J-09-93
DROIT COMMERCIAL GENERAL – FONDS DE COMMERCE – CESSION – VIOLATION DES CONDITIONS DES ARTICLES 118 ET 120 AUDCG – DROIT DE PROPRIETE DU VENDEUR – DEFAUT DE PREUVE – NULLITE DE LA CESSION – DEMANDE DE REPARATION – PROCEDURES INTEMPESTIVES ET INJUSTIFIEES – ARTICLE 15 CPC – ACTION MALICIEUSE (NON) – DOMMAGES-INTERETS (NON).
DEMANDE RECONVENTIONNELLE – VENTE AUX ENCHERES PUBLIQUES – PROCES-VERBAL DE VENTE – FONDS DE COMMERCE – DEFAUT DE PRECISION DES ELEMENTS – DROIT DE PROPRIETE – ABSENCE DE PREUVE – CONTRAT DE LOCATION-GERANCE – VENTE DE LA CHOSE D’AUTRUI – DEFAUT DE PREUVE – REJET DE LA DEMANDE – DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS – REJET.
La cession de fonds de commerce est assujettie à des conditions de forme et de publicité prescrites par les articles 118 et 120 AUDCG. L’article 118 énumère les différents éléments que doit contenir tout acte constatant la cession d’un fonds de commerce. Quant à l’article 120, il dispose que « tout acte constatant une cession de fonds de commerce doit être déposé en deux copies certifiées conformes par le vendeur et l’acquéreur au Registre du commerce et du crédit mobilier… ».
En cas de non-respect de ces conditions, il ne saurait donc y avoir cession de fonds de commerce.
Article 15 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 153/03 du 30 avril 2003, ECODIS c/ SANAMKOOM INTERNATIONAL (SKI)).
LE TRIBUNAL
Par acte d’huissier en date du 15 janvier 2003, la Société ECODIS, société à responsabilité limitée dont le siège est à Ouagadougou, représentée par son directeur général, lequel a élu domicile en l’Étude de maître Mamadou SAVADOGO, avocat à la Cour à Ouagadougou, a assigné la Société SANAMKOOM INTERNATIONAL dite SKI, société ayant son siège à Ouagadougou, laquelle a élu domicile en l’Étude de la SCPA – KARAMBIRI – NIAMBA, avocats à la Cour à Bobo-Dioulasso, à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso en son audience civile et commerciale du 05 février 2003, à l’effet de :
– voir dire et juger que ECODIS est propriétaire du fonds de commerce constitué par la station sise sur la parcelle n A-B du lot n 18 de la ville de Bobo-Dioulasso;
– s’entendre condamner la SKI à payer à ECODIS la somme de 10 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices que lui ont causés ses procédures intempestives et injustifiées;
– s’entendre condamner la SKI aux dépens, le tout dont distraction au profit de maître Mamadou SAVADOGO, avocat aux offres de droit.
A l’appui de ses prétentions, la requérante expose que monsieur SEMDE Adama, commerçant de son état, a construit sur la parcelle n A-B du lot n 18 du quartier Accart-ville sud, une station d’essence lui appartenant en propre, et ce depuis 1997; Que pour pouvoir exploiter son commerce, il a conclu un accord de fourniture avec la Société TAGUI qui lui a prêté ses couleurs et même loué un certain nombre de matériel, à savoir :
– une pompe essence I de marque SCHLUM BERGER, modèle CX-80-5, 4 n 586306, année 1991;
– une pompe essence Il, marque SCHILUM BERGER, modèle CX-80-5.4 n 586454, année 1991;
– une pompe Super, marque SCHLUM BERGER, modèle CX-80-5,4 n 57226, année 1988;
– une pompe Gazoil, marque SCHILUM BERGER, modèle CX-80-5,4 n 5 76044, année 1989;
– une pompe Pétrole, marque SCHLUM BERGER, modèle CX-80-5,4 n 57218-30, année 1988;
– et enfin une cuve de 10 000 litres.
Elle poursuit pour dire que si ce matériel appartient effectivement à la Société TAGUI, son partenaire commercial, tout le reste du matériel constituant son fonds de commerce lui appartient en propre; Que la Société TAGUI a été mise en liquidation judiciaire suite à sa déconfiture commerciale; Qu’aucune contestation n’a été faite quant à la propriété de SEMDE Adama sur le matériel qui lui revient en propre.
Qu’il est constant que depuis 1997, celui-ci était le seul et unique propriétaire du fonds de commerce constituant la station d’Accart-ville; Que courant 2001, la SONABHY, créancière de la Société TAGUI, a fait pratiquer saisie-exécution sur les biens de sa débitrice, dont le matériel ci-dessus énuméré, suivant procès-verbal du 21 mars 2001 dressé par maître KONE Mariam, huissier de justice; Que par la suite, la Société SANAMKOOM INTERNATIONAL s’est portée acquéreur de ce matériel à l’exclusion des autres matériels appartenant à SEMDE Adama initialement; Que suivant convention du 1er février 2002, ce dernier lui a cédé son fonds de commerce.
Qu’elle a conclu également un contrat de bail avec madame TRAORE Barkissa, propriétaire du terrain abritant le fonds de commerce, le 05 mars 2002; Que la Société SKI se prétend être propriétaire de tout le fonds de commerce qu’elle a acquis avec SEMDE Adama; Que la Société ECODIS voit ainsi troubler la jouissance paisible des lieux.
En réplique, la Société SKI, par la plume de son conseil déclare qu’elle a acquis le fonds de commerce formé par la station TAGUI d’Accart-ville à la suite d’une vente aux enchères publiques; Qu’elle s’afférait à l’accomplissement de toutes les formalités administratives pour l’obtention de l’autorisation d’ouverture en vue de l’exploitation du fonds, lorsque SEMDE Adama, ex-gérant se prétendant propriétaire des investissements réalisés sur la station a disposé à titre onéreux du fonds de commerce au profit de la Société ECODIS; Que cependant, il faut relever que SEMDE Adama l’avait au préalable approché pour discuter des modalités de remboursement des soit disant impenses par lui réalisées avec l’accord à l’époque de la Société TAGUI-SA; Qu’il a initié les mêmes démarches auprès de la SONABHY, créancière poursuivant de TAGUI mais sans succès; Que c’est dans ce climat que la Société ECODIS qui avait vainement postulé pour l’achat des ex-stations TAGUI auprès de la SONABHY a profité pour conclure un contrat de vente portant sur l’ensemble des fonds de commerce des stations TAGUI-SA qu’elle avait déjà acquise; Qu’ainsi, s’en est suivi une avalanche de procédures judiciaires initiées tantôt par la Société ECODIS, tantôt par les syndics liquidateurs ayant toutes pour objet la contestation de la propriété de SKI sur les ex stations TAGUI-SA dont celle située à Accart-ville; Que toutes les tentatives conjuguées par elle et la SONABHY pour déloger ECODIS n’ont pu prospérer; Qu’il ne peut, pourtant, être discuté que le bail commercial liait la Société TAGUI-SA au propriétaire de l’immeuble; Que dès lors, se pose le problème de la validité de l’acquisition à titre onéreux de ladite station : que même si SEMDE Adama par supposition, a été le propriétaire d’une partie des investissements cédés à ECODIS, son droit de propriété n’a pu concerner le fonds de commerce de la station-service.
Qu’en effet, par définition tirée des articles 103 et suivants de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, le fonds de commerce est un ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une clientèle et il comprend obligatoirement la clientèle et l’enseigne ou le nom commercial puis facultativement les éléments énumérés par l’article 105 de l’Acte uniforme sus-visé; Que de cette définition, il est aisé de relever que la vente opérée par SEMDE Adama des investissements qu’il aurait réalisés ne peut être assimilée à la vente du fonds de commerce étant entendu qu’il n’en était pas propriétaire; Que SEMDE Adama était locataire gérant du fonds et non propriétaire; Que partant de cette évidence, le fait de disposer à titre onéreux d’une partie des investissements du fonds de commerce ne peut emporter la cession du fonds, car des éléments comme l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et le droit au bail n’ont pu être cédés légitimement; Que dès lors, la demande formulée par la Société ECODIS ne peut être que rejetée purement et simplement.
Que par ailleurs, la propriété même de SEMDE Adama sur les investissements réalisés et par lui cédés n’est pas établie; Que la lettre conjointe émanant de SAWADOGO Sibiri, agissant pour le compte de la Société de pétrole TAGUI-SA, qui reconnaît la propriété de SEMDE Adama n’engagerait que les seuls signataires pour les simples et bonnes raisons que la qualité et le pouvoir du représentant de TAGUI ne ressortent pas; Que tout porte à croire que ce document a été confectionné à dessein; Qu’en effet, SEMDE Adama n’a t-il pas toujours déclaré que les investissements par lui réalisés l’ont été pour le compte de la Société TAGUI-SA à charge pour celle-ci de rembourser la totalité de la somme dépensée ?
Que lorsque celui-ci avait soulevé la question de ses investissements, il lui avait été simplement suggéré de produire le montant de sa créance à la liquidation TAGUI-SA, sous peine pour lui de ne pas pouvoir se prévaloir de sa qualité de propriétaire du fonds; Qu’il a refusé de suivre cette voie et a préféré persister dans son entêtement à vouloir coûte que coûte s’approprier par la force le bien d’autrui; Qu’il s’ensuit que la vente intervenue sur une partie des investissements du fonds entre SEMDE Adama et la Société ECODIS sera déclarée inopposable à la SKI, voire nulle en vertu des dispositions de l’article 1599 du code civil; Que de l’ensemble de ce qui précède, il échet dire et juger que la propriété du fonds de commerce querellé, jadis appartenant à la Société TAGUI-SA demeure acquise à la SKI à la suite de la vente forcée intervenue entre elle et la SONABHY; Que cette propriété étant établie et alors que ce fonds de commerce est illicitement occupé par ECODIS; elle n’a pu l’exploiter depuis plus d’un an, ce qui lui a occasionné un manque à gagner très important méritant réparation sur le fondement de l’article 1382 du code civil; Que c’est pourquoi le Tribunal lui allouera en réparation de cet important préjudice, la somme de trois cent millions (300 000 000) francs CFA.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que la Société ECODIS a respecté les forme et délai prescrits par la loi; Qu’il y a lieu de la déclarer recevable en son action.
AU FOND
Sur la demande principale de la société ECODIS
Attendu que la Société ECODIS demande d’une part, de la déclarer propriétaire du fonds de commerce constitué par la station sise sur la parcelle n A-B du lot n 18 de la ville de Bobo-Dioulasso, et d’autre part de condamner la SKI à lui payer la somme de dix millions (10 000 000) francs CFA à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices que lui ont causés ses procédures intempestives et injustifiées.
Attendu, sur le droit de propriété du fonds de commerce revendiqué par ECODIS, que la cession de fonds de commerce est assujettie à des conditions de forme prescrites par l’article 118 de l’Acte uniforme portant droit commercial général; Que de cette disposition, il résulte que « Tout acte constatant la cession d’un fonds de commerce doit énoncer :
1) l’état civil complet du vendeur et de l’acheteur pour les personnes physiques; les noms, dénomination sociale, forme juridique, adresse du siège social, et objet social du vendeur et de l’acheteur pour les personnes morales.
2) leurs numéros d’immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier.
3) s’il y a lieu, l’origine de la propriété du chef du précédent vendeur.
4) l’état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds.
5) le chiffre d’affaires réalisé au cours de chacune des trois dernières années d’exploitation, ou depuis son acquisition, si le fonds n’a pas été exploité depuis plus de trois ans.
6) les résultats commerciaux réalisés pendant la même période.
7) le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant s’il y a lieu.
8) le prix convenu.
9) la situation et les éléments du fonds vendu.
10) le nom et l’adresse de l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre si la vente a lieu par acte sous seing privé.
Qu’en plus, l’article 120 du même texte dispose que « Tout acte constatant une cession de fonds de commerce doit être déposé en deux copies certifiées conformes par le vendeur et l’acquéreur au Registre du commerce et du crédit mobilier.
Il appartient au vendeur et à l’acquéreur, chacun en ce qui le concerne, de faire procéder à la mention modificative correspondante ».
Attendu qu’en l’espèce, les conditions sus-évoquées n’ont pas été respectées dans la vente intervenue entre SEMDE Adama et la Société ECODIS; Que par ailleurs, aucune preuve n’a été rapportée par ECODIS attestant que SEMDE Adama était le propriétaire légitime du fonds de commerce querellé; Qu’il ne saurait donc avoir cession de fonds de commerce entre SEMDE Adama, et la Société ECODIS sans que cette preuve ait été rapportée; Qu’il y a lieu en conséquence de débouter la Société ECODIS du chef de cette demande.
Attendu, sur la demande de dommages-intérêts pour procédures intempestives et injustifiées, que cette prétention n’est pas fondée; Que la réparation pour action malicieuse, vexatoire, dilatoire ou non fondée sur des moyens sérieux et pour résistance abusive à une action bien fondée prévue par l’article 15 du code de procédure civile ne s’ouvre que lorsque la partie fautive est de mauvaise foi; Qu’en l’espèce, la mauvaise foi de la Société SKI n’est pas établie; Qu’il y a lieu en conséquence de débouter la Société ECODIS de sa demande de réparation.
Sur la demande reconventionnelle de la société SKI
Attendu que la Société SKI, défendeur dans la procédure, demande reconventionnellement à être déclaré propriétaire du fonds de commerce en cause, et la condamnation de la Société ECODIS à lui payer la somme de trois cent millions (300 000 000) francs CFA à titre de dommages-intérêts.
Attendu que la Société SKI fonde son droit de propriété sur le contrat de vente intervenu le 13 septembre 2001 par le ministère de maître KONE Mariam, huissier de justice à Bobo-Dioulasso faisant fonction de commissaire-priseur de ladite ville; Que le procès-verbal constatant cette vente énumère l’ensemble des biens vendus à la Société SKI sans donner aucune autre précision sur les autres éléments faisant partie du fonds de commerce; Que la Société SKI qui allègue que SEMDE Adama était en location-gérance à la station TAGUI d’Accart-ville ne rapporte pas la preuve dudit contrat, ni ne rapporte la preuve attestant que la Société de Pétrole TAGUI était le véritable propriétaire du fonds de commerce querellé; Qu’en l’absence de cette preuve, la vente intervenue entre SEMDE Adama et la Société ECODIS ne saurait être annulée en ce que la vente d’un bien appartenant à autrui invoquée par la Société SKI n’a pu être établie; Qu’il y a lieu en conséquence de débouter cette dernière du chef de cette demande.
Attendu que la Société SKI demande que la Société ECODIS soit condamnée à lui payer la somme trois cent millions (300 000 000) francs CFA au motif qu’elle a subi un préjudice du fait de l’occupation illicite depuis plus d’un an du fonds de commerce querellé; Que le droit de propriété du fonds de commerce en cause n’ayant pu être établi à son égard, il échet la débouter du chef de cette demande.
Sur les dépens
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 394 alinéa 1 du code de procédure civile que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens sauf aux juges à laisser la totalité ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie par décision spéciale et motivée.
Attendu que les deux parties à la présente procédure ont succombé, la Société ECODIS en sa demande principale et la Société SKI en sa demande reconventionnelle; Qu’il y a lieu en conséquence de les condamner tous aux dépens chacune pour moitié.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare la Société ECODIS recevable en la forme.
La déboute quant au fond.
Reçoit la demande reconventionnelle de la Société SKI en la forme mais la déboute également au fond.
Condamne les Sociétés ECODIS et SKI aux dépens, chacune pour moitié.