J-09-120
Sociétés commerciales – qualité d’associé – droits liés à cette qualité – retrait des actions – perte de la qualité d’associé (OUI) – perte des droits liés à cette qualité (OUI) – qualité et intérêt pour agir (NON).
Pour agir en justice, le requérant doit non seulement avoir qualité, mais également intérêt pour agir. L’intérêt pour agir s’entend pour le plaignant, par l’atteinte à un droit subjectif ou même une règle de droit subjectif qu’il devra impérativement justifier pour que son action soit déclarée recevable.
Dès lors, l’associé qui retire, de son propre chef, et par acte notarié, toutes ses actions de la société, a perdu sa qualité d’associé et de ce fait, les droits qu’il en tire. Il ne peut par conséquent, justifier d’aucun intérêt à agir de telle sorte que son action soit déclarée irrecevable.
Tribunal Régional Hors Classe de Niamey, jugement civil n 472 du 24 octobre 2001, E.M.J. c/ V.A.B.
Audience publique ordinaire du 24/10/2001
Le Tribunal Régional de Niamey, en son audience publique ordinaire du 24 octobre 2001, tenue pour les affaires civiles et commerciales par Monsieur GAYAKOYE SABI ABDOURAHAMANE, Juge audit Tribunal, Président; assisté de Me MAHAMAN LAOUALI DJIBRILLA, Greffier; a rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
edmond messan joseph, Gérant de société demeurant à Niamey, assisté de Maître Boureima IDRISSA, Avocat à la Cour.
DEMANDEUR.
D’une part.
ET
vincent athey bower, demeurant en Grande Bretagne, représenté par Maître Marc LEBIHAN, Avocat à la Cour.
DEFENDEUR.
D’autre part.
Par acte notarié du 03 septembre 1998, Messieurs Vincent Athey BOWER et Edmond Joseph MESSAN créaient une société à responsabilité limitée dénommée INTERTRANS TRADING LIMITED, avec un capital de 1 000 000 F divisé en 100 parts de 10 000 F chacune. M. BOWER, qui détenait 51 parts dudit capital, fut nommé gérant statutaire. Le 07 septembre 2000, il cédait 41 parts à son co-associé. Suite à une assemblée générale tenue le 14 février 200l et convoquée en vertu des dispositions de l’ARTICLE 337 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique, M. MESSAN fut révoqué de ses fonctions de gérant. Au cours d’une autre assemblée générale convoquée à la requête de M. MESSAN, et qui s’était tenue le 27 mars2001, ce dernier demandait la dissolution de la société I.T.L. L’actionnaire majoritaire M. BOWER refusa cette dissolution. Séance tenante, M. MESSAN produisait par acte authentique, une déclaration unilatérale de volonté par laquelle il déclarait se retirer de la société et réitéra de ce fait, la dissolution et la liquidation de plein droit de I.T.L.
Par exploits séparés des 30 marset 03 avril 2001, M. MESSAN assignait M. BOWER à l’effet, d’une part, de voir la société dissoute et liquidée, et d’autre part, de voir déclarer nulle la tenue de l’assemblée générale du 14 février 2001, et également, la décision de sa révocation et celle nommant Athey BOWER comme nouveau gérant.
Les conclusions de M. MESSAN relatives à l’irrégularité de l’assemblée générale du 14 février 2001 et à la nullité des décisions prises, étant rejetées par un premier jugement rendu le 24/10/2001, seule la requête relative à la dissolution de la société I.T.L. sera par conséquent examinée.
Dans ses premières conclusions du 30 mars200l, M. MESSAN sollicitait que la société I.T.L. soit déclarée dissoute et mise en liquidation. Il demandait en outre, l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Pour justifier sa demande de liquidation, M. MESSAN invoque les dispositions des articles 66 al. 2 et 368 al. 1 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciales et groupements d’intérêt économique, qui autorisent toute personne intéressée, à agir pour demander la dissolution d’une société, lorsque son capital venait à diminuer en dessous du minimum légal. Il fait valoir son retrait de la société I.T.L., qui du coup, a réduit son capital à 900 000 F, alors que le capital minimum que la loi exige pour une S.A.R.L., comme en l’espèce, est de 1 000 000 F.
En réponse aux conclusions de son adversaire, M. BOWER fait valoir au principal, deux fins de non-recevoir : l’une pour défaut de qualité et l’autre pour extinction de l’action en dissolution introduite par M. MESSAN.
Au fond, M. BOWER sollicite le rejet de la requête en dissolution de la société I.T.L.
Par demandes reconventionnelles, il sollicite également la condamnation de M. MESSAN à lui payer la somme de 25 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 5 000 000 F pour les frais et dépens de la procédure, et l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toutes voies de recours.
En réplique, M. MESSAN estime d’une part, que son action est recevable, au motif qu’il avait assigné M. BOWER non pas en tant que gérant, mais uniquement en sa qualité d’associé, du seul fait qu’il conteste sa qualité de gérant tant qu’une décision judiciaire ne l’a pas confirmée; que d’autre part, l’extinction de son action en dissolution invoquée par son adversaire ne saurait prospérer, dès lors que l’augmentation du capital n’a pas été faite corrélativement avec sa diminution, conformément à l’ARTICLE 368 de l’Acte uniforme OHADA, et qu’elle serait intervenue le 15/05/2001, alors même que la demande de dissolution était déjà introduite. Pour conforter son action en dissolution, M. MESSAN soutient la réduction en dessous du minimum légal comme motif et conformément à l’ARTICLE 66 al. 2 de l’Acte uniforme OHADA, et également, l’absence d’augmentation corrélative.
Sur les exceptions
Attendu que M. BOWER prétend que l’action introduite par M. MESSAN serait irrecevable, au motif qu’il n’a plus d’intérêt ni de qualité pour agir, du fait qu’il n’est plus associé, par le retrait de ses parts sociales de la société ITL; que ce dernier prétend néanmoins que son intérêt pour agir survivra tant que la dissolution de la société ne serait prononcée judiciairement.
Mais, attendu que pour agir en justice, le requérant doit non seulement avoir qualité, mais également intérêt pour agir; que l’intérêt pour agir s’entend pour le plaignant, par l’atteinte à un droit subjectif ou même à une règle de droit objectif qu’il devra impérativement justifier pour que son action soit déclarée recevable; qu’en l’espèce, M. MESSAN ayant retiré toutes ses actions de la société ITL le 23 mars2001, de son propre chef et par acte notarié, et saisi le tribunal le 30 mars2001, avait déjà perdu sa qualité d’associé, et de ce fait, les droits qu’il en tire de celle-ci; qu’il ne peut par conséquent, justifier d’aucun intérêt à agir, de telle sorte que son action sera déclarée irrecevable.
Sur les demandes reconventionnelles
Attendu que M. BOWER sollicite la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 25 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive; que néanmoins, celui-ci n’invoque aucun motif propre à justifier sa demande, de telle sorte que sa requête sera purement et simplement rejetée.
Attendu que le demandeur sollicite la somme de 5 000 000 F au titre des frais exposés du fait de la procédure; que s’il n’est pas contesté que le requérant a dû souffrir desdits faits, il n’en demeure pas moins que le montant de la requête paraît exagéré et qu’il ne serait pas inéquitable de lui accorder la somme de 500 000 F que M. MESSAN sera condamné à lui verser.
Attendu que M. BOWER sollicite enfin, l’exécution de la présente décision; que néanmoins, celui-ci ne justifiant d’aucun motif prévu à cet effet par l’ARTICLE 439 du Code de Procédure Civile, sa demande sera rejetée.
Attendu qu’il y a lieu de rejeter toutes les autres conclusions des parties.
Attendu que M. MESSAN, qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
Déclare M. Edmond Joseph MESSAN irrecevable en sa demande.
Le condamne à payer à M. BOWER la somme de 500 000 F (cinq cent mille francs) à titre de dommages et intérêts pour les frais exposés au titre de la procédure.
Rejette la demande de M. BOWER relative aux dommages et intérêts pour procédure abusive.
Rejette la demande d’exécution provisoire.
Rejette toutes autres conclusions des parties.
Condamne M. MESSAN aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Ont signé le Président et le Greffier.