J-09-67
PROCEDURE – RECOURS EN CASSATION – CAS D’OUVERTURE – AFFAIRE FAISANT SUITE A UNE SAISIE-ATTRIBUTION DE CREANCE – DEBATS LIMITES AU PROBLEME DE CALCUL – AFFAIRE SOULEVANT UNE QUESTION RELATIVE A L’EXISTENCE D’UN TITRE EXECUTOIRE CONSTATANT UNE CREANCE LIQUIDE ET EXIGIBLE DE NATURE A JUSTIFIER LA SAISIE – AFFAIRE SOULEVANT DES QUESTIONS RELATIVES A L’APPLICATION DES ACTES UNIFORMES (OUI) – RECEVABILITE.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE-ATTRIBUTION DE CREANCE – TITRE EXECUTOIRE – EXISTENCE (NON) – NULLITE DE L’ORDONNANCE – MAINLEVEE (OUI).
Bien que les débats se soient limités aux problèmes de calcul, l’affaire soulève une question relative à l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de nature à justifier la saisie attribution pratiquée en application de l’article 153 de l’AUPSRVE.
Par conséquent, l’affaire soulève des questions relatives à l’application des AU et l’irrecevabilité doit être rejetée.
L’ordonnance du Président de la Cour suprême ne fixant pas le montant du reliquat de la créance dont le créancier peut poursuivre le recouvrement, pas plus qu’elle ne détermine les caractères liquide et exigible de ladite créance, elle n’est pas un titre exécutoire au sens de l’article 153 de l’AUPSRVE.
C’est donc à bon droit que la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance rendue par le Président du tribunal qui a ordonné la mainlevée des saisies pratiquées.
C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N 26 du 30 Avril 2008 Affaire : COTRACOM CI TOTAL FINA ELF Côte d’Ivoire. Le Juris Ohada, n 4/2008, p. 1. Le recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 65.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n 044/2005/PC du 23 septembre 2005 et formé par Maître Agnès OUANGUI, Avocat près la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à l’Immeuble SIPIM, 5è étage, 24, Boulevard Clozel, 01 B.P. 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie des Transports Commerciaux dite COTRACOM, SARL de droit ivoirien, dont le siège est situé à Abidjan, Koumassi, près du cimetière, lot 592, 10 B.P. 76 Abidjan 10, dans la cause qui l’oppose à la société ELF ail CI devenue Total Fina ELF Côte d’Ivoire, société anonyme dont le siège est à Abidjan – Plateau, Immeuble Nour El Hayat, 01 B.P. 336 Abidjan 01, ayant pour conseils la SCPA KANGA-OLA YE et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, Immeuble la Corniche, escalier A, 9è étage, porte 93, 04 BP. 1974 Abidjan 04.
En présence de la Caisse Autonome d’Amortissement dite CM devenue Banque Nationale d’Investissement dite BNI, dont le siège est à Abidjan – Plateau, Immeuble SCIAM, Avenue Marchand, 01 BP 670 Abidjan 01.
En cassation de l’Arrêt civil contradictoire n 810 rendu le 28 juin 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
En la forme : Déclare recevable l’appel de la société COTRACOM.
Au fond : L’y dit mal fondée; L’en déboute.
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions; Met les dépens à sa charge ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploit en date du 30 novembre 2001, la Société Total Fina Elf Côte d’Ivoire a fait assigner par devant le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan, juge de référé :
1) la Compagnie des Transports commerciaux dite COTRACOM.
2) Maître CISSE Yao Jules, huissier de justice à Abidjan.
3) La BICICI.
4) La SGBCI.
5) La CITIBANK.
6) La SIB.
6) La Caisse Autonome d’amortissement dit CAA.
Pour voir ordonner mainlevée de la saisie-attribution de créances; qu’à l’appui de son action, la demanderesse expose que par exploit de Maître CISSE Yao Jules, huissier de justice à Abidjan, en date du 20 novembre 2001, la Société COTRACOM SARL a fait pratiquer saisie-attribution de créances avec dénonciation sur des comptes bancaires ouverts dans les livres des banques suscitées pour sûreté et avoir paiement de la somme principale, intérêts, dépens et frais estimés après calcul à 139.072.369 F CFA; qu’elle ajoute qu’elle ignore totalement cette nouvelle exécution puisqu’aussi bien, suite à l’exploit de Maître SERI NOUVRI, huissier de Justice, en date du 16 janvier 2001, en exécution des mêmes décisions, BICICI tiers saisi a payé pour tout compte la somme de 255.255 068 F CFA; que pour elle, les bases des nouveaux calculs et valeurs lui sont totalement inconnues et qu’elle ne saurait les accepter; qu’elle précise que le paiement obtenu par la COTRACOM sur pression faite contre la BICIC1 était d’ailleurs indu et anormal dans la mesure où toute exécution contre elle ne pouvait se faire à raison des salaires par elle pratiquées les 25 janvier, 18, 22 et 23 février 1999 dont l’instance en validation n’a pas encore été tranchée; qu’elle insiste pour dire que d’ailleurs, à raison desdites saisies, par Arrêt n 243 rendu le 23 février 1999, la Cour d’appel a annulé l’Ordonnance n 5633 du 18 décembre 1998 ayant ordonné la mainlevée et déclaré cette juridiction incompétente; que « cette instance en validation » serait en cours à ce jour et elle ne peut pas être exécutée par COTRACOM contre laquelle lesdites saisies ont été pratiquées; qu’elle conclut en affirmant que pour toutes ces raisons, la présente exécution ne se justifie guère et doit tout simplement être déclarée nulle et la mainlevée de la saisie ordonnée; que par Ordonnance de référé n 5413 du 24 décembre 2001, le Président du Tribunal a déclaré recevable l’action initiée par la Société Total Fina Elf Côte d’Ivoire et ordonné la mainlevée des saisies pratiquées.
Attendu que suite à l’appel relevé contre ladite ordonnance par la Société COTRACOM, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt n 810 rendu le 28 juin 2002, l’a déboutée et confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise; que par recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 septembre 2005, la COTRACOM s’est pourvue en cassation contre l’Arrêt n 810 en date du 28 juin 2002 de la Cour d’appel d’Abidjan.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du pourvoi soulevée par la défenderesse au pourvoi
Attendu que la société Total CI, défenderesse au pourvoi, soulève l’irrecevabilité du pourvoi formé par la société COTRACOM aux motifs d’une part, que d’après les articles 14 et 15 du Traité institutif de l’OHADA, le recours en cassation est ouvert pour les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes; qu’en l’espèce, souligne-t-elle, il ne ressort nulle part des énonciations de l’arrêt attaqué, ni dans les motifs, ni dans le dispositif, que les parties ou les juridictions aient soulevé une question relative à l’application d’un quelconque Acte uniforme; que certes, il s’agissait de mainlevée de saisie-attribution, poursuit-elle, les débats ont cependant porté essentiellement sur des calculs, la société COTRACOM revendiquant un reliquat à la société Total CI et cette dernière soutenant avoir fini de payer; d’autre part, que la demanderesse au pourvoi n’articule nulle part en quoi la question tranchée par la Cour d’appel était liée à l’application ou non de l’article 153 de l’Acte uniforme précité, ni en quoi il a été question de titre exécutoire, ou de créance liquide et exigible; qu’en réalité, toujours selon la société Total CI, le litige entre les parties porte sur une imputation de paiements et de calculs dont l’appréciation qui relève exclusivement de la souveraineté des juges du fond, ne saurait être contrôlée par la Cour de céans; que « par conséquent, il échet de rejeter le moyen de cassation invoqué comme non fondé ».
Attendu qu’il y a cependant lieu de relever que l’affaire fait suite à une saisie-attribution des créances pratiquée par la société COTRACOM au préjudice de la société Total CI et, bien que la demanderesse au pourvoi estime que le juge d’appel a violé les dispositions de l’article 153 de l’Acte uniforme régissant ladite saisie et, « bien que les débats se soient limités aux problèmes de calcul », l’affaire soulève néanmoins une question relative à l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de nature à justifier la saisie-attribution pratiquée en application de l’article 153 précité; qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité soulevée doit être rejetée.
Sur le moyen unique
Vu l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’interprétation des dispositions de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution des créances pratiquée au préjudice de la société Total CI, la Cour d’appel d’Abidjan a retenu que les intérêts de droit réclamés par COTRACOM sont contestés et, qu’en outre, il s’avère que la société Total CI a trop payé, insinuant que COTRACOM ne détiendrait pas de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible au sens de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, pour pratiquer la saisie-attribution querellée alors que selon la requérante :
– « Dans une procédure opposant les mêmes parties la société Total CI a prétendu s’être acquittée de la somme de 29.860 000 francs CFA par compensation suite à un accord transactionnel; qu’aux termes de ce procès, le Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, par Ordonnance no038/98 du 18 juin 1998, a admis que la matérialité de la compensation étant inexistante, COTRACOM pouvait par conséquent poursuivre le recouvrement du reliquat de sa créance principale de 29.860 000 francs CFA.
Le montant de ladite créance de COTRACOM s’élevait à 44.721.486 francs CFA dont 29.860 000 francs CFA en principal et 14.861.486 francs CFA au titre d’intérêts de droit, il était juste qu’elle la poursuive par une saisie-attribution de créances.
Si la Cour d’appel d’Abidjan ne pouvait maintenir la saisie pour la somme de 1 139.072.369 francs CFA réclamée à tort, elle devait donner effet à la saisie pour la somme de, 44.721.486 francs CFA résultant d’un titre exécutoire au sens de l’article 153 de l’Acte uniforme précité; que pour ne l’avoir pas fait, l’arrêt attaqué a violé les dispositions visées au moyen et encourt de ce fait cassation ».
Mais attendu que la Compagnie COTRACOM se prévaut d’une décision du Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ayant constaté que la matérialité de la compensation évoquée par TOTAL CI n’était pas avérée et qu’elle pouvait poursuivre le recouvrement du reliquat de sa créance; que cependant, cette ordonnance du président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire n’est pas un titre exécutoire au sens de l’article 153 de l’Acte uniforme sus mentionné; que ladite ordonnance ne fixe pas le montant du reliquat de la créance dont COTRACOM peut poursuivre le recouvrement, pas plus qu’elle ne détermine les caractères liquide et exigible de ladite créance; que les caractères de liquidité et d’exigibilité relèvent d’une appréciation souveraine des juges du fond; qu’en l’espèce, les débats n’ayant porté essentiellement que sur les imputations et les calculs entre les parties, l’une essayant de démontrer qu’elle reste créancière et l’autre qu’elle n’est plus débitrice, c’est donc à juste raison, que le juge d’appel a souverainement apprécié les pièces du dossier et considéré que « non seulement les intérêts de droit réclamés sont contestés, mais en plus, il s’avère que TOTAL CI a trop payé »; qu’il s’ensuit qu’à partir de cette appréciation souveraine des faits par le juge d’appe1, l’existence du titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible requise par l’article 153 de l’Acte uniforme sus mentionné aux termes duquel « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations » fait défaut; que c’est donc à bon droit que la Cour d’appel a confirmé l’Ordonnance n 5413 rendue le 24 décembre 2001 par le Président du Tribunal de première instance d’Abidjan; qu’il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté parce que non fondé.
Attendu que la Compagnie des Transports Commerciaux dite COTRACOM ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette l’exception d’irrecevabilité du pourvoi soulevée parla société ELF ail CI devenue Total Fina Côte d’Ivoire dite Total CI.
Rejette le pourvoi formé par la Compagnie des Transports Commerciaux dite COTRACOM contre l’Arrêt n 810 rendu le 28 juin 2002 par la Cour d’appel d’Abidjan.
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. ANTOINE JOACHIM OLIVEIRA.