J-09-84
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – ASSIGNATION EN LIQUIDATION DES BIENS – EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – DEFAUT DE QUALITE – CONVENTION DE CESSION DE CREANCE – NOTIFICATION – ACTE D’HUISSIER – IRREGULARITE DE FORME (NON) – QUALITE POUR AGIR (OUI) – OUVERTURE DE LA LIQUIDATION DES BIENS – CONDITIONS DE L’ARTICLE 28 AUPCAP – CREANCIERS – ACTION RECEVABLE (OUI) – DEBITRICES – SITUATION FINANCIERE – JUGEMENT AVANT DIRE DROIT – ARTICLE 32 ALINEA 2 AUPCAP – SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES – ORDONNANCE D’EXPERTISE.
Les requérantes qui sont titulaires de créances matérialisées par un titre exécutoire et par une convention de cession de créance régulièrement formée et dûment notifiée au débiteur, remplissent les conditions prévues à l’article 28 AUPCAP pour demander l’ouverture d’une liquidation des biens à l’égard de leurs débiteurs.
Cependant, la situation financière réelle des débitrices n’étant pas établie de façon explicite, et dans l’optique que le Tribunal soit suffisamment éclairé afin de les dire admises à la liquidation des biens ou à un éventuel redressement judiciaire, il s’avère nécessaire, conformément à l’article 32 alinéa 2 AUPCAP, que soit ordonnée une expertise et que soient suspendues les poursuites individuelles..
Article 145 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 068 du 01 mars 2006, Bank Of Africa et Financière du Burkina c/ SOPROFA et SODEGRAIN).
LE TRIBUNAL
Par acte d’huissier en date du 16 décembre 2005, la Bank Of Africa (BOA) et la Financière du Burkina (FIB), assignaient devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso la Société de Promotion des Filières agricoles (SOPROFA) et la Société Décorticage de Graines (SODEGRAIN) à l’effet de s’entendre prononcer la liquidation des biens des deux sociétés, ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir et condamner la SOPROFA et la SODEGRAIN aux dépens.
A l’appui de leurs prétentions la BOA et la FIB par le biais de leur conseil exposent que la BOA est créancière de la SODEGRAIN et sa créance est matérialisée par un titre exécutoire obtenu le 22 novembre 2005; Que la FIB est créancière de la SOPROFA et de la SODEGRAIN suivant une convention de cession de créance passée entre la FIB et la Banque Commerciale du Burkina (BCB) le 23 août 2005; Que ces dettes des deux sociétés ont été fusionnées sur le seul compte de la SOPROFA; Que ces deux sociétés sont gérées et administrées par le même responsable qui par ses agissements empêche non seulement le recouvrement des créances mais aussi alourdit le passif des deux sociétés au détriment des créanciers.
Qu’en invoquant donc le bénéfice des articles 28 et 34 alinéa 4 de l’Acte uniforme portant procédures collectives les requérantes sollicitent le prononcé de la liquidation des biens de la SOPROFA et de la SODEGRAIN.
En réplique la SOPROFA et la SODEGRAIN par le biais de leur conseil soulèvent in limine litis une exception d’irrecevabilité fondée sur la forme de la signification de la convention de cession de créance du 23 août 2005 faite à SOPROFA et à SODEGRAIN et en conséquence refusent à la FIB la qualité pour agir.
Elles soutiennent en outre que chacune des deux sociétés a fait une déclaration de cessation des paiements avec une proposition de concordat; Qu’en l’étape actuelle le sauvetage de la SOPROFA et de SODEGRAIN étant toujours possible, elles relèvent donc qu’elles connaissent des situations difficiles mais non irrémédiablement compromises; Qu’à ce titre elles sollicitent le rejet de la requête de la BOA et de la FIB, et reconventionnellement le prononcé à leur bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire.
DISCUSSION
DE L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITE
Attendu qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile « constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, l’expiration d’un délai préfixé, la chose jugée; »
Attendu qu’en l’espèce la SOPROFA et la SODEGRAIN pour refuser à la FIB la qualité pour agir soulèvent une irrégularité dans la forme de la notification de la convention de cession de créance du 23 août 2005; Qu’il ressort cependant des pièces du dossier que cette notification a été faite par acte d’huissier et sous pli fermé le 1er septembre 2005.
Qu’en outre par lettre n 2005/0544 du 30 août 2005 la Banque Commerciale du Burkina (BCB) a informé la SODEGRAIN de ce qu’en vertu de la convention de cession de créance, la FIB est devenue son créancier.
Que ladite convention ayant été régulièrement formée et dûment notifiée au débiteur, il convient donc dire que la SODEGRAIN et la SOPROFA ne sont ni fondées à soutenir que la convention ne leur est pas opposable, ni fondées à déclarer que les requérantes sont irrecevables en leur demande pour défaut de qualité; Qu’il échet donc rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par SOPROFA et SODEGRAIN.
DE LA MESURE SOLLICITEE
Attendu qu’aux termes de l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures d’apurement du passif, « la procédure collective peut être ouverte sur la demande d’un créancier, qu’elle que soit la nature de sa créance, pourvu qu’elle soit certaine, liquide et exigible. L’assignation du créancier doit préciser la nature et le montant de la créance et viser le titre sur lequel elle se fonde ».
Attendu qu’en l’espèce la BOA est créancière de la SODEGRAIN, créance matérialisée par un titre exécutoire obtenue le 22 novembre 2005 et dont copie est versée au dossier; Que la FIB est créancière de la SOPROFA et de la SODEGRAIN suivant une convention de cession de créance régulièrement passée avec la BCB le 23 août 2005; Que cette créance est matérialisée par un jugement n 270 du 08 décembre 2005 revêtu de la formule exécutoire le 25 janvier 2005, et dont copie est jointe à la présente procédure; Qu’il s’en suit que les requérantes remplissent les conditions prévues à l’article 28 précité pour demander l’ouverture d’une procédure collective à l’égard de leurs débiteurs; Qu’il convient donc dire leur requête fondée en son principe.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 32 alinéa 2 du même Acte uniforme, « avant la décision d’ouverture d’une procédure collective, le président de la juridiction compétente peut désigner un juge du siège ou toute personne qu’il estime qualifiée, à charge de dresser et lui remettre un rapport dans un délai qu’il détermine, pour recueillir tous renseignements sur la situation et les agissements du débiteur et la proposition de concordat faite par lui ».
Attendu qu’en l’espèce les requérantes sollicitent la liquidation des biens de la SOPROFA et de la SODEGRAIN; Que reconventionnellement elles sollicitent le prononcé de leur redressement judiciaire.
Que cependant les pièces versées au dossier et les explications fournies par les parties n’établissement pas de façon explicite la situation financière et économique réelle des débiteurs; Qu’il est pourtant nécessaire que le Tribunal, dans le but de rendre une décision saine, soit suffisamment éclairé de la situation irrémédiablement compromise de la SOPROFA et SODEGRAIN, ou de la faisabilité des offres de concordat afin de les dire admises à la liquidation des biens ou à un éventuel redressement judiciaire; Qu’il apparaît donc indispensable de faire appel à une personne avisée pour se faire, en l’occurrence un expert à l’effet d’y procéder.
Attendu en outre que pour connaître la situation économique et financière réelle des deux sociétés, il s’avère nécessaire dans le cas d’espèce que soient suspendues à l’égard des débiteurs les poursuites individuelles afin de permettre à l’expert nommé d’appréhender l’étendue de leur situation actuelle; Qu’il convient dès lors ordonner à leur égard la suspension des poursuites individuelles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après débats en chambre de conseil, en matière commerciale et en premier ressort.
Vu les dispositions des articles 25 et 32 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par SOPROFA et SODEGRAIN.
Ordonne la suspension des poursuites individuelles.
Ordonne une expertise comptable sur la situation financière réelle de SOPROFA et SODEGRAIN.
Désigne en effet monsieur ZERBO Yacouba, expert près les Cours et Tribunaux du Burkina Faso avec pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière des deux sociétés (SOPROFA-SODEGRAIN) afin de préciser si leur situation est irrémédiablement compromise donc admise à la liquidation des biens, ou nous dire la faisabilité des offres de concordat ainsi que tous renseignements utiles à un redressement éventuel des deux sociétés.
Dit que les rapports d’expertise devront nous parvenir au plus tard le 02 mai 2006.
Dit que les honoraires de l’expert désigné seront supportés par la SOPROFA et SODEGRAIN.
Dit qu’en outre une provision sur honoraire devra être versée à l’expert dès le début de sa mission.
Réserve les dépens.