J-09-118
Procédures collectives d’apurement du passif – fixation de la date de cessation des paiements – jugement d’ouverture – appel de la décision – saisine du tribunal pour fixer à nouveau la date de cessation des paiements – compétence du tribunal (NON) – effet dévolutif de l’appel – principe d’ordre public pour lequel l’OHADA n’a pas de compétence législative – ARTICLE 34 ALINÉA 3 AUPCAP – ARTICLE 88 AUPCAP.
Même si l’article 34 alinéa 3 de l’AUPCAP dispose que la juridiction compétente peut modifier, dans les limites fixées au précédent alinéa, la date de la cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture, on ne peut en conclure que la saisine du tribunal puisse se faire en méconnaissance des règles d’organisation judiciaire, et notamment, celles régissant l’appel et ses effets, qui sont des principes d’ordre public pour lesquels l’OHADA n’a pas compétence législative pour en modifier les règles.
Tribunal Régional de Niamey, jugement civil n 141 du 7 mai 2003, affaire El Hadji Mamane Zinguile c/ COMANI et Youssou Bachirou, syndic de liquidation.
Audience publique ordinaire du 7 mai 2003
Le Tribunal Régional de Niamey, en son audience publique ordinaire du sept mai deux mil trois, tenue pour les affaires civiles par Monsieur GAYAKOYE SABI ABDOURAHAMANE, Juge au Tribunal, Président; assisté de Maître ILLIASSOU AMADOU, Greffier; a rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
elhadji mamane zinguile, Commerçant domicilié à Maradi, représenté par Maître Mano SALAOU, Avocat à la Cour.
DEMANDEUR.
D’une part.
ET
1 ) comani s.A.
2 ) youssou bachirou, Syndic de liquidation.
Tous deux représentés par Maître YAYE Mounkaïla, Avocat à la Cour.
DEFENDEURS.
D’autre part.
Par exploit d’huissier du 1er juillet 2002, puis par requête aux fins d’abréviation des délais, Elhadji Mamane ZINGUILE, commerçant domicilié à Maradi, assisté de Maître Mano SALAOU, Avocat à la Cour, a fait assigner Monsieur Youssou BACHIROU, ès qualité de syndic de la liquidation de la société COMANI SA., à l’effet d’obtenir le report de la date de cessation des paiements de ladite société au 21 mars2000.
Le demandeur expose que par jugement n 49 rendu le 27/02/2002, le tribunal régional de Niamey avait prononcé la liquidation judiciaire de COMANI SA et omis de fixer la date de cessation de payer au 21 mars2000, de telle sorte que celle-ci est réputée avoir pris effet à la date du jugement, conformément à l’ARTICLE 34 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives. Il poursuit que COMANI SA étant manifestement insolvable depuis le 21 mars2000, date à laquelle il lui avait signifié l’arrêt de condamnation à lui payer sa créance, il sollicite à nouveau et conformément aux dispositions de l’ARTICLE 34-3, le recul à son profit, de la date de cessation de paiement.
Par conclusions du 05 novembre 2002, Maître YAYE Mounkaïla, Conseil de COMANI SA, soulève in limine litis l’incompétence du tribunal. Subsidiairement, il demande le rejet des prétentions du requérant, pour violation des dispositions des articles 34 et 88 de l’Acte uniforme portant sur les procédures collectives d’apurement du passif. A défaut, il sollicite que la date de cessation des paiements soit fixée au 27 février 2002.
Pour justifier l’incompétence du tribunal, COMANI SA soutient qu’en vertu de l’appel interjeté par le demandeur contre le jugement d’ouverture de la liquidation, seule la Cour d’Appel, et en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, serait compétente pour statuer sur les prétentions émises, le premier juge étant dessaisi de ce fait.
Au fond, COMANI estime que la date de cessation des paiements fixée par la décision d’ouverture de la procédure collective, ou une décision postérieure, était irrecevable dès l’expiration du délai d’opposition prévu à l’ARTICLE 88 de l’Acte uniforme précité. Cette date, poursuit-il, ne saurait au demeurant, être antérieure de plus de 18 mois au prononcé de la décision.
Par notes versées en cours de délibéré, le demandeur maintient ses prétentions.
Il rejette l’exception de compétence soulevée, au motif que l’ARTICLE 34 ALINÉA 3 de l’Acte uniforme précité, prévoit que « la juridiction compétente peut modifier, dans les limites fixées au précédent alinéa, la date de la cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture ».
Il conclut qu’en tout état de cause, l’effet dévolutif de l’appel ne porterait que sur les seuls points où le premier juge se serait prononcé sur la date de cessation des paiements, malgré la demande qui lui avait été faite. Il poursuit en relavant que ses conclusions d’appel n’étant pas connues de son adversaire, qui n’avait pas fait d’appel incident, on ne saurait présumer que son appel avait pour objet la date de cessation de paiement.
Selon d’autres arguments exposés par le demandeur, et notamment l’urgence caractérisant les procédures collectives, le demandeur soutient que l’incompétence soulevée ne saurait être admise et que le tribunal devrait statuer, surtout que l’appel a été interjeté hors délai.
Concernant la forclusion relevée par COMANI SA et qui résulterait de l’ARTICLE 88 de l’Acte uniforme, le demandeur soutient que celle-ci ne s’appliquerait qu’aux créanciers revendiquant, qui n’auraient pas déposé leur état de créance avant la date de clôture prévue par la loi.
A propos de la date de cessation des paiements, le demandeur sollicite son recul à la date du 27 août 2000, conformément à l’ALINÉA 2 de l’ARTICLE 34 de l’Acte uniforme.
Attendu qu’il convient d’abord de statuer sur l’incompétence soulevée, et ensuite, s’il y a lieu, sur le fond.
Attendu que COMANI SA soutient l’incompétence du tribunal, au motif que le demandeur avait interjeté appel de sa décision rendue le 27 février 2002, et qu’en vertu de l’effet dévolutif, le premier juge serait dessaisi; que pour sa part, Mamane ZINGUILE estime que le premier juge demeure toujours compétent, d’une part, en vertu des dispositions de l’ARTICLE 34 al. 3 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, d’autre part, parce que le motif de son appel ne peut être présumé comme portant sur la date de cessation des paiements; qu’enfin, l’urgence instituée par le législateur OHADA ne peut s’opposer à la saisine du premier juge.
Attendu que le demandeur, par exploit du 3 mai 2001, avait saisi le tribunal régional de Niamey, afin qu’il constate la cessation des paiements de COMANI SA au jour de la signification de l’arrêt de condamnation, soit le 21 mars2000, de prononcer la mise en liquidation et nommer les organes chargés d’y procéder; que par jugement en date du 27 février 2002, le tribunal a statué sur tous les chefs de demande, sauf celui concernant la date de cessation des paiements; que Mamane ZINGUILE, 45 jours après, a interjeté appel de ladite décision; que par requête du 01/07/2002, il introduisait devant le tribunal, une nouvelle demande tendant à obtenir toujours le recul de la date de cessation des paiements.
Mais, attendu que même si l’ARTICLE 34 ALINÉA 3 de l’Acte uniforme précité dispose, comme le soutient le demandeur, que : « la juridiction compétente peut modifier, dans les limites fixées au précédent alinéa, la date de cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture… », on ne peut conclure que la saisine du tribunal puisse se faire en méconnaissance des règles d’organisation judiciaire, et notamment, celles régissant l’appel et ses effets, qui sont des principes d’ordre public pour lesquels l’OHADA n’a pas compétence législative pour en modifier les règles; que par conséquent, en cas d’appel, l’effet dévolutif en dessaisit le premier juge; que manifestement, le demandeur a opté pour la saisine du tribunal, de ses propres aveux même, que parce qu’il était forclos en son appel; que le motif de l’appel qu’il tend à dissimuler ne peut porter que sur le recul de la date de cessation des paiements au sujet de laquelle le premier juge avait omis de statuer, cause que seul le premier juge d’appel peut réparer, et non une seconde saisine de la première juridiction, qui ne peut que se déclarer incompétente.
Attendu que Mamane ZINGUILE, qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
Se déclare incompétent.
Condamne Mamane ZINGUILE aux dépens.
Ont signé le Président et le Greffier, les jour, mois et an que dessus./-