J-09-82
ARBITRAGE – SENTENCE – RECOURS EN ANNULATION – JURIDICTION COMPETENTE – ABSENCE DE TEXTE PARTICULIER PRECISANT LE JUGE COMPETENT – COMPETENCE DES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN (OUI).
ARBITRAGE – SENTENCE – RECOURS EN ANNULATION – EXISTENCE DE CONDITIONS PARTICULIERES DE RECEVABILITE (NON) – APPLICATION DES REGLES DE DROIT COMMUN.
PROCEDURE – EXPLOIT INTRODUCTIF D’INSTANCE – IRREGULARITE – PREJUDICE – PREUVE (NON) – NULLITE (NON).
ARBITRAGE – COMPOSITION DU TRIBUNAL ARBITRAL – IRREGULARITE – NON RESPECT DU DELAI DE DESIGNATION DE L’ARBITRE – NULLITE DE LA SENTENCE.
ARBITRAGE – PREJUDICE DU FAIT DE LA PROCEDURE – PAIEMENT DE DOMMAGES-INTERETS – DEMANDE ETRANGERE A J’OBJET DU RECOURS EN ANNULATION.
En droit processuel, toutes les fois qu’un texte particulier n’attribue pas à une juridiction déterminée la connaissance exclusive de certaines matières, ladite connaissance de celle-ci échoit aux juridictions de droit commun.
En conséquence, il échet de dire que le tribunal de première instance de 1ère classe de Cotonou et le juge compétent pour connaître du recours en annulation de la sentence arbitrale, aucun texte particulier n’étant intervenu en droit positif béninois, depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage pour préciser le juge compétent. L’article 25 al 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage n’ayant prévu aucune condition particulière, c’est le droit commun qui s’applique, des règles spécifiques n’ayant pas été prévues.
La nullité de l’exploit introductif d’instance doit être rejetée, dès lors qu’en application de l’article 173 al 1er du Code béninois de procédure civile, le demandeur ne justifie pas avoir subi des préjudices par suite de l’irrégularité soulevée.
Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué et la sentence encourt l’annulation dès lors que la procédure de désignation du deuxième arbitre et partant de la constitution du tribunal arbitral n’a pas obéi aux prescriptions de l’article 5, al 2, a) quant au délai de désignation du deuxième arbitre et de l’article 9 quant au traitement égalitaire dont doit bénéficier toute partie à un procès.
Article 5 AUA (ALINEA 2)
Article 8 AUA
Article 9 AUA
Article 25 AUA
Article 26 AUA
C.C.J.A. 1ère CHAMBRE, ARRET N 44 Du 17 Juillet 2008 Affaire : SOCIETE AFRICAINE DE RELATIONS COMMERCIALES ET INDUSTRIELLES dite SARCI Sarl CI 1 ) ATLANTIQUE TELECOM SA 2 ) TELECEL BENIN S.A. Le Juris Ohada, n 4/2008, p. 52. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 12, juillet-décembre 2008, p. 116.
Sur le pourvoi enregistré le 1er avril 2008 au greffe de la Cour de céans sous le no015/2008/PC et formé par Maîtres Elie VLAVONOU KPONOU et Yvon DETCHENOU, Avocats à la Cour, demeurant à Cotonou, Lot 914, Sikècodji, Immeuble AKINOCHO, 01 B.P. 2399- Cotonou (BENIN), agissant au nom et pour le compte de la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles dite SARCI, société à responsabilité limitée ayant son siège social à Cotonou, 01 BP 1809, dans la cause qui l’oppose à la fois à ATLANTIQUE TELECOM, société anonyme dont le siège social est à Lomé (République du Togo), 203, Boulevard du 13 janvier, BP 14511, ayant pour conseils la S.C.P.A. ALPHA 2000 représentée par Maîtres Didier KOFFI et Paulette DJOMAN, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, immeuble Alpha 2000, Avenue CHARDY, 1er étage, porte 3, BP 122 POST’ENTREPRISE ABIDJAN CEDEX 1, Maîtres i Gabriel DOSSOU & Désiré AIHOU, Avocats à la Cour, demeurant à Cotonou, carré no387, Immeuble JEHOVAH JIRE, Avenue Monseigneur STEINMETZ, 01 BP 4959 Cotonou, Maître Karim FADIGA, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Résidence les Harmonies, Rue du Docteur Jamot, et le Cabinet Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP représenté par Maîtres Jean Yves GARAUD, Roland ZIADE et François de VERDIERE, Avocats au Barreau de Paris, 12 rue de TILSITT, 75008 Paris, et à TELECEL BENIN S.A, ayant son siège social à Cotonou, carré no36, Avenue STEINMETZ, Immeuble KOUGBLENOU, 06 BP 328, Cotonou, ayant pour conseils la S.C.P.A. ALPHA 2’000 représentée par Maîtres Didier KOFFI et Pau1ette DJOMAN, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan, immeuble Alpha 2000, Avenue CHARDY, 1er étage, porte 3, BP 122 POST’ENTREPRISE ABIDJAN CEDEX 1.
En cassation du Jugement no018/2ème/CCOM rendu le 20 mars 2008 par le Tribunal de ! première instance de première classe de Cotonou et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale, en procédure de recours en annulation de sentence arbitrale, en premier et en dernier ressort :
Se déclare compétent.
Rejette les exceptions et fins de non recevoir soulevées par la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles (SARCI SARL).
Reçoit la société ATLANTIQUE TELECOM SA en son recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 09 mars 2008 par le Tribunal arbitral dans le contentieux opposant la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles et la société ATLANTIQUE TELECOM SA.
Dit que la société TELECEL BENIN SA a qualité à agir.
Dit que la convention d’arbitrage contenue à l’article 43 des statuts de la Société TELECEL BENIN SA est nulle.
En conséquence, annule la sentence arbitrale rendue le 09 mars 2008 par le Tribunal arbitral dans le contentieux opposant la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles et la société ATLANTIQUE TELECOM SA.
Déboute la société ATLANTIQUE TELECOM SA du surplus de ses demandes; Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Condamne la SARCI Sarl aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique; t
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Vu les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure que TELECEL BENIN SA est une société anonyme constituée par quatre actionnaires à savoir ATLANTIQUE TELECOM SA avec 73.2886 actions, SARCI Sarl avec 70.412 actions, KONE DOSSONGUI avec 01 action et Séverin ADJOVI avec 01 action; que l’article 43 de ses statuts dispose que « Tous litiges sur l’application des présentes, soit entre les associés, soit entre l’un d’eux et la société seront réglés par voie d’arbitrage. A cet effet, chaque partie en litige désignera un arbitre. Si l’une des parties négligeait de faire cette désignation quinze jours après mise en demeure, il y sera procédé sur requête présentée par l’une des autres parties à Monsieur le Président de la juridiction compétente du lieu du siège social. Les arbitres ainsi désignés en éliront un autre pour le cas où ils ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur une sentence commune. Au cas où les premiers arbitres ne s’entendraient pas sur cette désignation, ils devront présenter une requête à cette fin à Monsieur le Président de la juridiction compétente du siège social. Tous les arbitres ainsi désignés formeront un tribunal arbitral délibérant en commun et à la majorité. Ils statueront tant en droit qu’en équité. Leur décision rendue en dernier ressort ne sera susceptible d’aucune voie de recours. Ils auront pouvoirs d’amiables compositeurs. Ils fixeront le montant de leurs honoraires. La sentence arbitrale sera exécutée suivant les formes prévues par le code de procédure »; qu’en application de cette clause compromissoire, suite à un litige nè entre les associés, la SARCI Sarl a mis en œuvre le 29 novembre 2006 la procédure d’arbitrage; que vidant son délibéré, le Tribunal arbitral ad hoc constitué a rendu le 09 mars 2008 une sentence définitive condamnant la société ATLANTIQUE TELECOM SA à payer la somme de 340 milliards de francs CFA à la SARCI Sarl en réparation des préjudices subis; que pour voir annuler cette sentence, la société ATLANTIQUE TELECOM SA a, sur la base de l’Ordonnance abréviative de délai no258/2008 du 13 mars 2008, assigné la SARCI Sarl devant le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou pour l’audience du 14 mars 2008; qu’advenue cette audience, la SARCI Sarl soulevait, in limine litis, à la fois la nullité de l’assignation pour visa d’un texte inapproprié dans l’ordonnance abréviative, l’incompétence du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou en ce que le recours en annulation est de la compétence de la Cour d’Appel, l’irrecevabilité de l’action pour défaut de déclaration préalable du recours avant l’assignation et le défaut de qualité de TELECEL Bénin SA à se défendre dans cette cause, la décision querellée ne concernant que ATLANTIQUE TELECOM SA; qu’après l’échange des conclusions sur ces différentes exceptions et fins de non-recevoir, le Tribunal joignait ces incidents au fond et rendait le Jugement no018/2ème/CCOM du 20 mars 2008 dont pourvoi.
Sur le deuxième moyen
Vu l’article 8 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu que la SARCI Sarl fait grief au jugement attaqué d’avoir fait une fausse interprétation et une fausse application de l’article 8 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage pour avoir déclaré nulle la convention d’arbitrage au motif que « cette prévision des parties, dans le contexte d’un arbitrage par deux arbitres, est viciée au regard de la disposition susvisée de la loi uniforme », alors que, selon le moyen, il ne ressort nulle part dans les dispositions de l’article 8 de l’Acte uniforme précité que si les parties désignaient les arbitres en nombre pair, cette désignation entacherait et rendrait nulle la convention d’arbitrage et alors surtout qu’il est de principe qu’en droit, il n’y a pas de nullité sans texte, de sorte que contrairement à l’interprétation retenue par le jugement critiqué, les dispositions de l’article 8 de l’Acte uniforme précité ont, « en ses aspects substantiels », un caractère supplétif lorsque la convention d’arbitrage fait défaut, est insuffisante ou incomplète; que pour avoir ainsi déclaré nulle ladite convention d’arbitrage, le jugement attaqué encourt cassation.
Attendu qu’aux termes de l’article 8 alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé, « Le tribunal arbitral est constitué soit d’un seul arbitre, soit de trois arbitres.
Si les parties désignent les arbitres en nombre pair, le tribunal arbitral est complété par un arbitre choisi, soit conformément aux prévisions des parties, soit, en !’absence de telles prévisions, par les autres arbitres désignés, soit à défaut d’accord entre ces derniers, par le juge compétent de l’Etat partie ».
Attendu que si les parties à une convention d’arbitrage désignent les arbitres en nombre pair, la composition du Tribunal arbitral peut être régularisée selon les modalités prévues à l’article 8 sus énoncé de l’Acte uniforme susvisé.
Attendu, en l’espèce, que les deux premiers arbitres désignés selon les modalités prévues dans la clause compromissoire de l’article 43 des statuts de TELECEL BENIN ont complété la composition du tribunal arbitral en désignant le troisième arbitre sans attendre que se réalise le préalable de leur éventuel désaccord sur une sentence commune; qu’ainsi, c’est un tribunal arbitral composé non pas de deux mais de trois arbitres qui a statué et rendu la sentence litigieuse.
Attendu que pour déclarer nulle la convention d’arbitrage contenue à l’article 43 des statuts de la société TELECEL BENIN SA, le jugement attaqué retient « qu’à l’analyse, il apparaît clairement que l’article 43 des statuts de la société TELECEL BENIN SA dont le Tribunal arbitral a tiré l’existence d’une convention d’arbitrage régulière, a prévu un arbitrage par deux arbitres, en laissant la possibilité de désignation d’un troisième arbitre à une hypothèse, celle où les deux arbitres ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur une sentence commune;.. que cette prévision des parties, dans le contexte d’un arbitrage par deux arbitres, est vicié au regard de la disposition susvisée de la loi uniforme qui régit l’arbitrage; qu’il est également contraire au principe fondamental de l’obligation de délibérer en nombre impair, en matière de justice;.. que ces vices de l’article 43 des statuts de la société TELECEL BENIN SA, rendent la clause de recours à l’arbitrage non fonctionnelle et inapplicable à l’organisation d’une procédure arbitrale efficace »; qu’en statuant ainsi alors que le juge compétent dans l’Etat partie tient de l’article 8 de l’Acte uniforme susvisé, s’il est saisi à cet effet, le pouvoir de prendre des mesures pour que le Tribunal arbitral soit constitué conformément à la règle d’imparité affirmée au 1er alinéa dudit article, le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou a violé les dispositions sus énoncées de l’article 8 de l’Acte uniforme susvisé; qu’il échet en conséquence de casser le jugement de ce chef sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi et d’évoquer.
Sur l’évocation
Attendu que par exploit en date à Cotonou du 13 mars 2008, ATLANTIQUE TELECOM SA a attrait SARCI Sarl et TELECEL BENIN SA devant le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou pour solliciter qu’il plaise audit Tribunal de :
– recevoir son recours en annulation de la sentence arbitrale prononcée le 09 mars 2008 par le Tribunal arbitral ad hoc, ledit recours étant conforme aux conditions de recevabilité prévues par !’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage;.
– annuler la sentence arbitrale prononcée le 09 mars 2008 par le Tribunal arbitral ad hoc;.
– condamner solidairement et conjointement la SARCI Sarl et Monsieur Séverin ADJOVI à leur payer la somme de cinq cent millions à titre de dommages intérêts;.
– condamner la SARCI Sarl au paiement de l’ensemble des frais et dépenses exposés par elle dans le cadre de la procédure d’arbitrage et du recours en annulation;.
– assortir sa décision de l’exécution provisoire sur minute avant enregistrement;.
Attendu qu’en réplique la SARCI Sarl a soulevé des exceptions et développé les moyens de rejet du recours en annulation de la sentence formé par ATLANTIQUE TELECOM SA; qu’elle demande au Tribunal de :
– déclarer nulle l’qssignation ayant saisi le Tribunal;.
– se déclarer incompétent pour connaître du recours en annulation de la sentence arbitrale du 09 mars 2008;.
– déclarer irrecevable l’action en annulation de la sentence pour défaut de déclaration préalable de recours en annulation;.
– dire que la société TELECEL BENIN SA n’a pas qualité pour se défendre en la présente cause;.
– rejeter le recours en annulation et la demande de condamnation à la somme de F CFA cinq cent millions (500 000 000) à titre de dommages intérêts;.
Sur la compétence du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou
Vu l’article 25, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu que la SARCI Sarl soutient que le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou saisi du recours en annulation de la sentence arbitrale est incompétent au motif que le recours en annulation contre une sentence arbitrale revêtue de l’autorité de la chose jugée relève de la Cour d’appel; que c’est à tort que le Tribunal saisi s’est déclaré compétent.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 25, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme susvisé, « la sentence arbitrale n’est pas susceptible d’opposition, d’appel, ni de pourvoi en cassation.
Elle peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie ».
Attendu, en l’espèce, que le Tribunal arbitral dont la sentence est querellée a siégé à Cotonou, République du BENIN, Etat partie au Traité institutif de l’OHADA; qu’il est établi en droit positif béninois qu’aucun texte particulier n’est intervenu depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage pour préciser le juge compétent devant lequel doit être porté le recours en annulation; que l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage n’ayant pas précisé le juge compétent devant lequel le recours en annulation doit être porté, il y a lieu de se reporter à la loi nationale de chaque Etat partie pour cette détermination; qu’en République du BENIN, Etat partie, la Loi n 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire dispose en son article 49 que « les tribunaux de première instance sont juges de droit commun en matière pénale, civile, commerciale, sociale et administrative »; qu’en droit processuel, toutes les fois qu’un texte particulier n’attribue pas à une juridiction déterminée la connaissance exclusive de certaines matières, ladite connaissance de celles-ci échoit aux juridictions de droit commun; qu’en conséquence, il échet de dire que le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou est, en l’espèce, le juge compétent pour connaître du recours en annulation de la sentence arbitrale du 09 mars 2008.
Sur la recevabilité du recours en annulation
Vu l’article 25, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu que la SARCI Sarl reproche à ATLANTIQUE TELECOM SA d’avoir commis une irrégularité lors de l’introduction de son recours en ne faisant pas la déclaration préalable de recours en annulation dans l’assignation.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 25, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, « elle [la sentence arbitrale] peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie »; que ce texte ne prévoit aucune condition particulière de recevabilité du recours en annulation; qu’en droit processuel, lorsque des règles spécifiques n’ont pas été prévues, c’est le droit commun qui s’applique.
Attendu, en l’espèce, que ATLANTIQUE TELECOM SA a porté son recours en annulation devant le Tribunal par voie d’assignation en vertu de l’autorisation du Président du Tribunal aux fins d’ester en justice à bref délai; que l’exploit introductif d’instance mentionne qu’assignation est donnée pour les motifs exposés dans la requête à fin d’être autorisé à assigner au fond à bref délai et à jour fixe; que ladite requête précise la volonté de ATLANTIQUE TELECOM SA d’exercer un recours en annulation de la sentence arbitrale rendue entre les parties le 09 mars 2008; qu’en outre, le dispositif de l’assignation indique, entre autres, « .. s’entendre recevoir en la forme le présent recours en annulation »; qu’il suit qu’en l’état de ces constatations et en l’absence de prescriptions particulières de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, il échet de dire que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SARCI Sarl n’est pas fondée et doit être rejetée.
Sur la nullité de l’exploit introductif d’instance
Attendu que la SARCI Sarl fait valoir que l’exploit introductif d’instance est nul au motif que l’ordonnance d’abréviation de délai sur la base de laquelle il a été signifié contient le visa de, l’article 806 du Code de procédure civile alors que la procédure initiée concerne une demande au fond.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 173, alinéa 1er du Code béninois de procédure civile, « aucune nullité d’exploit ou d’acte de procédure ne pourra être admise que s’il est justifié qu’elle nuit aux intérêts de la partie adverse )}.
Attendu, en l’espèce, que la SARCI Sarl ne justifie pas avoir subi des préjudices par suite de l’irrégularité soulevée; qu’il y a lieu de rejeter le moyen de nullité soulevé.
Sur le défaut de qualité de la société TELECEL BENIN SA;
Attendu que la SARCI Sarl soutient que la société TELECEL BENIN SA n’a pas qualité pour se défendre en la présente instance en ce qu’elle n’est pas concernée par la sentence arbitrale, objet du recours.
Mais attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure que durant l’instance arbitrale, la SARCI Sarl a présenté au Tribunal arbitral une demande de mise en cause de TELECEL BENIN SA; que par Jugement avant dire droit noO04/TA/2008 rendu le 24 janvier 2008, le Tribunal arbitral a fait droit à cette demande en déclarant « recevable la demande de la société SARCI Sarl aux fins d’intervention forcée de TELECEL BENIN SA en la cause )}; que dès lors, la SARCI Sarl n’est pas fondée à soutenir le défaut de qualité de TELECEL BENIN SA à se défendre en la présente cause; qu’il y a lieu de rejeter le moyen soulevé.
Sur l’annulation de la sentence arbitrale du 09 mars 2008
Vu les articles 26, 5, alinéa 2, a) et 9 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage; Attendu qu’ATLANTIQUE TELECOM SA demande l’annulation de la sentence arbitrale du 09 mars 2008; qu’à l’appui de sa demande, elle expose que le 09 juillet 2002, elle a conclu une convention de partenariat avec la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles, laquelle prévoyait notamment la répartition des sièges d’actionnaires ainsi que le partage du capital de TELECEL BENIN SA entre les actionnaires à hauteur de 51% pour le Groupe ATLANTIQUE TELECOM et 49% pour la société SARCI; que sous prétexte de violation des statuts de TELECEL BENIN SA et d’actes contraires à ses droits, la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles lui a exprimé le 29 novembre 2006 son intention de mettre en œuvre une procédure d’arbitrage sur le fondement de l’article 43 desdits statuts; que la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles ayant désigné le premier arbitre et en vue de désigner à son tour le deuxième arbitre, elle lui a demandé d’identifier le différend à soumettre aux arbitres et de lui apporter les précisions nécessaires à la défense de ses droits; que la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles a refusé de lui fournir les éléments sollicités et fait désigner le deuxième arbitre par le Tribunal de première instance de première classe de Cotonou; que les arbitres choisis ont désigné un troisième arbitre, lequel a été remplacé quelques mois plus tard, par suite de démission; qu’elle a entrepris de multiples recours devant les Tribunaux judiciaires, la Chambre administrative de la Cour suprême, la Cour Constitutionnelle et devant le Tribunal arbitral pour contester la validité de l’article 43 des statuts de TELECEL BENIN SA et les conditions de formation du Tribunal arbitral lui-même; que malgré les différents recours formés, le Tribunal arbitral a rendu le 09 mars 2008 une sentence la condamnant, entre autres, à verser à la SARCI Sarl la somme de FCFA trois cent quarante milliards (340 000 000 000) à titre de réparation de préjudices; que cette condamnation a été assortie de l’exécution provisoire à hauteur de 50%, nonobstant tout recours en annulation; qu’elle demande l’annulation de cette sentence en vertu des dispositions des articles 25 et suivants de !’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu que les articles 26, 5, alinéa 2, a) et 9 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :si le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée.si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement.
désigné.si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée.si le principe du contradictoire n’a pas été respecté; – si le tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats signataires du Traité.si la sentence arbitrale n’est pas motivée », « en cas d’arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un arbitre et les deux autres arbitres ainsi nommés choisissent un troisième; si une partie ne nomme pas un arbitre dans un délai de trente jours à compter de la réception d’une demande à cette fin émanant de l’autre partie ou si les deux arbitres ne s’accordent sur le choix du troisième arbitre dans un délai de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée sur la demande d’une partie par le juge compétent dans l’Etat partie; » et enfin « les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits ».
Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure que la lettre du 29 novembre 2006, par laquelle la SARCI Sarl a fait connaître à ATLANTIQUE TELECOM SA sa décision de mettre en œuvre la procédure d’arbitrage prévue par les dispositions de l’article 43 des statuts de TELECEL BENIN SA, a été reçue le 30 novembre 2006 à 16 h 10 par Monsieur Talibi HAIDARA, Directeur général de TELECEL BENIN qui devait la transmettre à Monsieur KONE DOSSONGUI qui en était le destinataire au nom de ATLANTIQUE TELECOM SA; que ladite lettre portait également à la connaissance de ATLANTIQUE TELECOM que la SARCI Sarl a dores et déjà désigné Monsieur OSSENI SALMON Raïmi, domicilié à Cotonou comme arbitre devant siéger dans la formation arbitrale et qu’il incombait à ATLANTIQUE TELECOM de désigner dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de la réception de ladite lettre un autre arbitre pour faire partie de la formation arbitrale; qu’ayant estimé que le délai de quinze (15) jours imparti à ATLANTIQUE TELECOM SA pour la désignation du deuxième arbitre était expiré, la SARCI Sarl saisissait le Président du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, lequel rendait au pied de la requête l’Ordonnance n 1067 du 18 décembre 2006 portant désignation du deuxième arbitre en la personne de sieur Gabriel COMLAN QUENUM; que par exploit en date du 27 décembre 2006 de Maître Simplice DAKO, huissier de justice près le Tribunal de première instance de première classe et la Cour d’appel de Cotonou, ATLANTIQUE TELECOM SA s’était formellement opposée à l’ordonnance précitée portant désignation du deuxième arbitre; que statuant sur les mérites de ladite opposition à ordonnance, la juridiction saisie rendait l’Ordonnance n 031/07-1ère CR Civ. du 08 août 2007 par laquelle elle déboutait ATLANTIQUE TELECOM, d’une part, de sa demande en rétractation de l’ordonnance de désignation du deuxième arbitre aux motifs qu’il n’y a eu aucune manœuvre frauduleuse tendant à tromper la religion du juge et que l’ordonnance a été prise dans le respect des dispositions légales, et, d’autre part, de sa demande en annulation de la notification du procès verbal de désignation du troisième arbitre aux motifs que le troisième arbitre a été désigné conformément au contrat qui est la loi des parties et conformément au droit positif « en vigueur ».
Attendu qu’en considérant la date du 30 novembre 2006, date de réception de la lettre sus indiquée du 29 novembre 2006 et de la demande de désignation du deuxième arbitre émanant de la SARCI Sarl, ATLANTIQUE TELECOM SA disposait, avant toute mise en demeure et conformément à l’article 5, alinéa 2, a) sus énoncé de l’Acte uniforme précité, d’un délai de trente jours s’achevant le 30 décembre 2006 pour la désignation du deuxième arbitre; que la mise en demeure ne devait lui être adressée par la SARCI Sarl qu’à compter du 31 décembre 2006 au cas où à cette date ATLANTIQUE TELECOM SA n’aurait pas désigné le deuxième arbitre; qu’avant même que ledit délai légal n’expire, le Président du Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, sur saisine de la SARCI Sarl, rendait à pied de requête, l’Ordonnance n 1067 du 18 décembre 2006 précitée; qu’il résulte de tout ce qui précède que la procédure de désignation du deuxième arbitre et partant de la constitution du tribunal arbitral ad hoc dans la présente cause opposant la SARCI Sarl à ATLANTIQUE TELECOM SA n’a pas obéi aux prescriptions de !’article 5, alinéa 2, a) sus énoncées quant au délai de désignation du deuxième arbitre et de !’article 9 précité quant au traitement égalitaire dont doit bénéficier toute partie à un procès, ATLANTIQUE TELECOM n’ayant pu exercer son droit de désignation de l’un des membres du Tribunal arbitral ad hoc constitué; qu’il s’ensuit que ledit Tribunal arbitral ad hoc a été irrégulièrement constitué; qu’il échet de dire et juger que la sentence rendue par ledit Tribunal irrégulièrement constitué encourt l’annulation de ce chef.
Sur la demande de condamnation solidaire et conjointe de SARCI Sarl et Monsieur Séverin ADJOVI au paiement de cinq cent millions (500 000 000) FCFA de dommages-intérêts
Attendu que ATLANTIQUE TELECOM SA sollicite la condamnation solidaire et conjointe de la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles et Monsieur Séverin ADJOV\ au paiement de la somme de FCFA cinq cent millions (500 000 000) à titre de dommages- intérêts, en raison des préjudices subis du fait de la procédure d’arbitrage mise en œuvre par celle-ci, ainsi que des frais et dépenses par elle exposés dans ladite procédure.
Mais attendu que la demande de paiement de dommages intérêts est étrangère à l’objet du recours en annulation organisé par les articles 25 et 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage; que s’agissant du paiement des frais de procédure, il est de principe que la partie qui succombe est condamnée aux dépens; qu’il échet en conséquence de rejeter la demande de condamnation solidaire et conjointe au paiement de dommages-intérêts formulée par ATLANTIQUE TELECOM SA.
Attendu que la SARCI Sarl ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré.
Casse le Jugement n 018/2ème/CCOM rendu \e 20 mars 2008 par le Tribunal de première.
instance de première classe de Cotonou (BENIN).Évoquant et statuant sur le fond.Rejette les exceptio ns et fins de non recevoir soulevés par la Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles dite SARC\ Sarl; Reçoit la Société ATLANTIQUE TELECOM SA en son recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 09 mars 2008 par le Tribunal arbitral ad hoc constitué dans le litige qui l’oppose à la SARCI Sarl.
Dit que le Tribunal arbitral ad hoc a été irrégulièrement constitué.
Annule en conséquenCe la sentence arbitrale rendue le 09 mars 2008 par ledit Tribunal.
Déboute ATLANTIQUE TELECOM SA du surplus de ses demandes.
Condamne SARCI Sarl aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. JACQUES M’BOSSO