J-09-79
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – DECISIONS – VOIES DE RECOURS – DECISIONS SUSCEPTIBLES D’APPEL – DECISION SUR L’EXISTENCE D’UN TITRE EXECUTOIRE – APPEL – IRRECEVABILITE.
POURVOI EN CASSATION – MOYEN – GRIEF DE DENATURATION – INTERPRETATION DES FAITS (NON) – INTERPRETATION D’UN ECRIT (OUI).
En déclarant irrecevable l’appel interjeté, la Cour d’appel n’a, en rien, violé les dispositions de l’article 300 al 2 de l’AUPSRVE, dès lors que le premier juge n’a à aucun moment eu à se prononcer sur l’existence de la créance, mais s’est plutôt prononcé sur l’existence d’un titre exécutoire pouvant permettre de rendre régulier le commandement de payer. Seule l’interprétation d’un écrit peut faire l’objet d’un pourvoi fondé sur un grief de dénaturation, mais non l’interprétation d’un fait.
Article 300 AUPSRVE (ALINEA 2)
C.C.J.A. 1ère CHAMBRE, ARRET N 41 Du 17 Juillet 2008 Affaire : 1 ) COMPTOIR LASSISSI & FAMILLE SARL dite COLAF SARL 2 ) Monsieur L 3 ) Madame M épouse L CI ECOBANK – BENIN S.A. Le Juris Ohada, n 4/2008, p. 41. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 12, juillet-décembre 2008, p. 62.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire COMPTOIR LASSISSI & FAMILLE SARL dite COLAF SARL, Monsieur Raïmi LASSISSI et Madame Maroufatou do RE GO épouse LASSISSI contre ECOBANK-BENIN S.A, par Arrêt no2005-14/CJ-CM du greffe du 20 janvier 2006 de la chambre judiciaire de la Cour Suprême du BENIN, saisie d’un pourvoi formé le 13 avril 2005 par Maître Nestor NINKO, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du COMPTOIR LASSISSI & FAMILLE SARL dite COLAF SARL, Monsieur L et Madame M épouse L, contre l’Arrêt no14/2005 rendu le 10 février 2005 par la Cour d’appel de Cotonou et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort; Déclare irrecevable l’appel interjeté par la Société COLAF SARL, Monsieur L, M épouse L.
Les condamne aux dépens ».
Les requérants invoquent à l’appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure au mémoire ampliatif annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAïDAGI
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre de ses activités commerciales, le COMPTOIR LASSISSI & FAMILLE SARL dite COLAF SARL, cliente d’ECOBANK-BENIN S.A, avait bénéficié de découvert en compte courant et de ligne de crédits documentaires auprès de ladite banque à concurrence de 370 000 000 F CFA par acte notarié en date du 24 avril 1992 de Maître ADEBO Djamiou, Notaire à Cotonou; que pour avoir sûreté et garantie de sa créance, ECOBANK-BENIN S.A a pris une hypothèque en premier rang sur un immeuble appartenant à L et sur un autre immeuble, propriété de son épouse Madame M; que lesdits époux se sont également portés cautions solidaires et indivisibles de COLAF SARL; que courant année 1998, ECOBANK-BENIN S.A, estimant que COLAF SARL n’honorait pas ses engagements et avait un solde débiteur de 627.123.383 F CFA, signifiait à cette dernière la grosse dûment exécutoire de l’acte notarié du 24 avril 1992 et la sommait d’avoir à lui payer les sommes dues; que sur requête de COLAF SARL, le juge des référés civils du Tribunal de première instance de Cotonou lui accordait un délai de grâce de 09 mois par Ordonnance en date du 06 août 1999; que c’est ainsi qu’ECOBANK-BENIN S.A se retournait contre les époux L, cautions solidaires et indivisibles et entreprit respectivement les 2 et 7 septembre 1999 la saisie des droits d’associés appartenant auxdits époux ainsi que la saisie-attribution de leurs créances et la saisie-vente des biens meubles leur appartenant; que là aussi, à la requête des époux L, le Tribunal de première instance de Cotonou accordait à ces derniers un délai de grâce de 12 mois par Jugement no175/95/CC du 12 octobre 2000; qu’à l’expiration du délai de grâce accordé à COLAF SARL, celle-ci et ECOBANK-BENIN S.A se rapprochèrent et signèrent un acte transactionnel le 20 septembre 2000 par lequel COLAF SARL expressément reconnût devoir ECOBANK-BENIN S.A la somme de 785.625.310 F CFA; qu’à l’expiration du délai de grâce de 12 mois accordé aux époux L et ayant estimé que COLAF SARL n’honorait pas les engagements qu’elle avait souscrits aux termes de l’acte transactionnel du 20 septembre 2000, ECOBANK- BENIN S.A reprenait les poursuites tant à l’égard de COLAF SARL qu’à celui des époux L; qu’ainsi, elle entreprenait la réalisation des immeubles, objets des titres fonciers no2773 et 2772 de Cotonou en procédant à la saisie immobilière desdits immeubles; que les époux LASSISSI et COLAF SARL ayant plaidé la nullité tant du commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 11 décembre 2001 et du cahier des charges que de la procédure de saisie immobilière, le Tribunal de première instance de Cotonou, par Jugement ADD no09/03/3ème C. CIV du 18 décembre 2003, les déboutait de leurs moyens de nullité et fixait la date d’adjudication au 19 février 2004; que sur appel de COLAF SARL et des époux LI, la Cour d’appel de Cotonou, par Arrêt nO14/2005 du 10 février 2005, les déclarait irrecevables en leur appel; que sur pourvoi en cassation introduit par COLAF SARL et les époux LASSISSI devant la Cour Suprême du BENIN, cette dernière s’était, par Arrêt en date du 20 janvier 2006, déclarée incompétente et avait ordonné le renvoi du dossier devant la Cour de céans.
Sur le moyen unique pris en sa première branche Vu l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 300, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé en ce que, pour accéder à l’exception d’irrecevabilité de l’appel soulevée par ECOBANK-BENIN S.A, la Cour d’appel a retenu « que le jugement dont est appel n’a statué sur aucun des cas limitativement cités par l’article 300 alinéa 2 susvisé; qu’en effet, il y a lieu d’observer que les moyens de droit développés par COLAF Sarl au cours de l’audience éventuelle sont relatifs à la nullité du commandement du 11 décembre 2001, du cahier des charges, de la procédure, à l’inexistence du titre exécutoire à novation » alors que, selon le moyen, la nullité du commandement du 11 décembre 2001 opposée par les demandeurs au pourvoi est fondée sur l’inexistence de la créance en son principe consacrée par l’effet novatoire de la transaction du 20 septembre 2000 intervenue entre les parties; que le juge d’instance l’a si bien compris, qu’en statuant sur le titre constitutif de la créance, il a statué sur le principe même de la créance, ouvrant ainsi droit à appel par application des dispositions de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
qu’en effet, ainsi qu’il est stipulé à l’article 1er alinéa 2 de l’acte transactionnel en date du 20 septembre 2000, « la Banque accepte la somme ci-dessus indiquée comme constitutive du montant total de sa créance en principal, intérêts et frais »; que pour avoir méconnu cette constance du dossier, la Cour d’appel de Cotonou a violé la loi, notamment l’Acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en son article 300 alinéa 2; que son arrêt encourt irrémédiablement cassation de ce chef.
Attendu qu’aux termes de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, « elles [décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière] ne peuvent être frappées d’appel que lorsqu’elles statuent sur le principe même de la créance ou sur les moyens de fond tirés de l’incapacité d’une des parties, de la propriété, de l’insaisissabilité ou de l’inaliénabilité des biens saisis ».
Attendu, en l’espèce, que le Jugement ADD no09/03/3ème C. CIV rendu par le Tribunal de première instance de Cotonou le 18 décembre 2003, avait débouté COLAF SARL et les époux LASSISSI de l’ensemble de leurs moyens de nullité développés dans les « dires » déposés le 14 mai 2002 par leur conseil Maître Nestor NINKO, Avocat à la Cour; que dans lesdits dires, ils avaient exposé le bien fondé de leur opposition à la vente judiciaire de leurs immeubles, objets des titres fonciers nos 2772 et 2773, pour nullité du commandement tirée du défaut de titre exécutoire, du cahier des charges tiré du défaut de mentions substantielles, et de la procédure; qu’au regard de ce qui précède et contrairement à ce que soutiennent COLAF Sarl et les époux LASSISSI, le premier juge n’a à aucun moment eu à se prononcer sur l’existence de la créance mais s’est plutôt prononcé sur l’existence d’un titre exécutoire pouvant permettre de rendre régulier le commandement de payer du 11 décembre 2001; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait pour déclarer irrecevable l’appel interjeté par la COLAF Sarl, Monsieur L et Madame M, par application de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme précité, la Cour d’appel de Cotonou n’a en rien violé les dispositions dudit article; qu’ainsi, la première branche du moyen unique n’est pas fondée et doit être rejetée.
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué une dénaturation des faits en ce que la Cour d’appel a retenu « que la Société COLAF ne conteste pas le principe de la créance dans la mesure où son gérant statutaire Monsieur L a expressément reconnu devoir à ECOBANK-BENIN dans l’acte portant transaction du 20 septembre 2000 qu’il a signé la somme de 785.625.310 F CFA en principal, intérêts, frais et tous autres accessoires, mais prétend avoir réglé partiellement sa dette par un paiement de 313.096.321 F CFA opéré au profit de ladite banque, sans produire la preuve », alors que, selon le moyen, les demandeurs au pourvoi ont clairement expliqué les conditions et circonstances obscures et nébuleuses dans lesquelles l’acte transactionnel a été confectionné tout en précisant leur contestation formelle dudit acte, objet d’une procédure de dénonciation pendante devant la chambre civile du Tribunal de première instance de Cotonou, la Cour d’appel de Cotonou a dénaturé les faits pour avoir indiqué que COLAF Sarl ne conteste pas le principe de la créance; que la dénaturation des faits étant une composante de la violation de la loi en ce qu’elle est un cas d’ouverture à cassation, l’arrêt attaqué mérite inéluctablement cassation de ce second chef.
Mais attendu qu’il est de principe que seule l’interprétation d’un écrit peut faire l’objet d’un pourvoi fondé sur un grief de dénaturation, mais non l’interprétation d’un fait; qu’il s’ensuit que cette seconde branche du moyen unique ne peut être accueillie.
Attendu que COLAF Sarl et les époux L ayant succombé, il échet de les condamner aux dépens.
PAR CES MQTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette le pourvoi formé par la COLAF SARL et les époux LI; Les condamne aux dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé les jour mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. JACQUES M’BOSSO