J-09-89
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL – CONTRAT – CONSTRUCTION D’UN TELECENTRE – ORDONNANCE SUR REQUETE – AUTORISATION D’EXPLOITATION – ASSIGNATION EN RETRACTATION – EXCEPTION D’INCOMPETENCE – ARTICLES 472 ET 473 CPC – JURIDICTION DU PRESIDENT – COMPETENTE (OUI) – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL (OUI) – OCCUPATION DU LOCAL – DEMANDES D’EXPULSION ET DE DOMMAGES-INTERETS – QUALITE POUR AGIR (OUI) – EXCEPTION DE NULLITE – ACTE D’ASSIGNATION – NON-RESPECT DES PRESCRIPTIONS DE L’ARTICLE 81 CPC – VIOLATION DES INTERETS DE LA DEFENSE (NON) – FORMALITE SUBSTANTIELLE – OMISSION (NON) – REJET DE L’EXCEPTION.
CONTRAT DE BAIL – ARTICLE 71 AUDCG – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION DU BAIL ET EXPULSION DU PRENEUR – DEFAUT DE MISE EN DEMEURE – REQUERANTS MAL FONDES – DOMMAGES ET INTERETS – OCCUPATION LEGALE – ARTICLE 1382 CODE CIVIL – CONDITIONS NON REMPLIES – DEMANDE MAL FONDEE.
DEMANDE RECONVENTIONNELLE – ACTION EN JUSTICE – ARTICLE 15 CPC – INTENTION DE NUIRE (OUI) – DEMANDE JUSTIFIEE (OUI) – FRAIS EXPOSES – CONDAMNATION AU REMBOURSEMENT (NON).
Le bailleur ne pourra demander la résiliation du bail et l’expulsion du preneur à la juridiction compétente qu’après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail. En l’espèce, aucun acte extrajudiciaire n’ayant été délivré, la résiliation du bail ne peut être obtenue.
En outre, seul le bailleur peut demander la résiliation et l’expulsion du preneur. Une des parties n’étant pas bailleur, elle est mal fondée à demander l’expulsion du preneur. Il y a donc lieu de débouter les requérants de leur demande d’expulsion.
Article 15 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 81 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 99 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ET SUIVANT
Article 472 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ ET SUIVANT
Article 1382 CODE CIVIL BURKINABÈ
Article 6 LOI 10-93 ADP DU 17 MAI 993 PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE AU BURKINA FASO, MODIFIEE PAR LA LOI 44-94 ADP DU 24 NOVEMBRE 1994 ET PAR LA LOI 28-2004 AN DU 8 SEPTEMBRE 2004
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 219 du 21 juin 2006, AD SANOU S. Siméon c/ OUEDRAOGO Lassané.
LE TRIBUNAL
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par exploit d’huissier du 21 avril 2004, les ayant-droits de feu SANOU S. Siméon, madame SEGUEDA née OUEDRAOGO Rakiétou et monsieur SEGUEDA Sibidou ont fait assigné OUEDRAOGO Lassané devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso aux fins de :
– rétractation de l’ordonnance n 144/2001 du 18 juillet 2001;
– l’expulsion de OUEDRAOGO Lassané du télécentre situé sur la parcelle A lot 1300 sise au secteur 15 de Bobo-Dioulasso et l’allocation de la somme de deux millions quatre cent cinquante (2.450 000) francs CFA aux requérants à titre de dommages intérêts;
– prononciation de l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A l’appui de leurs demandes, les requérants exposent que dame SEGUEDA née OUEDRAOGO Rakiétou s’est séparée de OUEDRAOGO Lassané avec qui elle exploitait un télécentre pour monter sa propre affaire suite à des mésententes intervenues entre eux; Que pour ce faire, elle a concluait un contrat avec feu SANOU S. Siméon qui l’autorisait à édifier sur la parcelle A du lot 1300 sise au secteur 15 de Bobo-Dioulasso un local d’une valeur de huit cent trente mille quatre cent quinze (830.415) francs CFA où elle exploitera son télécentre; Que son bâtiment construit, elle concluait avec l’ONATEL le contrat n 45/99/DG ONATEL/DRO/Bobo pour l’exploitation de son télécentre avec le numéro d’appel 97-45-15; Qu’ayant fermé son télécentre après quelques temps d’exploitation suite aux intrigues de OUEDRAOGO Lassané qui a abouti à la suspension de sa ligne, celui-ci obtiendra du président du Tribunal l’ordonnance n 141/2001 l’autorisant à s’installer dans le télécentre de Dame SEGUEDA; Que les ayant-droits de feu SANOU S. Siméon ayant remarqué cette occupation sans titre ni droit essayaient par deux fois et en vain de l’expulser la voie des référés, parce que n’ayant pas obtenu cette expulsion ils décidaient de l’attraire devant le Tribunal de céans pour obtenir la rétractation de l’ordonnance sus mentionnée en ce qu’elle est fondée sur des motifs faux et parce que l’exposé même de l’ordonnance démontrait qu’il y avait litige et que la juridiction du président n’était pas par conséquent compétente pour en connaître; Qu’ensuite ils sollicitent l’expulsion de OUEDRAOGO Lassané en ce que son occupation est sans titre ni droit; Qu’en effet, l’explication selon laquelle Dame SEGUEDA lui serait débitrice et qu’il se serait subrogé à ses droits relève d’une gymnastique et constitue une violation flagrante du principe de l’effet relatif des contrats posé à l’article 1165 du code civil; Que OUEDRAOGO Lassané est un tiers dans le contrat signé entre feu SANOU S. Siméon et Dame SEGUEDA et ne peut par conséquent pas en bénéficier de même que la famille de feu SANOU Siméon est étrangère à la créance existant entre Dame SEGUEDA et OUEDRAOGO Lassané et ne doit en aucune manière en souffrir; Que l’occupation du local par ce dernier est donc illégale et son expulsion s’impose; Que cette occupation illégale leur causant un préjudice, ils réclament des dommages-intérêts sur la base de l’article 1382 du code civil; Que les conditions posées par cet article sont réunies en ce que l’occupation illégale constitue une faute, la perte de revenus le préjudice et le lien de cause à effet est d’une évidence; Que c’est pourquoi les ayants droits de feu SANOU S. Siméon réclament la somme de quatre cent cinquante mille (450 000) francs CFA et les époux SEGUEDA la somme de deux millions (2.000 000) de franc CFA pour la réparation de leur préjudice respectif.
En réplique le défendeur expose qu’il est propriétaire de la ligne téléphonique servant de télécentre en atteste les diverses pièces qu’il fournit; Qu’il est dans le local querellé en vertu d’un contrat de bail conclu avec feu SANOU S. Siméon; Qu’en outre il a contribué à l’édification dudit local; Que pour la présente procédure, en la forme il sollicite la nullité de l’exploit d’assignation en ce qu’il méconnaît les dispositions de l’article 81 du code de procédure civile et ce, sur le fondement des articles 99 et 100 du même code qui sanctionne de nullité les manquements aux dispositions de l’article 81 précité; Qu’au fond, le Tribunal doit se déclarer incompétent s’agissant de la rétractation de l’ordonnance n 141/2001 du 18 juillet 2001; Qu’en effet, au sens des articles 471, 472 et 473 du code de procédure civile seul le président qui a rendu l’ordonnance a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance que concernant son expulsion, il est lié à la famille de feu SANOU S. Siméon par un bai commercial; Que la résiliation d’un tel contrat obéit à des conditions strictes posées par l’Acte uniforme OHADA sur le droit commercial général; Que sans avoir résilié le contrat conformément à l’acte sus-cité notamment en ses articles 91 et suivants, son expulsion ne peut être pour suivie; Que de ce point de vue, les requérants ne peuvent qu’être purement et simplement déboutés en leur demande comme étant mal fondés; Que concernant le paiement de dommages-intérêts pour cause de faute et de préjudice, il n’en est rien; Qu’en effet, il n’a pas occupé la maison illégalement et en outre, il s’acquitte du loyer convenu devant témoin avec feu SANOU S. Siméon; Qu’il a en plus contribué à l’édification du local querellé; Que les époux SEGUEDA ne peuvent alléguer avoir perdu un fonds de commerce et subséquemment des revenus en ce qu’il est établi que la ligne téléphonique est en son nom; Qu’il plaira par conséquent au Tribunal rejeter leur demande; Que reconventionnellement il sollicite du Tribunal la condamnation des requérants à lui payer la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 15 du code de procédure civile; Que l’action des requérants est sans fondement, malicieuse, vexatoire et dilatoire; Qu’enfin, il réclame le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens qu’il a engagés pour sa défense conformément à l’article 06 de la loi n 028/2004/AN du 08 septembre 2004; Qu’à ce titre il réclame sept cent cinquante mille (750 000) francs CFA.
MOTIFS DE LA DECISION
EN LA FORME
Attendu que les requérants sollicitent la rétractation de l’ordonnance n 141/2001 du 18 juillet 2001; Qu’aux termes de l’article 472 du code de procédure civile « s’il est fait droit à la requête tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance »; Que l’article 473 du même code précise que « le président a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l’affaire »; Qu’à la lecture combinée de ces deux (02) articles seule la juridiction du président est compétente pour rétracter son ordonnance; Qu’il échet se déclarer incompétent sur ce chef de demande.
Attendu que les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et les époux SEGUEDA sollicitent en outre l’expulsion de OUEDRAOGO Lassé du télécentre situé sur la parcelle A du lot 1300 sis au secteur 15 de Bobo-Dioulasso construit par Dame SEGUEDA; Qu’ils ont intérêt à agir en ce que ledit télécentre est situé sur une parcelle leur appartenant et s’agissant de Dame SEGUEDA, parce qu’elle aurait construit le local abritant le télécentre; Qu’il échet en la forme, recevoir leur demande comme ayant qualité pour agir.
Attendu que OUEDRAOGO Lassané soulève une exception de nullité de l’acte d’assignation pour non-respect des prescriptions de l’article 81 du code de procédure civile; Qu’au sens de l’article 99 du code sus-énoncé la nullité ne pourra être prononcée que s’il est porté atteinte aux intérêts de la défense; Que l’article 100 du même code précise que la nullité pourra être prononcée si une formalité substantielle a été omise; Que cependant dans le cas d’espèce aucune formalité substantielle n’a été omise; Qu’il y a lieu rejeter l’exception soulevée par le défendeur.
AU FOND
Sur les demandes d’expulsion et de dommages-intérêts
Attendu qu’il est demandé l’expulsion de OUEDRAOGO Lassané du local abritant son télécentre; Que cependant, il y est en vertu d’un contrat de bail; Que ce contrat de bail s’analyse en un bail commercial, OUEDRAOGO Lassané exploitant dans les lieux loués un fonds de commerce; Qu’en effet aux termes de l’article 71 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général « est réputé bail commercial toute convention, même non écrite existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’article 69 et toute personne physique ou morale, permettant à cette dernière, d’exploiter dans les lieux avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle ».
Attendu qu’au sens de l’article 101 du même Acte uniforme le bailleur ne pourra demander la résiliation du bail et l’expulsion du preneur à la juridiction compétente qu’après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
Qu’en l’espèce aucun acte extrajudiciaire n’a été délivré.
Que par ailleurs, préalablement à l’expulsion, il faut obtenir la résiliation du bail; Qu’en outre seul le bailleur peut demander la résiliation et l’expulsion du preneur; Que les époux SEGUEDA n’étant pas bailleurs, ils sont mal fondés à demander l’expulsion du preneur; Qu’il y a lieu débouter les requérants de leur demande d’expulsion.
Attendu que les requérants réclament des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil; Que le défendeur occupant le local querellé en vertu d’un contrat de bail, son occupation n’est pas illégale.
Que son occupation étant légale, aucune faute occasionnant un préjudice ne peut lui être reproché; Que les conditions de l’article 1382 sus mentionné ne sont par conséquent pas remplies; Qu’il échet là encore, débouter les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres de leurs prétentions.
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que l’article 15 du code de procédure civile énonce que « l’action malicieuse, vexatoire, dilatoire ou qui n’y est pas fondée sur des moyens sérieux constitue une faute ouvrant droit à réparation »; Qu’en l’espèce, sans avoir de motifs sérieux, les requérants ont d’abord deux fois de suite, assigné le défendeur devant le juge des référés pour le voir expulser; Que n’ayant pas obtenu gain de cause en référé, ils ont engagé une nouvelle procédure contre leur contradicteur devant le Tribunal de grande instance toujours avec les mêmes motifs; Qu’il s’agit là d’un acharnement révélant une intention de nuire plutôt qu’un désir d’être rétabli dans ses droits; Qu’il y a lieu faire droit à la demande reconventionnelle du défendeur et condamner les requérants à lui payer la somme de cent mille (100 000) francs CFA; Qu’en effet la demande est justifiée dans son principe mais excessif quant à son montant.
Des frais exposés et non compris dans les dépens
Attendu qu’au sens de l’article 6 de la loi n 28-2004/AN du 08 septembre 2004, sur demande expresse et motivée le juge condamne la partie perdante ou tenue aux dépens à payer à l’autre les frais exposés et non compris dans les dépens; Qu’en l’espèce OUEDRAOGO Lassané réclame le remboursement de ces frais en soutenant qu’il a engagé des frais pour sa défense en justice; Qu’il réclame pour ce faire sept cent cinquante mille (750 000) francs CFA.
Attendu que selon l’article 06 précité le juge peut, en tenant compte de la situation économique de la partie condamnée, dire qu’il n’y a pas lieu à la condamnation au remboursement de ces frais exposés et non compris dans les dépens; Qu’en l’espèce, la situation économique des requérants est telle qu’ils ne peuvent supporter une telle condamnation; Qu’il y a lieu les en exonérer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
En la forme
Se déclare incompétent quant à la demande des ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres aux fins de rétractation de l’ordonnance n 141/2001.
Déclare les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres recevables en leur action quant aux autres chefs de demande.
Rejette l’exception de nullité soulevée par OUEDRAOGO Lassané.
Au fond
Déboute les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres en leurs demandes comme étant mal fondées.
Reçoit la demande reconventionnelle de OUEDRAOGO Lassané et l’y dit fondée.
Condamne en conséquence les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres à lui payer la somme de cent mille (100 000) francs CFA à titre de dommages-intérêts.
Déboute OUEDRAOGO Lassané de sa demande de paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamne les ayants droit de feu SANOU S. Siméon et autres aux dépens.