J-09-114
Bail commercial – bail professionnel – rupture du bail – reprise de l’immeuble par le bailleur pour habitation – renouvellement du bail – demande de renouvellement (NON) – déchéance du droit au renouvellement (OUI) – ARTICLE 91 AUDCG – ARTICLE 92, alinéas 1, 2 et 3 AUDCG.
Depuis l’avènement de l’AUDCG, le droit au renouvellement du bail n’est plus automatique; il s’exerce désormais dans les conditions obligatoires de l’article 92, alinéas 1 à 3 de l’AUDCG.
Ainsi, lorsque le bail avait été rompu à l’amiable alors que le bailleur avait repris l’immeuble pour y habiter, et qui l’a ensuite libéré pour le louer à un autre locataire, doit être déclaré déchu du droit au renouvellement du bail, le précédent locataire qui ne prouve pas qu’il a formé sa demande de renouvellement par acte extrajudiciaire, trois mois avant l’expiration de la période en cours.
Tribunal Régional de Niamey, jugement civil n 084 du 3 mars2004, affaire P.K.F. c/ A.B.
Tribunal Régional de Niamey
Audience publique ordinaire du 3 mars2004
Le Tribunal Régional de Niamey, en son audience publique ordinaire du trois mars deux mil quatre, tenue pour les affaires civiles par Monsieur SOULEY ETOUBOU, Juge au Tribunal, PRESIDENT, assisté de Maître ILLIASSOU AMADOU, GREFFIER, a rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
cabinet pannell kerr forster (PKF), BP 12140 Niamey, représenté par le Chef de Bureau A. GALADIMA Daniel, assisté de Maître Mounkaïla YAYE, Avocat à la Cour.
DEMANDEUR, d’une part.
ET
monsieur abdourahamane boubacar, représenté par Amadou Boubacar WANKOYE, BP 12014 Niamey, assisté de la SCPA YANKORI-DJERMAKOYE-YANKORI, Cabinet d’Avocats associés à la Cour.
DEFENDEUR, d’autre part.
Par exploit de Maître Moussa Sounna SOUMANA, Huissier de justice à Niamey, le Cabinet PANNELL Kerr Forster (PKF) a assigné Monsieur Abdourahamane BOUBACAR devant le Tribunal Régional de Niamey, pour :
s’entendre dire et juger qu’il a commis un abus de droit de reprise.
s’entendre condamner à payer à PKF, la somme de 40 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.
voir ordonner l’exécution provisoire du jugement, nonobstant toutes voies de recours.
s’entendre condamner aux dépens.
LES FAITS
Attendu que le 8 novembre 1991, un contrat de location d’un immeuble à usage professionnel fut conclu entre Abdourahamane BOUBACAR, représenté par son frère Amadou BOUBACAR, et le Cabinet PANNELL KERR FORSTER pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, régulièrement et successivement reconduit jusqu’au 20 novembre 2002, date à laquelle Abdourahamane BOUBACAR adressait à PKF, une lettre par laquelle il mettait fin à leur contrat et les invitait à quitter les lieux, qu’il compte transformer en domicile personnel dans un délai de trois mois.
Attendu que le Cabinet PANNELL KERR FORSTER soutient que Abdourahamane BOUBACAR ne saurait ignorer que le bail qui les lie est un bail commercial dont le refus du renouvellement, a fortiori la résiliation, expose le bailleur au paiement d’une indemnité d’éviction, conformément à l’ARTICLE 94 du Traité OHADA, aux termes duquel « le bailleur peut s’opposer au droit du renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, en réglant au locataire, une indemnité d’éviction ».
Attendu que Abdourahamane BOUBACAR est un ressortissant nigérien résidant en Côte d’Ivoire; que c’est la raison pour laquelle, même lors de la conclusion du bail avec le Cabinet PANNELL KERR FORSTER, il était représenté par son frère Amadou BOUBACAR.
Que lorsque courant année 2002, la Côte d’Ivoire plongeait dans une période d’insécurité, il fut contraint en toute urgence de regagner le Niger avec toute sa famille, et manifesta donc son intention de reprendre l’immeuble objet du bail en date du 8 novembre 1991, pour y habiter et loger sa famille; qu’eu égard aux raisons avancées par le propriétaire, le preneur (PKF) accepta sans empêcher de libérer les lieux.
Que donc, le bail a pris fin à l’amiable.
Que PKF n’eut aucune difficulté à se réinstaller, puisqu’elle a eu la chance de trouver un local à proximité.
Discussion
Sur la nature du bail
Attendu qu’en l’espèce, il ne s’agit pas de bail commercial stricto sensu, mais bien d’un bail professionnel auquel le législateur OHADA a voulu faire bénéficier du statut des baux commerciaux.
Que la commercialité de l’activité est déterminante.
Sur les circonstances de la rupture
Attendu que Abdourahamane BOUBACAR a vécu dans sa maison pendant cinq mois, et lorsque la situation s’est normalisée en Côte d’Ivoire, il a regagné ce pays pour y reprendre son travail; que c’est en ce moment que la société FORACO, qui venait à peine de s’installer au Niger, saisit cette opportunité pour reprendre cet immeuble à bail par contrat en date du 10 mai 2003.
Il résulte de cette analyse des faits, que la réclamation de PKF est manifestement mal fondée, d’une part, en raison de la déchéance du droit au renouvellement et au caractère amiable de la résolution du bail consenti à PKF, et d’autre part, en l’absence de préjudice subi eu égard à la nature de l’activité de PKF.
Attendu que pour que l’action de PKF prospère, il faut qu’il démontre qu’il bénéficie bien du droit au renouvellement du bail.
Attendu en effet qu’il résulte des dispositions de l’article 91 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général : » le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue à celui-ci pendant une durée minimale de deux ans »
Attendu que depuis l’avènement de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, ce droit au renouvellement n’est plus automatique; il s’exerce désormais dans les conditions obligatoires définies à l’ARTICLE 92 al. 1, aux termes duquel, « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail peut demander le renouvellement de celui-ci par acte extrajudiciaire, trois mois au plus tard avant l’expiration du bail »
Que l’ALINÉA 2 du même texte dispose : « le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai, est déchu du droit au renouvellement du bail »; de même, l’ALINÉA 3 précise que : « le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail, est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail ».
Attendu en l’espèce, que PKF ne prouve pas qu’il a formé sa demande de renouvellement par acte extrajudiciaire (exploit d’huissier) trois mois avant l’expiration de la période en cours, c’est-à-dire au plus tard le 15 octobre 2003, la bail expirant le 15 janvier 2004.
Il résulte de tout ce qui précède, que PKF doit être déclaré déchu du droit au renouvellement du bail, et d’en tirer les conséquences.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort :
Reçoit le Cabinet PANNEL KERR FORSTER et Abdourahamane BOUBACAR en leurs requêtes comme étant régulières en la forme.
AU FOND
Constate qu’en vertu des articles 91 et 92 ALINÉA 2 du Code OHADA, P.K.F. est déchu du droit au renouvellement du bail liant les parties.
EN CONSEQUENCE
Déboute P.K.F. de sa demande d’indemnité d’éviction.
Rejette toutes les autres demandes de P.K.F.
Le condamne aux dépens.
Avis d’appel : 2 mois
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé : le Président et le Greffier./-