J-09-76
PROCEDURE – INSTANCE EN JUSTICE – DECES DE L’UNE DES PARTIES – ABSENCE DE DISPOSITIONS SPECIFIQUES DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA REGISSANT L’INTERRUPTION DE L’INSTANCE – APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE – INTERRUPTION DE L’INSTANCE (OUI) – CLASSEMENT PROVISOIRE DU DOSSIER DE LA PROCEDURE AU GREFFE.
A défaut de dispositions spécifiques du Règlement de procédure de la CCJA de l’OHADA régissant l’interruption de l’instance du fait du décès de l’une des parties, il y a lieu d’appliquer l’article 107 du Code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative.
Le décès étant justifié par un acte de l’officier de l’état civil de la commune, l’instance est interrompue et il y a lieu en conséquence de classer provisoirement le dossier de la procédure au greffe de la CCJA.
Article 107 CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE
C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N 37 Du 03 Juillet 2008 Affaire : S C/G et autres Le Juris Ohada, n 4/2008, p.33. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 12, juillet-décembre 2008, p. 157.
Sur le pourvoi enregistré le 11 octobre 2005 au greffe de la Cour de céans sous le n 051/2005/PC et formé par la SCPA KABA et Associés, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y.
demeurant, Cocody cité des arts, impasse des Ecrivains, Villa n A-31, 01 BP. 4297 Abidjan 01, au nom et pour le compte de S dans la cause qui l’oppose à G et autres lesquels ont élu domicile en l’étude de leur conseil Maître SONTE Émile, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant.
Abidjan – Plateau, 10, Avenue Crozel, immeuble crozel 3ème escalier, 2è étage, porte 2005, 18 B.P. 1517 Abidjan 18.
En cassation de l’Arrêt n 873, rendu le 29 juillet 2005 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare les ayants droit de feu G et autres tous coactionnaires de la Société Sitransbois d’une part et S d’autre part recevables respectivement en leurs appels principal et incident.
Les y dit bien fondés.
Infirme le Jugement n 1242 du 26 mai 2005 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau.
Déclare que depuis le Jugement d’homologation du concordat du 13 décembre 1989, les fonctions des liquidateurs judiciaires ayant pris fin en même temps que la liquidation judiciaire de la SITRANSBOIS, S n’était plus investi de mission de liquidation et n’agissait conformément au contrat de location-gérance que comme représentant de la SITRANSBOIS et qu’à ce titre, il avait des obligations à l’égard des actionnaires de ladite société.
Constate de graves manquements à ses obligations de représentant.
Fait en conséquence droit à la demande de révocation de S par les ayants droit de feu G.
Désigne Monsieur Y expert comptable diplômé pour le remplacer en tant que seul et unique représentant de la SITRANSBOIS dans la poursuite de l’exécution du contrat de location- gérance et de clôture du concordat.
Ordonne en conséquence la remise immédiate des biens, livres, papiers et effets de la Sitransbois par S au nouveau représentant de cette société.
Fait également droit à la demande d’audit de la gestion de S formulée par les appelants; Désigne Monsieur Y expert comptable diplômé inscrit sur la liste des experts de la Cour pour y procéder.
Dit que cet expert devra faire la lumière sur les frais et honoraires dus à S.
Dit qu’il aura également pour mission de situer la responsabilité de S et des commissaires au concordat que sont la BIAO et la CNPS si les manquements et irrégularités dénoncés s’avèrent préjudiciables.
Dit que l’expert nommé a un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente décision pour effectuer sa mission et déposer son rapport à la Cour.
Dit qu’il sera référé au Président de cette Cour en cas de difficultés; Met les frais d’audit à la charge de la SITRANSBOIS.
Condamne S aux entiers dépens distraits au profit de Maître SONTE Émile, Avocat à la Cour aux offres de droit; ».
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de.
l’OHADA.
Attendu que par requête en date du 22 février 2006 enregistré à la même date au greffe de la Cour de céans, Maître SONTE Émile, conseil des défendeurs au pourvoi, a demandé à la Cour de constater le décès du demandeur au pourvoi, Monsieur S, survenu le 20 octobre 2005 suivant copie d’acte de décès versé au dossier, et d’en tirer toutes les conséquences de droit en vertu de l’article 107 du Code de procédure civile ivoirien aux termes duquel « l’instance est interrompue et le dossier est provisoirement classé au greffe à la suite du décès de l’une des parties ou de la perte de sa capacité d’ester en justice, du décès du représentant légal ou de la perte par celui-ci de cette qualité, à moins que l’affaire ne soit déjà en état, auquel cas le Tribunal peut statuer »; que par correspondance datée du 21 octobre 2005 versée au dossier, Maître KABA Mohamed, conseil du requérant S, s’est exprimé en ces termes; « j’ai l’avantage de vous informer que j’ai été constitué par Monsieur S pour assurer ses intérêts relativement à la cause citée en référence [Affaire S contre G et autres]. Par cette correspondance, je vous informe du décès de Monsieur S.. Je vous prie, compte tenu de cet évènement, de bien vouloir tirer toutes les conséquences de droit prescrites par les articles 107 à 109 du Code de procédure civile et commerciale ivoirien. En attendant que les héritiers me fassent parvenir le certificat de décès que je m’obligerai à vous transmettre ».
Attendu, compte tenu de ce qui précède, et à défaut de dispositions spécifique du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA régissant l’interruption de l’instance du fait du décès de l’une des parties, qu’il y a lieu, en l’espèce, d’appliquer l’article 107 du Code ivoirien de procédure civile commerciale et administrative qui dispose que « l’instance est interrompue et le dossier est provisoirement classé au greffe à la suite du décès de l’une des parties ou de la perte de sa capacité d’ester en justice, du décès du représentant légal ou de la perte par celui-ci de cette qualité à moins que l’affaire ne soit déjà en état, auquel cas le Tribunal peut statuer »; qu’en l’espèce, il est justifié par un acte de l’officier de l’état civil de la Commune du Plateau dans le District d’Abidjan, dressé le 28 octobre 2005 sous le n 119, que S est décédé le 20 octobre 2005; que par suite l’instance est interrompue et il échet en conséquence de classer provisoirement le dossier de la procédure au greffe de la Cour de céans.
Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Constate l’interruption de l’instance du fait du décès de S, demandeur au pourvoi; Ordonne en conséquence le classement provisoire du dossier de la procédure au greffe de la Cour de céans.
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. ANTOINE JOACHIM OLIVEIRA.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur
Cet arrêt de la CCJA est rendu dans des circonstances doublement exceptionnelles :
le décès du demandeur au pourvoi devant la CCJA;
l’absence de disposition en droit OHADA pour y faire face.
La décision de la CCJA a été de recourir à l’article 107 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui prévoit, dans l’hypothèse où, en cours d’instance, l’un des plaideurs ou son représentant légal vient à décéder ou à perdre sa capacité, d’interrompre l’instance et de classer l’affaire au greffe de la juridiction saisie jusqu’à sa reprise. Il en est ainsi sauf si l’affaire est en état d’être jugée.
Le recours au droit procédural national, bien que non prévu par le droit Ohada en ce cas particulier, se justifie dans la mesure où la suspension de l’instance, en pareils cas, est réglementée de la même façon par tous (ou presque ?) les codes de procédure civile des Etats membres, si bien qu’on peut dire qu’il s’agit la de l’affirmation d’un principe général du droit processuel auquel il est légitime d’avoir recours. Mais nous ne pouvons nous empêcher de nous poser quelques questions.
Le droit ivoirien prévoit la suspension de l’instance sauf si l’affaire est en état d’être jugée; la CCJA n’a rien dit sur ce dernier point si bien que l’on est en droit de supposer qu’en l’espèce, l’affaire ne l’était pas ou encore que si elle l’était, la CCJA a néanmoins retenu la suspension jusqu’à ce quelle le soit; mais dans ce dernier cas, elle ne pourra être en état que si les héritiers ou le représentant légal du plaideur empêché de poursuivre la procédure s’y emploient.
Le silence de la CCJA sur ce point est d’autant plus embarrassant qu’il est parfaitement concevable que d’autres codes de procédure civile peuvent assortir la suspension ou la poursuite d’autres conditions auxquelles la CCJA devra se soumettre puisqu’elle a recours au droit national en la matière sans pouvoir choisir ce qui lui convient ou non.
Il est donc temps et nécessaire que la lacune du droit OHADA soit comblée sur ce point ou d’autres et nous songeons, en particulier, pour ces derniers, à l’absence de disposition définissant les cas d’ouverture du pourvoi en cassation.