J-09-134
INJONCTION DE PAYER – CREANCE – CARACTERES – CERTITUDE (OUI) – EXIBILITE (OUI) – LIQUIDITE – FIXATION DU MONTANT DE LA CREANCE PAR LE JUGE.
En matière d’injonction de payer, une créance doit être considérée comme certaine dès lors qu’elle résulte d’un certain nombre d’éléments tels que la signature par le débiteur de sa situation de compte établie contradictoirement ou la reconnaissance de dette établie par ce dernier. L’exigibilité de la créance résulte pour sa part de la mise en demeure à lui adressée. Quant à la liquidité, il appartient au Tribunal de vérifier et au besoin de fixer le montant de la créance au regard des éléments de contestations apportés par le débiteur. Doit donc être infirmée la décision du juge qui a ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer querellée sans condamner le débiteur au paiement des sommes au créancier.
Article 14 AUPSRVE
Article 15 AUPSRVE
Cour d’Appel du Littoral, Arrêt N 107/CC du 1er septembre 2008, affaire Mr NTOUKAM Emmanuel contre Sté des entreprises de provenderie et d’élevage du Cameroun.
LA COUR
Vu le jugement N 007 rendu le 25 octobre 2005 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti.
Ouï monsieur le Président en la lecture de son rapport.
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que suivant requête en date du 22 novembre 2005 reçue au greffe de la Cour d’Appel de céans le même jour et enregistrée sous le N 209, sieur TOUKAM Emmanuel, commerçant domicilié à Douala ayant élu domicile en l’étude de Me NJOMBIE Flaubert, Avocat au Barreau du Cameroun BP 1009 Douala a interjeté appel du jugement N 007 rendu le 25 octobre 2005 par le Tribunal de Première Instance de Douala Ndokoti statuant en matière civile et commerciale.
Considérant qu’aux termes de l’article 15 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances « le délai d’appel est de 30 jours à compter de la date de la décision ».
Que cet appel est donc régulier pour avoir été fait suivant les forme et délai prescrits par la loi.
Qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que l’appelant fait grief au premier juge d’avoir rejeté son opposition alors même que la créance dont le recouvrement est poursuivi est incertaine et que NANA Pierre avec lequel il avait contracté au sujet de la vente des lots l’avait fait en son nom personnel et non à celui de la société EPEC SARL dont il était le gérant.
Qu’il sollicite donc que cette décision soit infirmée et que la Cour d’Appel de céans, statuant à nouveau, déboute la société EPEC SARL de sa demande en raison de l’incertitude de sa créance et la condamne aux dépens distraits au profit de son conseil Me NJOMBIE Flaubert, avocat aux offres de droit.
Considérant qu’au soutien de son appel sieur NTOUKAM Emmanuel expose.
Que le 03 septembre 1998 sieur NANA Pierre lui a versé une avance de 2.307.200 FCFA pour l’acquisition à titre personnel, d’une parcelle de terrain évaluée à la somme de 7.807.200 FCFA sis à NGODI BAKOKO.
Que le 02 Juin 1999, la société des Entreprises de Provenderie et d’élevage du Cameroun (EPEC) SARL lui restait redevable de la somme de 2.574.900 francs sur les 10.382.700 francs provenant de l’achat des produits et de la somme d’argent qu’elle lui avait versée.
Que cette lettre était muette sur les mouvements des diverses tranches réalisées, les dates et les N s des bordereaux de livraison des produits ainsi que les factures qu’elle lui aurait adressées.
Que même la sommation interpellative à lui servie le 18 juin 2004 n’était pas plus directe et elle évoquait des versements non prouvés d’un montant de 7.155 000 pour l’acquisition des lots de terrain alors que la requête aux fins d’injonction de payer faisait état d’une créance de 2.307.200 francs.
Que par ailleurs a-t-il poursuivi, cette sommation ne faisait état d’aucune réclamation comme étant le solde débiteur de ses engagements dans les livres de la susdite société.
Que pour lui, le premier juge a fait une confusion malheureuse entre les patrimoines de NANA Pierre, personne physique, et celui de la société EPEC SARL dont il était le gérant dès lors que l’avance de la somme de 2.307. 200 francs a été faite par le premier cité pour l’acquisition des lots de terrain pour son compte personnel.
Que c’est donc qu’une ordonnance d’injonction de payer a été délivrée à la société EPEC SARL pour recouvrer cette somme.
Considérant que venant aux débats, la société EPEC SARL, agissant par l’intermédiaire de son conseil Maître TCHOUMI, Avocat au Barreau du Cameroun conclut à la confirmation partielle du jugement entrepris sur le point du rejet de l’opposition de NTOUKAM.
Qu’elle sollicite l’infirmation de cette décision en ce qu’elle a ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer et que la Cour statuant à nouveau sur ce point, condamne l’appelant à lui payer la somme de 4.882.100 francs et aux dépens distraits au profit de son conseil sus nommé.
Qu’elle indique pour sa part qu’elle a obtenu une ordonnance d’injonction de payer pour le recouvrement de sa créance auprès de NTOUKAM Emmanuel portant la somme 4.882.100 francs dont 2.307.300 francs représentant le montant versé par son gérant NANA Pierre pour l’acquisition des lots N S3, 4, 5, 6 du Bloc 24 et 1, 2, 3, 4, du bloc 25 au lieu dit ARI Douala 3e.
2.574.900 francs représentant le solde de son compte dans ses livres tel qu’arrêté le 02 juin 1999 et résultant de la livraison à crédit des aliments pour le bétail.
Que cette créance est liquide en ce qu’elle est déterminée dans son montant, certaine en raison des reçus d’encaissement délivrés au représentant légal de la société ainsi que de l’arrêté du compte du 02 juin 1999 signé du débiteur.
Qu’elle est enfin exigible en raison de la sommation interpelative qui lui a été servie le 18 juin 2004 et restée sans effet.
Que les tergiversations de ce débiteur sur la qualité de NANA Pierre ne sont que révélatrices de sa mauvaise foi.
Considérant sur la qualité de NANA Pierre comme représentant légal de la société EPEC qu’il ressort des documents versés au dossier par NTOUKAM Emmanuel que celui-ci est toujours intervenu dans leurs transactions comme mandataire de cette société.
Que la situation du compte établie contradictoirement par les parties le 02 juin 1999 indique au bas de la page que c’est NANA Pierre qui avait signé par ordre du PDG pour la société EPEC SARL; $
Que la sommation interpelative adressée à l’appelant le 18 juin 2004 et à laquelle il a répondu sans réserve mentionne bien que « NANA Pierre agissait pour le compte de EPEC SARL ».
Que toutes ces indications démontrent à suffisance qu’il n’y avait aucune confusion en la personne du cocontractant de NTOUKAM Emmanuel.
Que ce dernier savait bel et bien qu’il traitait avec la société EPEC SARL à travers son mandataire légal NANA Pierre qui, du reste, n’a jamais revendiqué une quelconque créance personnelle vis-à-vis de NTOUKAM.
Que le moyen de défense tiré de la confusion de patrimoine ne peut donc pas prospérer.
Considérant en ce qui concerne la certitude de la créance que les documents sus évoqués sont éloquents à ce sujet.
Que NTOUKAM a reconnu avoir perçu une somme de 2.307.200 francs auprès de NANA Pierre le 03 septembre 1998 pour l’achat d’un terrain, il a approuvé par sa signature la situation de son compte dans les livres de la société EPEC SARL établie contradictoirement le 02 juin 1999 et enfin il a reconnu devoir de l’argent à sieur Jacob dans la sommation interpelative du 10 juin 2004.
Que cette mise en demeure par acte extrajudiciaire trace le seuil de l’exigibilité de la créance querellée.
Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Considérant en ce qui concerne la liquidité de la créance qu’aux termes de l’article 14 de l’acte uniforme OHADA N 6 « la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer ».
Qu’il appartient donc au Tribunal de vérifier et au besoin de fixer le montant de la créance au regard des éléments de contestations apportés par l’opposant débiteur.
Que c’est donc à tort que le premier juge a ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer querellées.
Qu’il convient dès lors d’infirmer sa décision sur ce point et de statuer à nouveau.
Considérant qu’il ressort de l’arrêté du compte du client NTOUKAM ouvert dans les livres de la société EPEC SARL établi contradictoirement le 02 juin 1999 que celui-ci restait redevable de la société sus visée de la somme de 2.574.900 (deux millions cinq cent soixante quatorze mille neuf cent) francs.
Qu’aucune preuve d’une transaction ultérieure intervenue entre les parties n’a été produite au dossier.
Qu’il y a don lieu de le condamner à payer cette somme à la société EPEC SARL.
Considérant que la partie qui succombe doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale et après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND
Infirme partiellement le jugement entrepris sur le montant de la créance.
Statuant à nouveau sur ce point.
Condamne NTOUKAM Emmanuel à payer la somme de 2.574.900 francs à la société EPEC SARL.
Déboute cette dernière du surplus de sa demande comme étant non fondée; (…)