour, Bamako.
d’une part, et.
2) les sociétés Yara West Africa et Yara-France, défenderesses, ayant pour conseil Maître Bassalifou Sylla (Brysla Conseil), avocat à la Cour, Bamako.
d’autre part.
Attendu que par requête écrite en date du 15 janvier 2008, la société Agri 2000 ayant pour conseilla SCP Yattara-Sangare inscrite au tableau de l’Ordre des avocats du Mali, saisissait le juge des référés de ce tribunal en annulation de commandement et mainlevée de saisie initiée contre elle par les sociétés Yara West Africa et Yara-France.
Prétentions et moyens des parties
Attendu qu’au soutien de son action, la demanderesse, concluant par son conseil, explique qu’à la suite d’un contentieux né entre elle, son PDG et les sociétés Yara West Africa et Yara-France, ils ont assigné lesdites sociétés devant le Tribunal de commerce de Bamako d’une part en expertise des comptes et d’autre part en annulation de protocole d’accord.
Que lesdites procédures sont donc pendantes présentement devant la juridiction de commerce.
Qu’à leur grande surprise, sur la base des actes d’un premier commandement précédemment annulé par le juge des référés du Tribunal de céans sur désistement du défendeur, un nouveau commandement leur a été servi.
Qu’il est indéniable que Monsieur Lanciné Keita, de qui l’huissier tient son pouvoir spécial, n’a aujourd’hui aucun pouvoir à transmettre ou à déléguer dans la mesure où il a été limogé de la société, donc ne pouvant plus agir en son nom.
Qu’or aux termes des dispositions des articles 254 et suivants de l’Acte uniforme réglementant la saisie immobilière, toutes les formalités concernant le commandement sont prescrites à peine de nullité.
Qu’enfin le titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont engagées est la grosse d’un acte notarié du 29 août 2005 de Maître Mamadou Kanda Keita, notaire, acte lui-même établi sur la base du protocole dont l’annulation est poursuivie.
C’est pourquoi elle sollicite qu’il plaise au juge des référés de constater la nullité du commandement et d’en donner mainlevée.
Attendu qu’en réplique les défenderesses, par l’organe de leur conseil.
Maître Bassalifou Sylla (Brysla Conseil), avocat à la Cour, soutiennent que le pouvoir spécial n’est donné qu’une seule fois; que la demanderesse se prévaut de l’article 297 sans justifier de l’existence d’un grief quel- conque, alors que ledit article lui en fait obligation.
Que le 2 janvier 2008 Lassana Keita était toujours directeur général; Qu’en matière de saisie immobilière la saisine du Tribunal de commerce n’influe pas sur le travail du juge des référés.
Qu’en tout état de cause le titre n’étant pas annulé, qu’elles sollicitent qu’il plaise au Tribunal de débouter purement et simplement la demanderesse de son action.
Motifs de la décision
De l’annulation du commandement
Attendu qu’il est de principe en droit processuel que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables; qu’il lui appartient de déterminer la règle de droit appliquée à la solution du litige.
Attendu que la demanderesse a conclu à la nullité du commandement motif pris de l’absence de mentions prescrites à peine de nullité; qu’elle soutient que les formalités prescrites par l’AUPSRVE sont des dispositions d’ordre public.
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 254 de l’ AUPSRVE, le commandement doit contenir des mentions sous peine de nullité.
Attendu que l’AUPSRVE a expressément prévu que l’inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité.
Mais attendu que, pour certaines formalités limitativement énumérées, cette nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque; attendu que l’article 297 dispose en son deuxième alinéa que « les formalités prévues par ce texte et par les articles 254, 267 et 277 ci-dessus ne sont sanctionnées par la nullité que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque ».
Qu’il résulte de l’intelligence et de l’analyse téléologique de l’article 297 que la nullité ne peut être prononcée qu’à charge, pour celui qui l’invoque, de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
Que, mieux, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA a, par avis n 001/99 émis le 7 juillet 1999, déclaré que l’inobservation de certaines formalités limitativement énumérées à l’article 297 alinéa 2 n’entraîne la nullité que lorsque ladite inobservation a eu pour effet de porter préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque.
Attendu que dans le cas d’espèce la demanderesse excipe de l’absence des formalités prescrites à peine de nullité sans toutefois justifier d’aucun grief à lui causé conformément à l’article 297 de l’AUPSRVE.
Qu’il convient en application de cette disposition de déclarer ce moyen mal fondé.
Sur le pouvoir spécial
Attendu que la demanderesse a conclu à l’annulation de la procédure, motif pris de l’incapacité de Lassana Keita qui a donné mandat.
Attendu qu’il est constant que Lassana Keita a donné pouvoir non en raison de sa propre personne mais en raison de son statut dans la société; que son licenciement postérieur ne saurait dénier à l’acte, par lui donné, l’effet juridique qui lui est attaché; que sa révocation postérieure n’a aucune incidence sur la validité du pouvoir d’autant qu’au moment où il donnait ledit pouvoir il était habilité à le faire; que l’appréciation du pouvoir se fait non pas au jour où il déploie ses effets, mais au jour où il a été donné.
Attendu qu’il est acquis en droit qu’un représentant légal d’une personne morale révoquée de ses fonctions ne peut plus donner de pouvoir ou de mandat dans l’avenir, il n’en demeure pas moins que les actes, par lui posés qu’il jouissait de la plénitude des pouvoirs que la loi ou les statuts lui confère, demeurent valable et on ne saurait, sur le fondement de sa révocation ultérieure, dénier valeur efficiente aux actes qu’il a donnés; que la vérification de l’habilitation de la personne physique à agir au nom de la personne morale se fait au moment où elle donne le pouvoir; qu’aussi l’argument tiré de ce moyen ne saurait prospérer.
Sur l’existence d’action en annulation du titre foncier
Attendu que la demanderesse sollicite de la procédure au motif pris de l’existence d’une action en contestation et en annulation du titre dont l’exécution est poursuivie.
Attendu qu’il ressort des débats et des pièces versées au dossier que la saisie est poursuivie en vertu de la grosse d’un acte notarié; qu’il est acquis en jurisprudence et en doctrine que l’acte notarié vaut jusqu’à inscription de faux; que l’initiation d’une action en annulation ne saurait en aucun cas le priver de l’effet qui lui est attaché.
Attendu qu’un acte notarié revêtu de la formule exécutoire est au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE un titre exécutoire; qu’il est acquis qu’un titre exécutoire, même provisoire ou contesté, doit être exécuté aussi long- temps qu’une décision définitive n’est venue l’annuler (Droit et pratique des voies d’exécution 2004-2005, p. 150, § 212.35); qu’il convient dès lors de rejeter cet argumentaire comme mal fondé.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière des référés et en premier ressort.
Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront.
Mais dès à présent vu l’urgence et par provision.
En la forme, recevons la requête de la société Agri 2000; Au fond, l’en déboutons comme étant mal fondée; Mettons les dépens à sa charge.
Président : Oumar SOGOBA.
Ce Jugement du Tribunal de Première Instance en Commune II du District de Bamako du 2 avril 2008, tranche la question récurrente qui est celle de la nullité des actes de procédure en matière de saisie immobilière pour inobservation de formalités prescrites par la loi à peine de nullité.
En l’espèce, les créanciers poursuivants (les sociétés YARA WEST AFRICA et YARA FRANCE) ont engagé une procédure de saisie aux fins de vente de plusieurs immeubles appartenant M Boubacar KONE pour des créances nées à la charge des Sociétés AGRI 2000 et UATT. Cette procédure se fonde sur un acte notarié du 29 Août 2005, annexé à un protocole d’accord lui-même passé en la forme sous seing privé, le 02 février 2005 aux termes duquel la société AGRI 2000 reconnaît devoir à la société Yara West Africa la somme principal de F.CFA 8.930.976.693 et celle de F.CFA 1.147.819.383 à Yara France.
À cette procédure initiée par les sociétés YARA WEST AFRICA et YARA France se sont joints deux créanciers inscrits. Il s’agit de la BCS-SA et de la BDM sa, deux établissements bancaires pour des créances supérieures à F.CFA 5 000 000 000, inscrites sur les Titres Fonciers 11249 et 11250 qui sont les propriétés de M KONE, caution hypothécaire des engagements de UATT et AGRI 2000. L’une et l’autre des banques ont sollicité la continuation des poursuites entamées.
À l’appui de sa demande, le défendeur faisait valoir deux arguments principaux :
à ses yeux, il fait remarquer en premier que la procédure de saisie immobilière conduite par les créanciers était émaillée de nombreuses irrégularités au nombre desquelles il met en avant des violations des dispositions du Code Domanial et Foncier du Mali, la violation de près d’une demi-douzaine d’articles de l’AUPSRVE (articles, 247, 254, 256, 267,269) qui prescrivent des dispositions à peine de nullité. Ces formalités vont du commandement aux fins de saisie qu’au contenu de cet acte, de sa signification, aux mentions contenues dans le cahier des charges, à la sommation de prendre communication du cahier des charges.au delà de ces violations pour vices de forme, le débiteur excipe une contestation de fond en déniant à l’acte notarié et au protocole d’accord qui sont à la base de la poursuite de la vente des immeubles tout caractère de titre exécutoire.
Tels étaient très brièvement résumés les termes et les circonstances du litige soumis en l’espèce, à la connaissance du TPI en Commune II du District de Bamako.
Face au choix du législateur OHADA de faire suivre de la mention «  à peine de nullité  » les formalités à observer dans tel ou tel autre acte de procédure, il était question en l’espèce de clarifier le régime juridique des nullités dont parle l’Acte uniforme.
Autrement dit, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, quel est le système de nullité qui s’applique par rapport au droit commun des nullités tel qu’il a été fort opportunément question dans le jugement rapporté.
Cette problématique reste envahissante à la lecture de l’Acte Uniforme, notamment, au regard du très grand nombre de formalités dont la violation est sanctionnée par la nullité.
On connaît l’importance de la question de l’étendue du caractère exécutoire des actes notariés et les controverses liées à la question de savoir si l’acte notarié peut servir de base à une exécution forcée.Même dans le respect de l’étendue exécutoire prescrite par la loi, tout titre exécutoire est susceptible de poser des problèmes de lisibilité.
La juridiction d’instance de Bamako avait à faire face à cette double problématique, à savoir d’une part préciser, le régime juridique des nullités instituées par l’AUPSRVE, et d’autre part, et donner à deux actes, l’un notarié et l’autre sous signatures privées, toute leur portée.
Pour trancher la controverse, le TPI II rappelle fort opportunément que si les dispositions de l’AUPSRVE précitées sanctionnent par la nullité les irrégularités commises dans l’accomplissement des formalités prescrites par les mêmes textes, l’article 297 du même Acte uniforme ajoute que ces irrégularités ne peuvent entraîner la nullité que lorsqu’elles ont eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause.
Le critère du grief apparaît donc comme l’élément déterminant dans la prise en compte de l’irrégularité.
Mais si la juridiction de Bamako reconnaît toute son efficacité à l’acte notarié revêtu de la formule exécutoire en le qualifiant de titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’ AUPSRVE il n’en va pas de même du protocole d’accord signé entre les parties et qui n’a pas été homologué.
La motivation de cet arrêt peut rassurer les praticiens qui savent bien qu’en matière de procédure, où le fond et la forme s’interpénètrent étroitement, une irrégularité formelle peut avoir de graves conséquences sur le fond et notamment désorganiser la défense d’un plaideur. Il convient donc d’approuver la solution de l’espèce sur ce point compte tenu des dispositions de l’article 297 de l’Acte uniforme (première partie).
Il convient également de suivre le juge des référés lorsqu’il reconnaît à l’acte notarié le caractère de titre exécutoire (deuxième partie).
I. La nullité relative subordonnée à l’existence d’un préjudice pour certaines formalités limitativement énumérées
En disposant que « pour quelques unes des formalités prescrites à peine de nullité et limitativement énumérées par l’Acte uniforme ne peuvent effectivement encourir cette nullité que si l’irrégularité commise a causé un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque », l’article 297, alinéa 2 de l’Acte uniforme appliqué comme tel par le TPI II de Bamako crée une innovation par rapport au droit commun des nullités. Car, le législateur et à sa suite les magistrats de Bamako soumettent au régime des nullités relatives qui supposent, pour être prononcées, la preuve d’un grief contre la partie qui l’invoque, certaines formalités dont la nullité est pourtant prévue par les dispositions mêmes de l’Acte uniforme.
Il s’agit des formalités prévues par les articles 259, 266, 268, 270, 276, 281, 288 alinéas 7 et 8, 289, 254, 267, et 277 de l’Acte uniforme, toutes relatives à la saisie immobilière.
Les nullités textuelles du législateur OHADA obéissent donc à un double régime : les nullités de plein droit ou absolue en l’absence de tout grief comme principe, et les nullités relatives subordonnées à la preuve d’un préjudice comme exception pour des formalités bien énumérées.
La notion de grief se présente en droit moderne, à la fois comme condition d’existence et comme condition de mise en œuvre de la nullité. Il apparaît alors comme l’unique critère d’appréciation de la nullité (Civ. 2e 15 Avril 1981, Ga2. Pal. 1981 2.584; le juge ne peut se borner à faire état d’une atteinte aux droits du destinataire de l’acte sans préciser en quoi résidait le préjudice à lui causé).
La règle « pas de nullité sans grief n’opère point » a également été introduite dans le droit positif africain avant l’avènement de l’OHADA, et ce, même dans les pays où le formalisme est partiellement consacré.
En effet, dans la plupart des législations de l’Afrique de l’Ouest, au Mali comme au Sénégal en passant par la Côte d’ Ivoire, bien que les codes de procédure civile prévoient la nullité textuelle des actes, celle-ci ne peut être prononcée que si celui qui l’invoque rapporte la preuve du préjudice que l’irrégularité lui cause.
Dans une demande d’avis consultatif qui a été présentée à la CCJA, en vertu de l’article 14 al. 2 du Traité par le Président du Tribunal de Première Instance de Libreville (Gabon), celui a voulu savoir, si le système des nullités instituées par l’AUPSRVE autorisait le recours au droit commun des nullités qui confère au juge, dans tous les cas, un pouvoir d’appréciation en considération du préjudice que l’irrégularité est de nature à causer à celui qui l’invoque.
Une telle interpellation invitait directement la Juridiction supranationale à se prononcer sur la question qui concerne notre espèce.
La CCJA lui avait répondu en ces termes :
« L’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a expressément prévu que l’inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité. Toutefois, pour quelques unes de ces formalités limitativement énumérées, cette nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet, de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque. Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité lorsqu’elle est invoquée s’il constate que la formalité prescrite n’a pas été observée, sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice. »
Telle était déjà la position très claire et très tranchée de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage, sur le régime des nullités d’exploit et actes de procédure.
Cet avis de la juridiction supranationale a eu des développements jurisprudentiels qui vont tous dans le sens de la présente décision du TPI II de Bamako. Le principe demeure le même en matière immobilière et dans le contexte de l’article 297 de l’AUPSRVE, il n’y a pas de nullité sans grief (CCJA, n 25, 15-7-2004 : Dame M. C/ SCB-CL).
Le dire à fin de nullité des poursuites doit être rejeté dès lors qu’il n’est pas établi que les dispositions des articles 2127 du Code Civil et de la loi du 12 août 1992 ont été violées et causé un préjudice (CCJA, n 25, 15-7-2004 : Dame M. C/ SCB-CL).
Cela dit, il faut s’entendre sur les termes : un vice de forme n’est pas toujours un vice mineur, il peut entraîner la nullité de l’acte, mais c’est à la condition d’établir que cette irrégularité formelle dont il est entaché a été la cause d’un grief. C’est sur le terrain du grief qu’un succès peut être sérieusement espéré.
Bien souvent les praticiens s’emploient à vouloir démontrer, parfois contre toute évidence, que l’ on se trouve en présence d’un vice de fond et non de forme, compte tenu de la jurisprudence de la CCJA, et dès lors qu’il ne s’agit pas d’un défaut de capacité ou de pouvoir, il est plus judicieux de faire porter l’essentiel du débat sur la gravité des conséquences résultant de la défectuosité formelle de l’acte, non pas pour déduire qu’il s’agit d’un vice de fond, mais dans la perspective du grief que cette défectuosité a pu entraîner dans l’ organisation de la défense.
II. L’exigence d’un titre exécutoire
Dans le cas particulier qui nous est soumis, le TPI II de Bamako reconnaît à l’acte notarié daté du 29 Août 2005 le caractère de titre exécutoire. À ses yeux, même si cet acte demeure un acte de « cautionnement hypothécaire portant affectation des Titres Fonciers N 11249 et 11250 situés dans le District de Bamako » il entre dans le sens de l’article 33 de l’Acte uniforme.
En revanche la saisie poursuivie sur la base d’un protocole sous forme d’acte sous seing privé en date du 2 février 2005 qui n’a pas été homologué n’a pas le caractère de titre exécutoire.
Que doit- on penser de cette décision ?.
En ce qui concerne le protocole d’accord, le TPI II de Bamako semble lier au titre exécutoire, un fondement nécessairement judiciaire : « Attendu qu’il est constant que cet acte sous seing privé au terme des dispositions de l’article 33 de l’Acte uniforme ….n’est pas une décision judiciaire revêtue de la formule exécutoire; que c’est l’homologation qui lui confère le caractère de titre exécutoire… ».
Il est vrai que le pouvoir du juge d’accorder, sur la foi de son jugement, la permission de recourir à la force publique pour contraindre un débiteur a pour contrepartie des règles exigeantes en matière d’impartialité et de présentation de l’information. Mais s’agissant d’ un acte notarié, il en va autrement, même si les règles assurant l’impartialité du Notaire sont en principe moins rigoureuses( i elles sont toutefois plus sévères que celles qui touchent les Avocats) l’acte notarié revêt le même caractère exécutoire que la décision judiciaire.
Ainsi, pour important qu’il soit, le titre exécutoire ne se confond pas uniquement aux seuls jugements. Parmi les titres exécutoires, l’article 33 cite nommément :
1 les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoire sur minute;
2 les actes et décisions juridictionnelles étrangères ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d’exécution, de l’Etat dans lequel ce titre est invoqué;
3 les procès verbaux de conciliation signés par le juge et les parties;
4 les actes notariés revêtus de la formule exécutoire;
5 les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat partie attache les effets d’une décision judiciaire.
La pratique connaît de nombreuses procédures d’exécution forcée qui ne procèdent que d’actes notariés contenant constitution d’hypothèque.
Dès le moment où l’acte notarié constate l’accord des parties au sujet d’une créance certaine, exigible et liquide, il est exécutoire même s’il ne renferme pas l’engagement exprès de payer une somme d’argent.
C’est ainsi que la CCJA a déjà considéré que la grosse en forme exécutoire d’une convention de compte courant liant une banque à son client est un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE. La créance constatée par ledit titre exécutoire est liquide, c’est-à-dire d’un montant déterminé s’agissant d’un solde de compte courant, et exigible conformément à la convention dudit compte; ainsi, la procédure de saisie immobilière engagée est, en tous points, conforme aux dispositions des textes précités, et il n’y a donc pas lieu à en suspendre la poursuite; il convient en conséquence de rejeter la demande comme non fondée et d’ordonner la continuation des poursuites (CCJA, n 13, 18-3-2004 : FOTOH FONJUNGO Tobias c/ SGBC).
Il en est de même lorsque la convention de compte courant a donné lieu à création à des lettres de change (TRHC Dakar, n 505, 7-3-2000 : Salif Mbengue c/ Crédit lyonnais).
L’acte dressé en cas de défaut de paiement par l’huissier qui a respecté le délai de la loi et sur la base duquel le greffier a délivré un titre vaut titre exécutoire, condition de la saisie (CA Dakar, n 206, 11-5-2000 : Martial Mainge c/ Abdoulaye NDIAYE et le greffier en chef du tribunal régional hors classe de Dakar)..
Toutes ces décisions admettent ces actes extra- judiciaires comme étant des titres exécutoires. En l’espèce, la créance constatée par l’acte notarié était liquide parce que procédant d’un montant déterminé (F.CFA 8.930.976.693 et F.CFA 1.147.819.383) et exigible. L’acte était qui plus est assorti d’une grosse. La grosse faut-il le rappeler c’est la copie exécutoire d’acte.
En vertu de cette formule exécutoire de la grosse, c’est l’État lui-même qui est supposé avoir proclamé comme loi privée la convention faisant l’objet de l’acte et ordonne à toutes les autorités, chacune en ce qui la concerne, de prêter assistance pour l’exécution de cet acte.
En l’espèce, la décision du juge des référés qui reconnaît à l’acte notarié le caractère de titre exécutoire doit être pleinement approuvé. À l’analyse, il apparaît que la saisie poursuivie sur la base de l’acte notarié pour les Titres Fonciers 11249 et 11250 était parfaitement fondée.
Doit également être approuvé l’annulation des saisies entreprises sous l’empire du seul protocole qui est un sous seing privé n’ayant pas le caractère de titre exécutoire.
En effet, lorsque ce document n’a pas été consigné dans un procès verbal de conciliation signé par le juge et les parties, il ne peut pas valoir titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE. Par conséquent, doit être déclarée nulle la formule exécutoire qui y a été apposée (TGI Wouri, n 283, 7-2-2003 : UNIMARCHE S.A c/ STE GLOBE TRAVEL).
En bref, la solution de ce jugement est pleinement satisfaisante en ce qu’elle doit être suivie aussi bien sur le régime de la sanction des nullités pour vices de forme que sur la reconnaissance du caractère de titre exécutoire à l’acte notarié, mais la décision doit également être considérée comme heureuse en ce qu’elle annule les poursuites entamées sur la base d’un simple protocole d’accord c’est-à-dire la saisie opérée sur les Titres 11249 et 11250.
Bakary DIALLO.
Docteur en droit.