J-09-112
Voies d’exécution – saisie-attribution – domiciliation de marché à la banque – saisie des sommes domiciliées – saisie pratiquée sur des créances n’appartenant pas au débiteur – mainlevée de la saisie (OUI) – délai de grâce (NON) – ARTICLE 153 AUPSRVE – ARTICLE 1134 code civil applicable au Niger.
Si aux termes de l’article 153 de l’AUPSRVE, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du tiers-saisi, dès lors que les sommes saisies ne sont pas la propriété du débiteur, mais de la banque bénéficiaire d’une domiciliation irrévocable du marché.
Cour d’Appel de Niamey, arrêt de référé n 110 du 5 novembre 2003, affaire Banque S. et ELH N.A. c/ Office O et CCA.
Cour d’appel de Niamey, Niger
Audience des référés du 05 novembre 2003.
Arrêt n 110 du 05/11/2003.
La Cour d’Appel de Niamey, statuant en matière de référé en son audience publique du cinq novembre deux mille trois, à laquelle siégeaient MM. ABDOURAHAMANE GHOUSMANE, Conseiller à la Cour d’Appel de Niamey, PRESIDENT; EMILIEN ABDOURAHAMANE BANKOLE et ISSA WASSEYE, tous deux Conseillers à ladite Cour, MEMBRES; et avec l’assistance de Me ISSIFI AICHATOU MAMANE, Greffière.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
SONIBANK : concluant à l’audience par l’organe du Cabinet MANOU KIMBA et la SCPA MANDELA, Avocats à la Cour, ses conseils constitués.
ELHADJ NASSIROU AMBOUKA : concluant à l’audience par l’organe de Me Karimou NIANDOU, Avocat à la Cour, son conseil constitué.
APPELANTS.
D’une part.
ET :
OPVN : concluant à l’audience par l’organe de la SCPA YANKORI-DJERMAKOYE-YANKORI, Avocats à la Cour, son conseil constitué.
INTIME.
D’autre part.
CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES : concluant à l’audience par Me CISSE Ibrahim, Avocat à la Cour, son conseil.
INTIME encore.
D’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves de fait et de droit.
LA COUR
EN LA FORME
Attendu que par exploits respectivement datés du 3 et 8 juillet 2003, la SONIBANK et ELH Nassirou AMBOUKA ont interjeté appel contre l’ordonnance de référé rendue le 02/07/2003 par la vice-Présidente du Tribunal Régional de Niamey.
Attendu que lesdits appels sont intervenus dans les forme et délai prescrits par la loi; qu’il y a lieu de les déclarer recevables.
AU FOND
Sur la régularité de l’ordonnance attaquée
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure et des débats à l’audience, que le 12/12/2002, ELH Nassirou AMBOUKA sollicitait de la SONIBANK, une avance sur marché à hauteur de 130 000 000 FCFA pour achat et livraison de 1 000 tonnes de mil au profit de l’OPVN.
Attendu que SONIBANK marquait son accord, mais à condition de bénéficier d’une domiciliation irrévocable de règlements de ELH Nassirou AMBOUKA par la Cellule des Crises Alimentaires; que ladite domiciliation étant intervenue le 30/12/2002, cette dernière attribuait le marché n 10/FSA/2002/SN à ELH Nassirou, qui livrait les 1 000 tonnes les 23 janvier et 21 avril 2003, comme convenu.
Mais, attendu que l’OPVN, qui était muni d’un titre exécutoire relatif à un autre marché que n’avait pas honoré ELH Nassirou AMBOUKA, pratiquait entre les mains de la Cellule des Crises Alimentaires, une saisie-attribution des « avoirs » de ce dernier.
Attendu qu’informée de ladite saisie qu’elle estimait irrégulière, la SONIBANK saisissait le juge des référés du Tribunal de Niamey, pour en demander mainlevée; que celui-ci déclarait sa requête et celle de ELH Nassirou AMBOUKA, irrecevables suivant ordonnance n 156 en date du 02/07/2003 dont appel.
Attendu que pour déclarer la requête de SONIBANK et la demande de ELH Nassirou AMBOUKA irrecevables, le 1er juge a écrit que la saisie-attribution a été faite entre les mains de SONIBANK, le 12/05/2003, « que la dénonciation au débiteur saisi a été faite le 19/05/2003 ».
Mais, attendu en réalité, que la saisie a été pratiquée entre les mains de la Cellule des Crises Alimentaires, comme l’atteste la lettre n 0510/Cab/PM/CCA en date du 19/06/2003 du Directeur de Cabinet du Premier Ministre au Directeur Général de la SONIBANK.
Attendu qu’en présentant les faits comme il l’a fait, le 1er juge les a dénaturés.
Attendu, par ailleurs, que l’ordonnance attaquée n’est pas suffisamment motivée.
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que la dénaturation des faits et l’insuffisance des motifs constituent une violation de la loi, dont la conséquence est l’annulation de la décision de justice de laquelle ils résultent.
Sur la mainlevée des saisies
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte uniforme sur la PSRVE, « tout créancier, muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour obtenir paiement, saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent ».
Attendu en l’espèce, qu’il n’est pas contesté qu’ELH Nassirou AMBOUKA doit la somme de 98.048.562 FCFA à l’OPVN; que suite au marché qu’il a signé avec la Cellule des Crises Alimentaires, une somme de 140.260.200 FCFA doit être virée dans son compte logé à la SONIBANK.
Mais, attendu que celle-ci, qui a permis la signature dudit marché, a pris la précaution de se faire octroyer une domiciliation irrévocable, pour être seule et unique propriétaire de la somme qui sera virée par la Cellule des Crises Alimentaires, au profit de ELH Nassirou AMBOUKA.
Attendu qu’aux termes de l’article 1134 du Code Civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise… »; qu’il ressort de la convention signée entre SONIBANK et ELH Nassirou AMBOUKA, à savoir la domiciliation irrévocable, que la somme qui sera virée par la Cellule des Crises Alimentaires dans le compte de la SONIBANK, de celui-ci devient la propriété exclusive de la SONIBANK; qu’il ne s’agit pas d’une simple opération bancaire, comme le soutient le Conseil de l’OPVN; qu’en plus, c’est parce qu’elle savait que la somme de 140.260.20 FCFA est devenue propriété de la SONIBANK, que la Cellule des Crises Alimentaires a informé celle-ci et non ELH Nassirou AMBOUKA, de la saisie qui a été pratiquée entre ses mains.
Attendu, par ailleurs, qu’ELH Nassirou AMBOUKA a lui-même déclaré à l’audience, que la somme saisie n’est plus sa propriété.
Attendu que par voie de conséquence, il y a lieu de déclarer illégale la saisie pratiquée entre les mains de la Cellule des Crises Alimentaires et d’en ordonner mainlevée.
Sur le délai de grâce :
Attendu que ELH Nassirou AMBOUKA sollicite de la Cour, qu’il lui soit accordé un délai de grâce pour payer la créance de l’OPVN.
Mais, attendu qu’il ne rapporte aucun élément de preuve attestant de son insolvabilité; qu’il y a lieu de rejeter sa demande, comme étant non fondée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort :
Reçoit les appels de la SONIBANK et de ELH Nassirou AMBOUKA comme réguliers en la forme.
Annule l’ordonnance n 156 du 02/07/2003 pour violation de la loi.
Evoque et statue à nouveau
Reçoit la SONIBANK en sa demande.
Ordonne la mainlevée de la saisie pratiquée sur la somme de 140.260.200 FCFA entre les mains de la CELLULE DES CRISES ALIMENTAIRES.
Reçoit ELH Nassirou AMBOUKA en sa demande de délai de grâce.
AU FOND
La rejette.
Rejette enfin toute autre demande.
Condamne l’OPVN et ELH Nassirou AMBOUKA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Niamey, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé : le Président et le Greffier.