J-09-99
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETE ANONYME – ACTION EN DISSOLUTION.
EXCEPTIONS DE NULLITE – ACTE D’ASSIGNATION – MENTIONS PRESCRITES – ARTICLE 438 CPC – OMISSION – IRREGULARITE COUVERTE – PREJUDICE SUBI – DEFAUT DE PREUVE – NULLITE DE L’ACTE (NON) – EXCEPTION D’IRRECEVABILITE – QUALITE POUR AGIR EN DISSOLUTION – ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE – PARTS SOCIALES – DECISION DE RACHAT – DECISION POSTERIEURE A L’ASSIGNATION – PERTE DE LA QUALITE D’ASSOCIE (NON) – CESSION DES DROITS SOCIAUX – VIOLATION DES CONDITIONS DE L’ARTICLE 59 AUSCGIE – FIN DE NON RECEVOIR (NON).
DISSOLUTION DE LA SOCIETE ANONYME – CAUSES – ARTICLES 200 ET 736 AUSCGIE – MESINTELLIGENCE ENTRE ASSOCIES – CRISE GRAVE – DYSFONCTIONNEMENT – DISSOLUTION ANTICIPEE (OUI).
Aux termes de l’article 200 AUSCGIE, l’action en dissolution d’une société commerciale ne peut être exercée que par une personne ayant la qualité d’associé. En l’espèce, la saisine du Tribunal est antérieure à la tenue de l’assemblée générale. Et une assemblée générale extraordinaire, fut-elle régulièrement convoquée ne peut pas rétroactivement déchoir le demandeur de sa qualité d’associé… La perte de la qualité d’associé dans une société anonyme résulte, selon l’article 764 AUSCGIE, d’une décision libre de l’associé. En outre, en décidant de ne restituer à l’associé que la valeur nominale de ses actions et non pas la valeur liquidative et surtout hors de tout consentement de celui-ci, l’assemblée générale n’a respecté aucune des prescriptions de l’article 59 AUSCGIE relatives à la cession des droits sociaux.
Enfin, conformément aux dispositions des articles 200 et 736 AUSCGIE, la société anonyme peut être dissoute par décision de justice pour cause de mésintelligence entre associés. En l’espèce, les parties en sont arrivées à porter des plaintes de part et d’autre, ou pour détournement de biens, ou pour atteintes au droit de la personne. La mésentente a atteint de ce fait des extrémités qu’elle conduit inévitablement à la dissolution de la société.
Article 200 AUSCGIE ET SUIVANTS
Article 140 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 438 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Jugement n 023 du 06 juin 2007, BOKOUM Amadou c/ UTIB-SA, Issaka & SAWADOGQ, Hada & SAWADOGO, Haoudou & SOKOTO et un autre).
LE TRIBUNAL
FAITS, PROCEURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte notarié du 09 octobre 2006, SAWADOGO Issiaka Komyaba, BOCOUM Samba Amadou, SAWADOGO Hada Sokoto Haoudou et SAWADOGO Djibril ont créé une société anonyme dénommée Union des transports ivoiro-burkinabè (UTIB). Le capital social est divisé en mille (1000) actions de même catégorie et OUEDRAOGO Issiaka Komyaba et BOCOUM Samba Amadou apparaissent comme les actionnaires majoritaires en ce que chacun détient 375 actions. La société a pour objet « toutes activités de transport ferroviaire de personnes et de marchandises »; suivant correspondance datée du 16 février 2007 délaissée au siège de UTIB le 23 février 2007, BOCOUM Amadou informait ses coactionnaires de son intention ferme et définitive de mettre fin à la société UTIB.
Par acte d’huissier du 23 février 2007, BOCOUM Amadou donnait assignation à UTIB, Issaka Komyaba SAWADOGO, Hada SAWADOGO, Haoudou SOKOTO et Djibril SAWADOGO à comparaître devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de céans le 28 mars 2007 à l’effet de :
– « dire l’action recevable.
Prononcer la dissolution de UTIB-SA.
Prononcer la liquidation des biens de l’UTIB-SA.
Mettre les dépens à la charge des défendeurs ».
Il invoquait à l’appui de ses prétentions que le pacte social qui les lie n’a pas sa raison d’être par le comportement des défendeurs qui rend impossible son maintien; Qu’une mésentente grave, un manque de respect des structures et une crise de confiance les opposent; Que le comportement des associés dans pareilles circonstances crée une mésentente qui nuit gravement au fonctionnement de la société commune.
En réplique, les défendeurs soulèvent la nullité de l’acte d’assignation pour un double motif. D’une part, ils estiment que l’acte d’assignation n’indique pas les pièces sur lesquelles BOCOUM Amadou fonde sa demande; Que pourtant, une telle formalité est prescrite par l’article 438 du code de procédure civile à peine de nullité.
D’autre part, sur le fondement de l’article 141 du code procédure civile, l’acte serait nul pour défaut de qualité de BOCOUM Amadou. Ils expliquent cela par le fait que la qualité pour agir en dissolution d’une société n’appartient qu’aux seuls associés. Que pourtant, après la correspondance du 16 février 2007, une assemblée générale extraordinaire des associés s’est réunie le 19 mars 2007 et a pris acte de ce que BOCOUM Amadou ne fait plus partie des actionnaires de UTIB-SA et a décidé de continuer la société sans lui. L’assemblée à donc décidé de restituer à BOCOUM Amadou le montant de ses actions qui s’élèvent à 3.750 000 FCFA; dès lors, BOCOUM Amadou n’étant plus associé, il n’a plus la qualité pour demander la dissolution de la société.
Par ailleurs les défendeurs rappellent les faits suivants. Le 29 janvier 2003, SAWADOGO Issiaka a signé un protocole d’accord avec le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) sur le prêt bétail et après avoir payé une caution de 30 000 000 FCFA à SITARAIL. Il s’est alors associé à BOCOUM Amadou pour l’exploitation du train bétail. Pour formaliser leur désir d’exploiter ensemble le train marchandises et voyageurs, SAWADOGO Issiaka, gérant de la société dénommée SOCOGIB, agissant ès qualité et BOCOUM Amadou gérant de la société COBOF agissant également ès qualité, ont créé le 31 août 2004 le groupement d’intérêt économique UTSC. Alors même qu’il était mandaté, en sa qualité de président du conseil d’administration, de signer au nom du groupement, BOCOUM Amadou, a signé seulement au nom de COBOF le contrat d’affrètement ferroviaire. Pour pallier les lacunes et les insuffisances du groupement, la société UTIB-SA a été créée.
Les défendeurs s’opposent ainsi à la dissolution de la société au motif que la mésentente entre associés n’est cause de dissolution que lorsqu’elle est de nature à paralyser le fonctionnement de la société. Que tel n’est pas le cas en l’espèce, la société UTIB prise en ses organes ayant toujours fonctionné. Ils estiment en outre que le droit de demander la dissolution doit être refusé à BOKOUM Amadou dans la mesure ou, la mésentente grave, le manque de respect des structures et la crise de confiance que BOCOUM Amadou invoque comme cause de dissolution sont de son propre fait. Reconventionnellement, ils demandent la condamnation de BOCOUM amadou à leur payer la somme de 10 000 000 FCFA de dommages et intérêts les frais non compris dans les dépens d’un montant de 10 000 000 FCFA.
DISCUSSION
Attendu que pour voir annuler l’acte d’assignation, les défendeurs déclarent qu’il ne porte par l’indication des pièces sur lesquelles le demandeur fonde ses prétentions.
Attendu qu’en effet, l’article 438 du code de procédure civile dit que l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée; Que cependant, l’article 140 du code de procédure civile dispose que la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le préjudice subi.
Attendu qu’en l’espèce, s’il est établi que l’assignation au jour de son introduction, ne comportait pas l’indication de pièces, il demeure que non seulement, cette irrégularité a été couverte par la production au cours du renvoi du dossier, mais aussi que les défendeurs n’établissent un quelconque préjudice subi par eux du fait de cette omission; Que dès lors, il y a lieu, rejeter cette exception.
SUR L’EXCEPTION D’IRRECEVABILITE
Attendu que les défendeurs soulèvent une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt de BOCOUM Amadou en expliquant que celui-ci ayant pris la décision ferme et définitive de mettre fin au contrat de société qui le lie aux associés, ceux-ci ont lors d’une assemblée générale extraordinaire, entériné cette décision et lui ont donné acte de ce qu’il ne fait plus partie des actionnaires et qu’ils ont par la même occasion décidé de lui restituer le montant nominal de ses parts sociales.
Attendu qu’en effet, il résulte de l’article 200 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique que l’action en dissolution d’une société commerciale ne peut être exercée que par une personne ayant la qualité d’associé.
Mais attendu qu’en l’espèce, BOCOUM Amadou a saisi le Tribunal par acte daté du 23 février 2007; Qu’à cette date, il était toujours associé; Que l’assemblée générale extraordinaire, fut-elle régulièrement convoquée le 19 mars 2007 ne peut pas rétroactivement le déchoir de sa qualité d’associé en ce que d’une part, en assignant la société en dissolution par suite de sa correspondance par laquelle il fait état de son intention de mettre fin au contrat, BOCOUM Amadou n’a opté que pour une voie de droit que lui confère justement sa qualité d’associé; c’est parce qu’il est associé qu’il peut mettre fin au contrat de société par voie d’action en justice; d’autre part, la perte de la qualité d’associé dans une société anonyme résulte suivant l’article 764 de l’Acte uniforme relatif aux droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, d’une décision libre de l’associé; Que pourtant, en l’espèce l’assemblée générale extraordinaire ne parait pas avoir associé BOCOUM Amadou à la négociation de ses actions alors même que celui-ci n’a manifesté aucune intention de les céder; Qu’en tout état de cause, l’article 59 de l’Acte uniforme précité prévoit que « dans tous les cas ou est prévue la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société la valeur de ces droits est déterminée, à défaut d’accord amiable entre les parties, par expert désigné soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par décision de la juridiction compétente statuant à bref délai »; Qu’en l’espèce, en décidant de ne restituer à BOCOUM Amadou la valeur nominale de ses actions et non pas la valeur liquidative et surtout hors de tout consentement de celui-ci, l’assemblée générale n’a respecté aucune de ces prescriptions de sorte, que sa décision, à considérer désormais comme non avenue, ne peut nullement engager BOCOUM Amadou; Que dès lors l’exception d’irrecevabilité tenant au défaut de qualité doit être rejetée.
AU FOND
Attendu que l’article 200 l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique prévoit que la société commerciale peut prendre fin par l’effet de la « dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société »; Qu’en outre, l’article 736 du même acte uniforme dispose que « la société anonyme est dissoute pour les causes communes à toutes les sociétés dans les conditions et sous les effets prévus aux articles 200 à 202 du présent acte uniforme. La société anonyme est également dissoute, en cas de perte partielle d’actifs dans les conditions fixées aux articles 664 à 668 du présent acte uniforme »; Qu’il résulte de ces dispositions que la société anonyme peut être dissoute par décision de justice pour cause de mésintelligence entre associés.
Attendu que les défendeurs soutiennent que la société UTIB prise en ses organes a toujours fonctionné dans des conditions régulières; Que la mésintelligence, d’ailleurs imputable à BOCOUM Amadou, ne peut constituer un juste motif de dissolution de la société qui si elle paralyse son fonctionnement.
Attendu qu’en imputant ainsi la mésintelligence à BOCOUM Amadou, les défendeurs reconnaissent l’existence de cette mésintelligence; Que cela est d’autant plausible qu’il résulte des pièces du dossier que les parties en sont arrivées à porter des plaintes de part et d’autre ou, pour détournement de biens ou pour atteintes au droit de la personnalité; Que la mésentente a atteint des extrémités d’autant plus qu’il résulte des déclarations de SAWADOGO Issiaka contenues dans le procès-verbal de rencontre de Ouagadougou tenue par les membres de UTIB le 29 octobre 2006 que celui-ci s’est exprimé ainsi : « il faut que les responsabilités des uns et des autres sur le conflit qui déchire la société et a détruit les relations entre lui et son frère BOCOUM. »; « monsieur BOCOUM est allé jusqu’à proposé 20 millions à Abidjan pour faire arrêter Dramane et Kader afin de m’attirer à Abidjan et ainsi, je serai arrêté et assassiné par ses complices. Pourquoi monsieur BOCOUM tient-il tant à me faire tuer »; « Je n’ai jamais été informé d’une quelconque ristourne sur nos activités avec SITARAIL alors que 100 millions de ristournes étaient versées à COBOF »; Qu’il résulte de ces déclarations qu’en faisant état du « conflit qui déchire la société », des menaces d’atteinte à sa vie et des soupçons de détournement de fonds sociaux, SAWADOGO Issiaka décrit avec précision la gravité de la crise et le dysfonctionnement de la société que l’on peut constater par la démission du directeur général. Aussi, la paralysie est plus caractéristique dans la mesure ou BOCOUM Amadou que l’on considère comme n’étant plus associé n’est pas moins le bénéficiaire du contrat d’affrètement avec la SITARAIL; le retrait de son contrat prive absolument UTIB de son objet; subsidiairement, l’UTSC dont UTIB est l’émanation est en procédure de dissolution qu’au regard de cet atmosphère entre les associés, surtout les actionnaires majoritaires et du contexte de la crise, difficile d’imputer à un associé précis encore et surtout qu’elle procède d’accusations mutuelles, conduit inévitablement à la dissolution de la société.
Attendu que BOCOUM Amadou demande la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 1 000 000 FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; Que si une telle réclamation ne souffre pas dans son principe, il demeure que le montant apparaît excessif; Que le Tribunal dispose de moyens d’appréciation pour la ramener à des proportions acceptables en le fixant à 500 000 FCFA.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Vu les articles 200 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
Rejette l’exception de nullité de l’acte d’assignation et la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité de monsieur BOCOUM Amadou soulevées par les défendeurs.
Déclare recevable l’action de BOCOUM Amadou et la dit bien fondée en conséquence prononce la dissolution de la société Union des Transport Ivoiro-burkinabè (UTIB-SA).
Nomme SISSOKO Boubacar en qualité de liquidateur à l’effet de procéder aux opérations de la liquidation.
Condamne les défendeurs aux paiements de la somme de 500 000 FCFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Mets les dépens à la charge de la société UTIB-SA.