J-09-132
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – INEXECUTION – RESILIATION – COMPETENCE – JUGE DES REFERES (NON).
1 DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – INEXECUTION – RESILIATION – CONDITIONS – MISE EN DEMEURE COMPORTANT CERTAINES MENTIONS – ABSENCE DES MENTIONS EXIGEES – NULLITE DE LA RESILIATION
2 DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – PROCEDURE – RESILIATION JUDICIAIRE PREALABLE A L’EXPULSION.
1 Si la résiliation du bail commercial doit être nécessairement prononcée par voie judiciaire, la compétence pour ce faire appartient au juge de fond et non au juge des référés. Lorsque celui-ci est saisi, il doit se déclarer incompétent.
2 La résiliation du bail commercial doit être obligatoirement précédée d’une mise en demeure comportant certaines mentions énumérées par la loi. Le non respect de cette procédure ou l’absence des mentions exigées vaut absence de mise en demeure et emporte nullité de la procédure de résiliation. En l’espèce, la sommation servie au locataire ne comportait pas toutes les mentions exigées par l’article 101 AUDCG et indiquait un délai de 8 jours alors que le délai légal est d’un mois.
3 Le juge ne peut prononcer l’expulsion d’un locataire commerçant qu’après avoir préalablement prononcé la résiliation du contrat de bail.
Cour d’Appel du Littoral, arrêt N 69/REF du 09 avril 2008, affaire Société CORELIS SARL contre NGANNE Jacques.
LA COUR
Vu l’ordonnance de référé N 514 rendue par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Vu l’appel interjeté le 30 octobre 2006 par la Société CORELIS SARL.
Ouï Monsieur le Président en la lecture de son rapport.
Ouï les parties en leurs dires et explications.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que suivant requête en date du 26 octobre 2006 reçue au Greffe de la Cour d’appel de céans le 30 octobre 2006 et enregistrée sous le N 109, la Société CORELIS SARL dont le siège social est à Douala, quartier Bonamikano-Bonaberi, représentée par son directeur général Charles René NDOUMBE, ayant pour conseil Prosper NDOM BATAT, Avocat au Barreau du Cameroun BP 12389 Douala, a interjeté appel de l’ordonnance N 514 rendue le 25 septembre 2006 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo dans la cause qui l’oppose à NGANNE Jacques.
Considérant que cet appel intervenu moins de quinze jours après la signification- commandement qui lui a été servie le 25 octobre 2006 par Maître Victor TEKEU, huissier de justice à Douala est régulier pour avoir été fait suivant les forme et délai prescrits par la loi.
Qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que l’appelante fait grief au jugement attaqué d’avoir violé l’article 101 de l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général et d’avoir méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée.
Qu’il sollicite par conséquent que l’ordonnance querellée soit infirmée et que statuant à nouveau, la Cour d’Appel de céans déboute NGANNE Jacques de sa demande comme étant non fondée.
Considérant qu’au soutien de son appel la Société CORELIS SARL développe que pour ordonner son expulsion du local qu’elle occupait en vertu d’un contrat de bail, le premier juge s’est appuyé sur un exploit de sommation de payer dressé le 29 novembre 2005 par Maître Guy EFON, Huissier de justice à Douala.
Que or, aux termes de l’article 101 de l’acte uniforme sus évoqué « le preneur est tenu de payer les loyers et de respecter les clauses et conditions du bail. A défaut du paiement des loyers ou en cas d’inexécution d’une clause du bail le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail ».
« Cette mise en demeure doit reproduire, à peine de nullité, les termes du présent article… ».
Que la mise en demeure est donc préalable et obligatoire avant toute demande de résiliation du bail commercial.
Qu’elle est différente de la sommation de payer qui lui a été servie le 29 décembre 2005, laquelle n’a pas reproduit du reste les dispositions de l’article 101 de l’acte uniforme sus évoqué.
Que cette prescription légale est d’ordre public de telle sorte qu’il était du devoir du juge des référés de l’évoquer d’office.
Qu’une mise en demeure irrégulière équivaut à l’absence d’une mise en demeure et rend nulle la décision subséquente d’expulsion du locataire commerçant.
Que l’ordonnance du premier juge a donc incontestablement violé la loi.
Qu’elle poursuit que cette sommation avait d’ailleurs été déclarée irrégulière suivant ordonnance N 329 du 21 avril 2006 du même juge des référés et qu’en se servant d’elle pour obtenir son expulsion sieur NGANNE a non seulement commis une fraude en dissimulant cette décision au juge, mais aussi il enfreint le sacro saint principe de l’autorité de la chose jugée.
Que cette ordonnance mérite donc d’être reformée.
Considérant que venant aux débats sieur NGANNE Jacques, agissant par le truchement de son conseil Maître ESSONO Elisabeth, Avocat au Barreau du Cameroun conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise du reste déjà exécutée à la suite du rejet des défenses à exécution sollicitées par l’appelante.
Qu’il soutient que contrairement aux allégations de la Société CORELIS SARL, les prescriptions de l’article 101 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général ont été scrupuleusement respectées, tant il est vrai qu’il lui a signifié une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail en dates des 18 mai et 28 septembre 2006.
Que c’est l’appelante qui a failli à ses obligations en tant que preneur en s’abstenant de payer ses loyers dont les arriérés se chiffrent à la somme de 4.998.000 francs majorée de celle de 332.085 francs à titre de frais soit au total 5.330 085 francs.
Que le défaut de paiement de loyer est une condition de résiliation du contrat de bail.
Qu’en outre leur contrat de bail avait une durée de soixante mois renouvelable par tacite reconduction et il est arrivé à son terme à la fin du mois de décembre 2006.
Que c’est à bon droit que le premier juge a ordonné l’expulsion de l’appelante des lieux loués.
Considérant que toutes les parties ont conclu par l’entremise de leur conseil.
Qu’il convient de statuer contradictoirement à leur égard.
Considérant que pour ordonner l’expulsion de la Société CORELIS SARL des locaux qu’elle occupait, le premier juge a indiqué qu’il résultait « des pièces produites au dossier notamment le contrat de location des lieux occupés par la Société CORELIS SARL, enregistré le 10 novembre 2005, l’exploit de sommation de payer du 29 novembre 2005 de Me Guy EFON, Huissier de justice à Douala et de la copie du titre foncier du sieur NGANNE Jacques que la Société CORELIS locataire de la villa de ce dernier n’a pas souscrit à l’obligation de payer les loyers depuis 2003 jusqu’à ce jour ».
Considérant qu’aux termes de l’article 101 de l’acte uniforme OHADA sus évoqué « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail ».
« . A défaut du paiement des loyers ou en cas d’inexécution d’une clause du bail le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire, un mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail ».
« Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de respecter les clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie… ».
Considérant que ce texte règle de manière définitive la procédure de résiliation d’un contrat de bail commercial.
Qu’il indique de manière péremptoire que la résiliation d’un tel contrat doit être judiciaire, c’est-à-dire qu’elle doit émaner d’une décision de justice, la force de l’autonomie de la volonté des parties ne pouvant s’exprimer qu’en accord avec ces prescriptions.
Qu’il précise en second lieu que la juridiction compétente doit d’abord prononcer la résiliation du bail ensuite l’expulsion du locataire défaillant et qu’avant de se prononcer elle doit s’assurer :
1 Que ce dernier a été mis en demeure par acte extrajudiciaire d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois.
2 Que cette mise en demeure a reproduit ses termes sous peine de nullité.
Qu’enfin cette loi prescrit un délai avant l’expiration duquel la décision de résiliation ne peut intervenir.
Considérant dans le cas d’espèce que nulle part dans l’ordonnance querellée, le premier juge ne s’est pas prononcé sur la résiliation du bail conclut entre les parties.
Que son embarras provient du fait qu’en temps que juge du provisoire, de l’évidence et de l’urgence, il ne pouvait ni interpréter, ni annuler, ni résilier un contrat de bail, question qui devait au préalable être tranchée avant toute décision sur la demande d’expulsion mais qui, par sa nature, échappe à la compétence du juge des référés.
Que même en admettant que l’inexécution d’une obligation contractuelle, en l’espèce le non paiement des loyers par le preneur, décharge l’autre partie de son obligation, le juge des référés aurait dû constater une telle résiliation et ne se prononcer sur l’expulsion qu’après s’être assuré que les autres conditions sus évoquées étaient remplies.
Que dans le présent cas la sommation de payer servie à CORELIS SARL le 29 novembre 2005 évoquée dans l’ordonnance querellée ne répond pas aux prescriptions d’ordre public sus évoquées.
Qu’elle ne reproduit pas les termes de l’article 101 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général, plutôt un délai de huit jours au lieu d’un mois au preneur pour payer ses arriérés de loyers.
Qu’en tout état de cause le juge des référés aurait dû se déclarer incompétent et faute pour lui de l’avoir fait il a fait une mauvaise lecture de la loi sus évoquée, exposant partant sa décision à la réformation.
Qu’il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau de se déclarer incompétente.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en appel, en dernier ressort, en formation collégiale et en matière de référé.
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND
Infirme la décision entreprise.
Statuant à nouveau.
Se déclare incompétente.
Renvoie les parties à mieux se pouvoir (…).