J-09-135
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL – NON PAIEMENT DES LOYERS – DROIT AU RENOUVELEMENT (NON) – INDEMNITE D’EVICTION (NON).
Le droit au renouvellement du bail commercial ne peut pas être accordé au locataire qui ne s’acquitte pas de ses obligations essentielles à l’égard du bailleur notamment le paiement des loyers. Dès lors, bénéficie d’un motif légitime de non renouvellement de bail commercial et par conséquent n’est pas tenu du paiement de l’indemnité d’éviction, le bailleur qui prouve avoir, sans succès mis le locataire en demeure d’avoir à payer les loyers échus.
Cour d’Appel du Littoral, Arrêt N 129/CC du 03 Novembre 2008, AFFAIRE Mr MOUAFO CONTRE/ Dame DJOMOU née CHIMI POWO Micheline.
LA COUR
Vu le jugement N 262/CIV rendu le 13 Septembre 2006 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Vu l’appel interjeté par Monsieur MOUAFO en date du 28 Octobre 2006 contre le susdit jugement.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï monsieur le Président en son rapport.
Ouï les parties en leurs observations, fins et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que suivant requête du 28 Octobre 2006 reçue au greffe de la Cour d’Appel de céans le 05 Mars 2007 et enregistrée sur le numéro 736, MOUAFO couturier domicilié à Douala, ayant élu domicile en l’étude de Maître SOH Victor, Avocat au Barreau du Cameroun, a interjeté appel du jugement N 262 rendu le 13 Septembre 2006 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo dans la cause qui l’opposait à Dame DJOMOU née CHIMI POWO Micheline.
Considérant que cet appel intervenu avant la signification du jugement attaqué est régulier pour avoir été fait suivant les forme et délai prescrits par la loi.
Qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que l’appelant fait grief au jugement attaqué d’avoir reçu Dame DJOMOU en sa demande alors qu’elle n’avait justifié d’aucune qualité de même qu’elle n’a présenté qu’une déclaration verbale de location, document obtenu unilatéralement auprès du service fiscal de la place.
Qu’il sollicite donc que cette décision soit infirmée et que la Cour d’Appel de céans, statuant à nouveau, et à titre principal, déclare l’action de Dame DJOMOU irrecevable pour défaut de qualité et subsidiairement, qu’elle lui alloue une indemnité d’éviction suffisante pour réparer son préjudice au besoin après une expertise.
Considérant qu’il expose :
Que courant 1987, il a conclu un contrat de bail avec Dame Mariama EWE pour occuper la boutique N 157 sis au marché Congo à Douala où il devait exploiter un atelier de couture.
Qu’après le décès de cette dernière survenu en 2001, Dame DJOMOU s’est présentée comme étant la nouvelle bailleresse auprès de qui il devait dorénavant verser les loyers.
Qu’alors qu’il s’acquittait de cette obligation, il a reçu en date du 13 Mai 2002, une sommation des ayants droit de Dame Mariama EWE suivant exploit du ministère de Me BALENG MAAH l’enjoignant de leur verser les loyers dudit local, l’acte de vente de Dame DJOMOU étant attaqué à nullité.
Qu’au vu du statut des ayants droit, il a opté de leur verser les loyers après avoir dénoncé l’engagement contractuel verbal de Dame DJOMOU.
Que malgré l’intervention de l’autorité administrative venant aux côtés de la sus nommée et le mettant en demeure de verser les loyers entres les mains de celle-ci, il lui rappela qu’il était lié à Dame Mariama par un contrat écrit en date du 1er Février 2000.
Que saisie par Dame DJOMOU pour solliciter son expulsion en se fondant sur une déclaration verbale de location, le premier juge a curieusement fait droit à cette demande.
Qu’il estime que l’intimé ne jouissait d’aucune qualité pour obtenir son expulsion, n’étant ni propriétaire d’un titre foncier lui confiant des droits inébranlables sur l’immeuble, ni d’un contrat de bail écrit, la déclaration de location verbale qu’elle brandissait n’étant valable qu’au temps qu’elle était approuvée de toutes les parties.
Que subsidiairement il sollicite une indemnité d’éviction fondée sur l’article 91 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général qui reconnaît le droit au renouvellement du bail commercial à tout preneur qui a occupé les lieux pendant plus de deux ans.
Considérant que venant au débat, Dame DJOMOU née CHIMI POWO Micheline, agissant par l’entremise de son conseil Me FOTSO Apollinaire Avocat au Barreau du Cameroun, conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Qu’elle fait observer que contrairement aux allégations de l’appelant, elle a bel et bien qualité pour solliciter son expulsion du local qu’il occupait sans bourse délié, en tant que propriétaire de ce local qu’elle a acquis auprès des ayants droit de feu ALPHA qui l’ont d’ailleurs confirmé devant le premier juge.
Que MOUAFO reconnaît par ailleurs sa qualité de bailleresse en affirmant qu’il lu avait versé des loyers pendant quelques mois.
Que le défaut de titre foncier sur les lieux ne saurait remettre en cause sa qualité de bailleresse dès lors qu’il ne lui est nullement contesté la possession de ce local.
Qu’aux termes de l’article 2228 du Code Civil « la possession est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous même, ou par un autre qui le tient ou qui l’exerce en notre nom ».
Que c’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette fin de non recevoir.
Que s’agissant de la critique portant sur la déclaration verbale de location, Dame DJOMOU rétorque que le contrat de bail peu être écrit ou verbal et le leur a remplacé celui qui existait entre Dame Mariama EWE et lui étant donné qu’elle était devenue la nouvelle propriétaire du local en vertu du contrat de cession sus évoqué.
Qu’enfin, elle fait observer que les dispositions de l’article 91 de l’acte uniforme OHADA sus évoqué ne profitent qu’aux locataires de bonne foi qui respectent leurs obligations contractuelles.
Que l’appelant a reconnu lui-même n’avoir pas payé des loyers depuis 2002.
Que par ailleurs cette demande présentée pour la première fois en cause d’appel est irrecevable (…).
Considérant que toutes les parties ont conclu par l’entremise de leurs conseils respectifs.
Qu’il convient de statuer contradictoirement à leur égard.
(…).
Considérant sur les deux griefs soulevés dans l’acte d’appel à savoir le défaut de qualité de l’intimé et l’inconsistance de la déclaration verbale de location que ceux-ci ne sont pas décisifs.
(…).
Considérant en ce qui concerne la déclaration verbale de location qu’il s’agit d’un document fiscal permettant au juge de pallier à l’interdiction qui lui est faite par l’article 95 du Code de l’enregistrement de statut sur des actes non enregistrés, compte tenu du caractère verbal du contrat de bail sus évoqué.
Qu’il ne s’agit pas d’un contrat pour être soumis à l’exigence de l’accord des volontés mais plutôt d’une simple déclaration faite au service des impôts.
Que le moyen pris de l’inconsistance d’un tel document est spécieux.
Qu’il convient de le rejeter.
Considérant sur la demande d’indemnité d’éviction que contrairement aux allégations de l’intimé, celle-ci ne constitue pas une demande nouvelle en appel dès lors qu’elle se rattache à l’objet de la demande principale.
Que par contre si cette demande est recevable en la forme, son bien fondé est cependant sujet à caution.
Qu’en effet, aux termes de l’art 95 de l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général, « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité d’éviction…
1) S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant « ce motif doit consister, soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l’exploration du fonds de commerce.
« Ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser… ».
Considérant qu’il est acquis aux débats que depuis 2003 sieur MOUAFO n’avait plus versé des loyers à sa bailleresse.
Que le payement des loyers par le preneur constitue une obligation substantielle pour ce dernier.
Qu’il ressort du 5e rôle du jugement querellé qu’une sommation de payer avait été servie à sieur MOUAFO sans succès suivie d’un préavis de libérer.
Que le refus par dame DJOMOU de renouveler le bail était dès lors justifié par un motif légitime, lequel l’épargne par ailleurs du paiement d’une indemnité d’éviction à son locataire.
Considérant qu’il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise, l’appelant n’ayant apporté aucun élément consistant susceptible d’amener la cour à reformer le jugement.
Considérant que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale et après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND
(…).
Confirme le jugement entrepris.
Déboute MOUAFO de sa demande d’indemnité d’éviction.