J-09-105
CCJA – COMPETENCE DE LA COUR AU REGARD DE L’ARTICLE 29 DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION : NON
S’il est vrai que l’article 29 de l’Acte uniforme précité dispose que « l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres exécutoires (..) », il ne ressort cependant nulle part des prescriptions dudit Acte uniforme, lequel contient aussi bien des règles de procédure que des règles de fond relatives aux matières qu’il régit, que pour la mise en œuvre de cet article, il faille déroger aux conditions normales de saisine et de compétence de la Cour de céans définies, en matière contentieuse, aux articles 13 et 14, alinéa 3, du Traité institutif de 1’OHADA. Ces articles ayant prévu, d’une part, que « le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties » et, d’autre part, que « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales~ », il y a lieu, en l’espèce, de constater que le présent recours, directement introduit devant la Cour de céans par APC et qui n’est dirigé contre aucune décision judiciaire contentieuse lui faisant grief et ayant appliqué ou interprété l’article 29 précité, ne satisfait pas aux conditions préalables de saisine et de compétence de celle-ci telles que spécifiées aux articles sus-énoncés. Il échet par suite de se déclarer incompétent et de renvoyer la requérante à mieux se pouvoir.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, C.C.J.A., Arrêt n 027/2008 du 30 avril 2008, Affaire : Société African Petroleum Consultants dite APC (Conseil : Maître Alice NKOM, Avocat à la Cour) contre ETAT du CAMEROUN (Conseils : – Maîtres KETTY NIABA-YAPOBI, Charles NGUINI, et SCPAMUNA, MUNA et Associés, Avocats à la Cour) Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 11, janvier-juin 2008, p. 19.
Pourvoi n : 057/2005/PC du 07/11/20 05.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C. C.J.A) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du30 avril2008 où étaient présents :
– Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président;
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge;
– Boubacar DICKO, Juge, rapporteur;
– et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier.
Sur le recours enregistré le 07 novembre 2005 au greffe de la Cour de céans sous le numéro 057/2005/PC et formé par Maître Alice Nkom, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 59, Douala, agissant au nom et pour le compte de la Société African Petroleum Consultants dite APC dont le siège est à Douala (CAMEROUN), BP 3727, dans la cause qui l’oppose à l’Etat du CAIIVIEROUN ayant comme conseils la SCPAMUNA, MUNA et Associés, Maître Charles NGUTNI, Avocats au Barreau du CAMEROUN et Maître KETTY NIABA-YAPOBI, Avocats près la Cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, Villa n 2224, angle rues J 92/47 Cocody 2 Plateaux, 09 BP 2726 Abidjan 09, recours expressément fondé sur l’article 29 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution énonçant que « l’ETAT est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres exécutoires [en l’occurrence, le Jugement d’exequatur n HCF/9 l/M200 1-2002 en date du 15 mai 2002 du Tribunal de grande instance du FAKO]. La formule exécutoire vaut réquisition de la force publique. La carence ou le refus de l’Etat de prêter son concours engage sa responsabilité ».
La requérante invoque à l’appui de son recours des « conclusions » annexées au présent arrêt et tendant à demander la condamnation pécuniaire, à son profit, de l’Etat du Cameroun pour refus par celui-ci de prêter son concours à l’exécution du Jugement d’exequatur ci-dessus spécifié.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à une opération de commande et d’achat de pétrole passée entre la Société Nationale de Raffinage du Cameroun dite SONARA et la Société African Petroleum Consultants dite APC, des difficultés sont apparues entre les parties; que le contrat de fourniture les liant ayant prévu à cet égard un règlement de différend par arbitrage au moyen d’une clause compromissoire insérée audit contrat, une procédure arbitrale eut effectivement lieu à Londres couronnée par une sentence arbitrale en date du 17 avril2002 condamnant la SONARA à payer à son cocontractant APC la somme totale de 2.724.800 USD; que par Jugement n HCF/91/M 2001-2002 rendu le 15 mai 2002, le Président du Tribunal de grande instance du FAKO accordait l’exequatur a ladite sentence, que suite a cette décision, APC entrait en exécution et procédait à des saisies-attribution de créances entre les mains de tiers, entre autres, SHELL CAMEROUN, au détriment de la SONARA; que toutefois, par deux courriers datés respectivement des 03 et 11 octobre 2002, les Parquets généraux des Cours d’appel du Sud Ouest et du Littoral invitaient la société SHELL CAMEROUN, tiers saisi, à surseoir à tout paiement au profit de APC, au motif qu’une procédure pénale est pendante contre celle-ci et son gérant Monsieur EKOLLO MOUNDI Alexandre; qu’en réaction à cette interdiction qui paralysait son action, APC saisissait la Cour de céans du présent recours fondé sur la violation de l’article 29 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et diligenté contre 1’Etat du Cameroun « pour refus de prêter son concours à l’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires »; qu’elle expose qu’en ordonnant des sursis et défenses à exécution dévolus-légalement aux Présidents des Cours d’appel et de la Cour Suprême, les Procureurs Généraux des Provinces du Sud-ouest et du Littoral ont engagé la responsabilité de l’Etat du Cameroun, amenant ainsi celui-ci à violer l’article 29 de l’Acte uniforme précité; qu’il apparaît dès lors, selon elle, que l’Etat du Cameroun a refusé de prêter son concours à l’exécution de décisions de justice et a même pris des mesures pour empêcher leur exécution; que la Cour de céans doit donc déclarer que l’Etat du Cameroun a violé les dispositions de l’article 29 précité; qu’en conséquence, elle doit ordonner audit Etat d’annuler, avec effet rétroactif~, les lettres litigieuses des deux Procureurs Généraux et ordonner également qu’il soit mis fin « à toutes les mesures arbitraires » diligentées à l’encontre de son gérant pour empêcher ou retarder l’exécution du jugement d’exequatur du 15 mai 2002 qui constitue un titre exécutoire dès lors qu’il n’est susceptible d’aucun recours; qu’elle sollicite notamment la réparation du préjudice que lui a ainsi causé l’Etat du Cameroun par la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de deux (2) milliards de francs CFA sous astreinte de dix (10) millions de francs CFA par jour.
Sur l’exception d’incompétence de la Cour de céans soulevée à titre principal par I’Etat du Cameroun
Attendu que par « mémoire en réplique » en date du 27 février 2006 reçu à la Cour de céans le 28 février 2006 et par « conclusions additionnelles portant sur les exceptions » en date du 11juin 2007 reçues à la Cour de céans le 31juillet 2007, l’Etat du Cameroun, défendeur, sous la plume de ses conseils, estime, d’une part, que la Cour de céans ne peut, sans outrepasser sa compétence ratio ne materiae, prononcer contre les Etats parties, en premier ressort de surcroît, des condamnations pécuniaires; que, selon lui, « il est clair » qu’on ne se trouve, dans le cas d’espèce, dans aucun cas de compétence prévu par l’article 14 du Traité institutif de 1’OHADA, la CCJA n’étant saisie ni comme juridiction de cassation, ni comme juridiction chargée de l’interprétation du Traité et des Actes uniformes; que la Cour de céans doit donc se déclarer incompétente en application dudit article 14 pour ordonner les mesures et les condamnations sollicitées par son adversaire; que d’autre part, l’Etat du Cameroun estime que l’action de APC est irrecevable aux motifs que dans sa requête datée du 20 octobre 2005 ayant saisi la Cour de céans, il n’est pas fait mention de ce que APC agit pour NIGERIAN National Petroleum Corporation pour le compte de qui elle prétend pourtant agir alors même que celui-ci dénie sans équivoque avoir donné quelque mandat que ce soit à cette fin- à APC, assimilant même son action à une manoeuvre frauduleuse; qu’ainsi, parce que la qualité est une condition d’existence de l’action, le défaut de qualité de APC donne lieu à une fin de non-recevoir; que par ailleurs, la sentence arbitrale dont se prévaut APC a été reformée par le même arbitre le 18 mars 2003, anéantissant ainsi tous les effets de celle précédemment prise par défaut à l’égard de la SONARA le 17 avril 2002; que APC et son promoteur EKOLLO MOUNDI Alexandre ont bien pris soin de dissimuler cette décision à la Cour de céans; qu’il s’agit en l’espèce d’un cas d’irrecevabilité tiré de l’autorité de la chose jugée, la demande renouvelée de APC à la CCJA se heurtant à l’irrecevabilité parce que « la chose demandée » est la même et que la demande est fondée sur « la même cause »; qu’en conséquence, au cas où, par extraordinaire, la Cour de céans retiendrait sa compétence, elle devrait déclarer irrecevable, pour défaut de qualité et en raison de l’autorité de la chose jugée, le recours introduit par APC.
Attendu que s’il est vrai que l’article 29 de l’Acte uniforme précité dispose que « l’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres exécutoires (..) », il ne ressort cependant nulle part des prescriptions dudit Acte uniforme, lequel contient aussi bien des règles de procédure que des règles de fond relatives aux matières qu’il régit, que pour la mise en oeuvre de cet article, il faille déroger aux conditions normales de saisine et de compétence de la Cour de céans définies, en matière contentieuse, aux articles 13 et 14, alinéa 3, du Traité institutif de l’OHADA; que ces articles ayant prévu, d’une part, que « le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties » et, d’autre part, que « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales », il y a lieu, en l’espèce, de constater que le présent recours, directement introduit devant la Cour de céans par APC et qui n’est dirigé contre aucune décision judiciaire contentieuse lui faisant grief et ayant appliqué ou interprété l’article 29 précité, ne satisfait pas aux conditions préalables de saisine et de compétence de celle-ci telles que spécifiées aux articles susénoncés; qu’il échet par suite de se déclarer incompétent et de renvoyer la requérante à mieux se pouvoir.
Attendu que la Société African Petroleum Consultants dite APC ayant succombé, doit être condamnée au dépens;.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Se déclare incompétente.
Renvoie la requérante à mieux se pourvoir.