J-09-94
PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – REQUETE AUX FINS DE LIQUIDATION DES BIENS.
INTERVENTION VOLONTAIRE – ADMISSIBILITE DE LA PROCEDURE DE LIQUIDATION – ASSOCIES – INTERET A AGIR – RECEVABILITE (OUI).
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE – POUVOIRS DES GERANTS – ARTICLE 328 AUSCGIE – ACTE DE GESTION – SAISINE DU TRIBUNAL – ATTRIBUTION CLASSIQUE DU GERANT – INTERET DE LA SOCIETE – DEFAUT DE QUALITE POUR AGIR (NON) – OUVERTURE DE LA LIQUIDATION DES BIENS – DECLARATION DE CESSATION DE PAIEMENT – ARTICLE 25 AUPCAP – OBLIGATION DU DEBITEUR – RECEVABILITE DE L’ACTION (OUI) – RAPPORT D’EXPERTISE – CONSTAT DE CESSATION DE PAIEMENT – DEFAUT D’OFFRE DE CONCORDAT – CESSATION DES ACTIVITES – OUVERTURE DE LA LIQUIDATION DES BIENS (OUI) – PUBLICITE – EXECUTION PROVISOIRE.
La saisine du Tribunal par le gérant de la SARL est un acte de représentation de la société qui entre dans ses attributions classiques. Il peut, en l’absence de détermination claire de ses pouvoirs par les statuts, poser tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société (art. 328 AUSCGIE).
La liquidation de la société commerciale par suite de dissolution anticipée, laquelle peut être une mesure d’opportunité laissée à l’appréciation des associés, et la liquidation des biens sont deux réalités et deux régimes juridiques différents. En l’espèce, le gérant n’a saisi le Tribunal que pour constater la cessation des paiements et prononcer la liquidation des biens, conformément à l’article 25 AUPCAP qui dit que « le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible doit faire une déclaration de cessation des paiements aux fins d’obtenir l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, quelle que soit la nature de ses dettes ». Loin de faire du dépôt de bilan une mesure d’opportunité comme en matière de dissolution anticipée, l’AUPCAP en fait un impératif et ne subordonne aucunement la saisine de la juridiction compétente à l’autorisation préalable de l’assemblée générale… En conséquence, l’action introduite par le gérant est recevable.
Article 200 AUSCGIE
Article 203 AUSCGIE
Article 328 AUSCGIE
Article 25 AUPCAP
Article 28 AUPCAP ET SUIVANTS
Article 33 AUPCAP
Article 36 AUPCAP ET SUIVANTS
Article 110 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 248 du 09 août 2006, BELCOT SOCIETE GENERALE BURKINA (BSGB – SARL)).
LE TRIBUNAL
Vu la requête de HENRY DECKERS aux fins de l’ouverture d’une procédure collective de liquidation des biens de la BSGB.
Vu les réquisitions du ministère public du 18 juillet 2006.
Vu les articles 25 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Par requête en date du 23 janvier 2006, reçue le même jour au greffe, SALOUKA Charles, directeur administratif de la Société BELCOT, Société Générale Burkina (BSGB), agissant suivant mandat spécial du 19 janvier 2006, pour le compte de HENRY DECKERS, gérant de la BSGB, saisissait le Tribunal de grande instance de céans aux fins de l’ouverture d’une procédure de liquidation des biens de ladite société. Il déclarait que la BSGB a cessé ses paiements depuis le 30 décembre 2005; Qu’après des exercices successivement déficitaires, le capital social de la société est inexistant et son actif disponible insuffisant pour faire face à son passif exigible; Que la situation de la société est irrémédiablement compromise.
Par ordonnance n 484/2006 du 28 février 2006, le président du Tribunal ordonnait une étude sur la situation économique et financière de la société et commettait pour ce faire, le cabinet Yacouba ZERBO comptable agréé, expert près les Cours et tribunaux. Le 26 juin 2006, l’expert terminait son étude et concluait à l’impossibilité pour la BSGB de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Après communication à lui faite, le procureur du Faso par les réquisitions écrites n 15/15/2006 du 18 juillet 2006, a requis qu’il plaise au Tribunal, constater la cessation des paiements de la BSGB et prononcer la liquidation des biens.
Enrôlé pour l’audience publique du 19 juillet 2006, le dossier est renvoyé en chambre du conseil pour débats le 28 juillet 2006 et pour permettre à monsieur John Boureima KABORE de constituer un conseil et pour permettre à maître Issif SAWADOGO de faire des observations sur le rapport d’expertise.
Présents en chambre de conseil, SAWADOGO Issif, OUEDRAOGO Abdoul et la SCPA-KN conseils de KABORE John Boureima, KABORE Aimé et SIABI D. François, ont soulevé in limine litis l’exception d’irrecevabilité de la requête de Henry DECKERS au motif qu’il résulte de l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales que seule l’assemblée générale est habilitée à décider en cas de besoins de la dissolution anticipée de la société; Que cependant, sans en référé à l’assemblée, organe compétent en la matière, le gérant a sollicité seul la liquidation des biens. Par ailleurs, ils soutenaient que la société n’est pas en état de cessation des paiements mais qu’il existe seulement une mésintelligence entre les associés entrainant des difficultés financières, ils sollicitent alors le remplacement du gérant.
DISCUSSION
Sur l’intervention volontaire
Attendu que l’article 110 du code de procédure civile dispose que « constitue une intervention, la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties.
L’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant »; Que l’article 114 du même code dit que l’intervention « est principale lorsque son auteur élève une prétention à son profit… Elle est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie… ».
Qu’il résulte de ces dispositions, qu’indifféremment à la manière dont son auteur est informé, il y a intervention volontaire dès lors qu’une personne de son propre mouvement et tout en ayant un intérêt pour agir se mêle à une instance qu’elle n’a pas introduite ou qui n’est pas dirigée contre elle, soit pour faire déclarer que le droit litigieux lui appartient, soit pour s’assurer de la conservation de ses droits qui pourraient être compromis par le résultat de l’instance.
Attendu qu’en l’espèce, après mise à disposition du résultat du rapport d’expertise sur la situation financière et économique à leur faite par le président du Tribunal, KABORE John Boureima Aimé Roland et SIABI D. François, sont intervenus au cours des débats en chambre de conseil pour discuter de l’admissibilité de la procédure de liquidation; Que dès lors qu’ils sont tous associés, il demeure qu’ils ont un intérêt certain et direct à agir; Qu’ainsi, il y a lieu, déclarer recevable leur intervention volontaire.
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité du gérant pour agir
Attendu que pour voir déclarer irrecevable la procédure de liquidation de la BSGB, introduite par le gérant, les intervenants soutient que celui-ci n’a pas été autorisé par l’assemblée générale, seul organe compétent pour prononcer la dissolution anticipée.
Attendu que la saisine du Tribunal par le gérant est un acte de représentation de la société qui entre dans les attributions classiques du gérant; Que s’il est de tradition managériale que les pouvoirs du gérant de la SARL sont précisés par les statuts, il demeure qu’en l’absence de détermination claire de ses pouvoirs, le gérant peut poser tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société; Que cette idée est affirmée par l’article 328 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui dispose que « dans les rapports entre les associés et en l’absence de détermination des pouvoirs par les statuts, le gérant peut poser tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société ».
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des statuts de la société que les pouvoirs de gestion du gérant n’ont pas été précisés; Que du reste, les statuts disposent en leur article 14.6 que « dans les rapports entre associés et en l’absence de détermination de leur pouvoir, les gérants peuvent faire tous les actes
de gestion dans l’intérêt de la société »; Que dès lors que les statuts ont laissé la liberté de gestion à HENRI DECKERS, devenu gérant unique après le retrait de KABORE John Boureima de la cogérance suivant le procès-verbal d’assemblée générale du 15/01/2003, il ne peut lui être reproché de n’avoir pas été autorisé par l’assemblée générale pour la saisine du Tribunal dans la mesure où cette saisine pour l’ouverture d’une procédure collective est de l’intérêt de la société en ce qu’il s’agisse d’une obligation légale; Qu’en outre, le recours à la jurisprudence SOSACO, où les statuts avaient clairement limité les pouvoirs du gérant, ne peut prospérer.
Attendu que du reste, les intervenants comme d’ailleurs la jurisprudence SOSACO, ont soutenu l’hypothèse de dissolution anticipée prévue à l’article 200 de l’Acte uniforme précité; Que pourtant la liquidation de la société commerciale par suite de dissolution anticipée, laquelle peut être une mesure d’opportunité laissée à l’appréciation des associés, et la liquidation des biens sont deux réalités et deux régimes juridiques différents; Que l’article 203 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique fait cette distinction en disposant que les règles communes à la liquidation de la société commerciale ne « s’appliquent pas lorsque la liquidation intervient dans le cadre des dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif »; Que pourtant, en l’espèce le gérant, n’a saisi le Tribunal que pour constater la cessation des paiements et prononcer la liquidation des biens; Qu’en la matière, l’article 25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif dit que « le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible doit faire une déclaration de cessation des paiements aux fins d’obtenir l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, quelle que soit la nature de ses dettes »; Qu’il résulte de ses dispositions que, loin de faire du dépôt de bilan une mesure d’opportunité comme en matière de dissolution anticipée, l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif en fait un impératif et aucunement n’apparaît subordonner la saisine de la juridiction compétente à l’autorisation préalable de l’assemblée générale conférée au gérant dans le cas où le débiteur serait une personne morale dans la mesure où le Tribunal doit être saisi dans tous les cas; Que ce souci est davantage exprimé à l’article 29 dudit Acte uniforme qui institue une possibilité d’auto saisine du Tribunal quelle que soit l’auteur ou l’origine de ses informations sur la situation difficile du débiteur, les personnes énumérées pour fournir l’information à savoir, le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes, les associés, les institutions représentatives du personnel, ne constituant pas une liste limitative; Qu’en conséquence l’Acte uniforme n’ayant pas subordonné la saisine par le gérant du Tribunal pour l’ouverture d’une procédure collective à une autorisation préalable de l’assemblée générale, l’action introduite par Henri DECKERS est recevable; Que surabondamment et à tout le moins, il existe suffisamment d’informations fournies au Tribunal pour motiver son auto saisine.
Sur la cessation des paiements
Attendu que l’article 25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif définit la cessation des paiements comme la situation du débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible; Que cette notion technique se traduit matériellement par l’installation d’une situation financière désespérée de l’entreprise caractérisée par l’impossibilité de payer une ou plusieurs créances, certaines, liquides et exigibles; Que la cessation des paiements est distinct de l’insolvabilité en ce qu’il ne tient pas compte des éléments d’actif constitués d’immobilisations.
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des pièces du dossier, notamment du rapport d’expertise sur la situation économique et financière de la BSGB que le passif exigible de la société est de 2472.100.541 FCFA et que l’actif disponible est de 318.920.341 FCFA; Qu’il est donné de constater que la société ne peut faire face qu’à 12,9% de ses dettes; Que dès lors, l’état de cessation des paiements apparaît manifeste.
Attendu que l’article 33 de l’Acte uniforme suscité dit qu’en cas de cessation des paiements, la juridiction compétente prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens; Que la même disposition précise que la juridiction prononce le redressement judiciaire s’il lui apparaît que le débiteur a proposé un concordat sérieux, dans le cas contraire, elle prononce la liquidation des biens.
Attendu que la BSGB n’a pas proposé de concordat; Que pourtant, il lui était loisible de le produire dans les quinze (15) jours de sa requête suivant l’article 28 de l’Acte uniforme; Qu’en outre, les difficultés économiques et financières, telles qu’il résulte des propres déclarations du gérant et surtout des conclusions du rapport d’expertise ne sont pas conjoncturelles; Qu’au contraire, il apparaît que la société a constamment des bilans déficitaires depuis 2001; Qu’en outre, elle a même cesser toute activité.
Qu’ainsi, loin d’être une difficulté financière ponctuelle, qui serait due au dysfonctionnement du fait d’une mésintelligence entre associés comme le soutient les intervenants volontaires, il est établi que la situation économique et financière de la société dont les fonds propres sont déficitaires à près de deux milliard (1.951.589.141 FCFA suivant le rapport d’expertise), est irrémédiablement compromise; Que la solution ne peut nullement se trouver dans une administration judiciaire; mais plutôt qu’il y a lieu de prononcer la liquidation des biens.
Attendu que suivant les articles 36 et 37 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d ‘apurement du passif, le jugement d’ouverture doit faire l’objet de diverses publications et dans un journal d’annonce légale, et au journal officiel; Que ces publications sont soit faites d’office par le greffier en chef, soit, pour certaines, à défaut par le syndic; Qu’il y a lieu donc dire que le présent jugement sera donc publié conformément à ces dispositions.
Attendu que suivant l’article 217 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le jugement d’ouverture à l’exception du jugement homologuant le concordat et des décisions prononçant la faillite personnelle, bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit; Qu’en conséquence, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, sur requête, après débats en chambre de conseil, en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare l’intervention volontaire de KABORE John Boureima, KABORE Aimé et SIABI D. François recevable.
Déclare la société BELCOT, Société Générale Burkina en abrégé BSGB recevable en sa demande et l’y dit bien fondée.
Constate la cessation des paiements de la société B.S.G.B et fixe sa date au 30 décembre 2005.
Prononce la liquidation des biens de la société B.S.G.B en application des dispositions de l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Nomme monsieur SERE Souleymane expert comptable au cabinet PANAUDIT Burkina à Ouagadougou et maître OUATTARA Yacoba, avocat à la Cour demeurant à Ouagadougou en qualité de syndics.
Désigne ZERBO Alain, juge au siège, juge commissaire.
Dit que la présente décision sera publiée conformément aux dispositions des articles 36 et 37
de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Dit que les dépens passeront en frais privilégiés de la liquidation.