J-09-137
1 DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – DUREE DU CONTRAT – CONTRAT A DUREE DETERMINEE – EXPIRATION DU CONTRAT – RENOUVELLEMENT ET PROROGATION DE LA DUREE-.
2 CONTRAT A DUREE DETERMINEE – INEXECUTION DU CONTRAT (NON) – RESILIATION (NON).
3 DROIT COMMERCIAL GENERAL – CONTRAT DE BAIL – CONTRAT EN COURS – INEXECUTION DU CONTRAT (NON) – RESILIATION DU CONTRAT ( NON) – CONCLUSION D’UN SECOND CONTRAT – NULLITE DU SECOND CONTRAT (OUI).
1 Lorsqu’un contrat de bail à durée déterminée est arrivé à terme mais a fait l’objet d’un renouvellement contenant des clauses de prorogation, la durée du contrat doit être déterminée en tenant compte de cette prorogation.
2 lorsqu’un contrat de bail est en cours et qu’aucune cause d’inexécution ne peut être relevée à l’encontre du locataire, le contrat de bail ne peut pas être considéré comme résilié. Dès lors, un second contrat conclu en méconnaissance de ce contrat doit être annulé.
Cour d’Appel du Littoral, ARRET N 083/CC DU 07 JUILLET 2008, AFFAIRE ÉGLISE EVANGELIQUE DU CAMEROUN REGION DU WOURI CONTRE SOCIETE FOKOU & FILS.
La cour
Vu la loi N 2006/15 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire de l’Etat.
Vu le jugement N 221 rendu le 27 septembre 2006 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Vu la requête d’appel en la date du 29 septembre 2006.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs conclusions respectives.
Ouï monsieur le Président du siège en son rapport.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que toutes les parties ont été régulièrement représentées par leurs conseils qui ont conclu.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard.
Considérant que par requête en date du 29 septembre 2006 reçue au greffe le même jour et enregistré sous le N 1293, l’Église Évangélique du Cameroun Région Synodale du Wouri-District de Bonaku paroisse Doualaphone du Centenaire, dont le siège social est à Douala, agissant poursuite et diligence de son Président, Révérend pasteur BOGO KWETE Jacques, conjointement avec le Révérend pasteur EKOUME EBENE Daniel et le conseil des anciens de l’Église, demeurant audit siège social, lesquels font élection de domicile en l’Étude de Maître Jacques Michel KOUO MOUDIKI, Avocat au Barreau du Cameroun BP 15050 Douala, a interjeté appel du jugement N 221 rendu le 27 septembre 2006 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo dans la cause qui l’opposait à la société FOKOU & FILS SARL.
Considérant que cet appel intervenu avant la signification dudit jugement est régulier pour avoir été interjeté dans les formes et délai prescrits par la loi.
Qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que l’appelante fait grief au premier juge d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits de la cause et une inexacte application de la loi en ce qu’il l’a condamnée à payer solidairement avec la société BABA Sarl la somme de 4.500 000 F CFA à la société FOKOU & FILS au titre de manque à gagner et frais accessoires, alors même que le contrat de bail dont se prévalait la société FOKOU & FILS était nul et de nul effet pour avoir été conclu alors que celui passé entre la société BABA SARL et elle était encore en cours et en violation de l’article 7 de la constitution de l’Église Évangélique du Cameroun d’une part et d’autre part ce contrat a été conclu avec la société FOKOU qui n’était pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier.
Que sur la base de ce contrat, la société FOKOU & FILS s’est installée sur les constructions occupées par la société BABA et FILS.
Considérant qu’au soutien de sa demande elle expose en substance qui suivant contrat sur seing privé en date du 12 Août 1999, ses représentants, le pasteur David EWANE et un comité d’ancien ont donné à bail à la société Baba Sarl, un local à usage commercial sis à la rue Pau, d’une superficie de 350 m² pour une durée de 3 ans qui expirait le 31 Août 2002.
Que suivant un autre acte sur seing privé en date du 12 Août 2000, les pasteurs BOGO KWETE Jacques & MOPOKO Max Prosper, assistés d’un comité d’anciens a prorogé la durée du bail avec la société Baba Sarl en précisant que le « propriétaire est libre de procéder à l’augmentation du loyer mensuel au début de chaque année et payable trimestriellement à compter du 31 Décembre 2003… » (Article 6) et en son article 7, ils ont indiqué que « le bail ne peut être renoncé par les parties qu’après une durée supplémentaire de cinq ans, à compter de 31 Décembre 2003… ».
Qu’un avenant a été apporté à ce contrat le 29 décembre 2003 indiquant que « le bail sera renouvelé pour une période de douze mois et par tacite reconduction d’année en année ».
Que cet avenant n’avait pour but que d’augmenter le loyer, en le faisant passer de 300 000 F CFA par mois sans changer le terme du bail fixé en l’an 2008, même si le renouvellement par tacite reconduction se faisait annuellement.
Que nanti de ce bail, qui expirait en 2008, la société BABA Sarl a conclu une sous location avec le P.F.S électronique pour une durée d’un an jusqu’en Avril 2002 et qui a été renouvelé par tacite reconduction jusqu’à nos jours.
Que le 03 Juillet 2004, l’Église Évangélique du Cameroun Paroisse du centenaire Douala a fait notifier à la société BABA Sarl la renonciation du bail du 12 Août 1999 en se référant à l’article 1er de l’Avenant du 29 décembre 2003 en faisant fi de l’article 7 de l’acte du 12 Août 2000 qui prolongeait la durée du bail à 2008.
Qu’en réaction, la société BABA Sarl a invité l’Église Évangélique, Paroisse de Douala Centenaire à la discussion sur la date d’échéance de bail à travers sa correspondance en date du 08 novembre 2004 remise au pasteur EKOUME EBENE Daniel, correspondance que celui-ci s’est gardé de révéler au Comité d’Anciens, chargé spécialement par la constitution à prendre les décisions relatives au patrimoine immobilier, mais va plutôt signifier un délai congé à la société BABA Sarl qu’il voulait évincer au profit de la société FOKOU & FILS Sarl.
Que suivant acte n 6930 du répertoire de Maître Martine NGASSEU TCHOKONDET, Notaire à Douala et date du 04 Août 2004, l’Église Évangélique du Cameroun paroisse du centenaire représentée par le susdit pasteur signait un contrat de bail avec la société FOKOU & FILS Sarl lequel prenait effet à compter du 1er Janvier 2005.
Que le 17 Janvier 2005, la société FOKOU & FILS a obtenu au nom de l’Église Évangélique du Cameroun l’ordonnance d’ouverture forcée des portes n 519 du juge des requêtes grâce à laquelle elle a prit possession des locaux encore occupés par la société BABA Sarl.
Que la société BABA Sarl qui reste locataire jusqu’en 2008 continue à verser ses loyers à l’Église Évangélique District de BONAKU, contrairement à la société FOKOU et FILS qui conserve les loyers par devers elle en invoquant la résistance de la société BABA Sarl qui refuse de libérer les lieux.
Que devant l’usurpation de son nom, elle a initié une procédure en référé d’heure à heure en Février 2005 à l’effet d’obtenir la rétractation de l’ordonnance gracieuse n 519 du 17 Janvier 2005 et suivant ordonnance N 254 rendue le 1er Mars 2005, le juge de référé du Tribunal de Première Instance Douala-Bonanjo a fait droit à cette demande, ordonnance confirmée par arrêt n 056/REF du 20 Février 2006 qui a par ailleurs ordonné l’expulsion de la société FOKOU & FILS Sarl des lieux litigieux.
Que la demande de sursis à exécution présentée au premier Président de la Cour Suprême a été rejetée suivant ordonnance N 543 du 28 Août 2006.
Que pour remettre de l’ordre dans la gestion de son patrimoine immobilier, elle a sollicité la nullité du contrat de bail signé le 04 Août 2004 avec la société FOKOU & FILS Sarl suivant acte notarié N 6930 du répertoire de Maître Martine NGASSEU TCHOKONDET, Notaire à Douala par devant le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo qui a rendu la décision dont appel.
Qu’en prenant fait et cause pour la société FOKOU & FILS Sarl pour ordonner l’expulsion de la société BABA Sarl des locaux qu’elle occupe et les condamner solidairement à payer à cette demanderesse reconventionnelle la somme de 4.500 000 francs CFA à titre de dommages- intérêts, le premier juge s’est mépris des dispositions de l’article 74 du traité OHADA sur le droit commercial qui dispose en effet que « le bailleur fait procéder à ses frais, dans les locaux donnés à bail, à toutes les grosses réparations devenues nécessaires et urgentes.
En ce cas, le preneur en supporte les inconvénients.
Les grosses réparations sont notamment celles des gros murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de soulèvement, des murs de clôture, des fosses septiques et des puisards.
Le montant du loyer est alors diminué à proportion du temps et de l’usage pendant laquelle le preneur a été privé de l’usage des locaux.
Si les réparations urgentes sont de telles natures qu’elles rendent impossibles la jouissance du bail, le preneur pourra en demander la résiliation judiciaire ou sa suspension pendant la durée des travaux ».
Que ce texte a été évoqué à tort dès lors qu’il n’est nullement question des grosses réparations de même que c’est à tort que référence a été fait à l’article 1382 du code civil à partir du moment où la société FOKOU & FILS n’a justifié d’aucun préjudice susceptible d’être réparé en dommages- intérêts.
Que depuis mai 2005, cette société occupe sans droit ni titre les lieux litigieux sans payer les loyers tel qu’elle le reconnaît du reste dans sa lettre du 25 Mai 2005 et qui a d’ailleurs justifié son expulsion suivant arrêt n 056/REF du 20 Février 2006.
Qu’elle estime que ses arguments sont pertinents et l’on considère la violation de l’article 7 de sa constitution du 06 Mars 1998 et le défaut de qualité de la société FOKOU & FILS Sarl tirée de son absence de personnalité juridique.
Considérant que la société FOKOU & FILS Sarl bien que régulièrement notifiée suivant exploit du ministère de Maître OWONA née Suzanne EDIMO en date du 10 décembre 2007 n’a pas conclu ni personne pour la représenter.
Qu’il échet de statuer par défaut contre elle.
Considérant que pour débouter la société BABA Sarl de sa demande en nullité du contrat de bail conclu entre l’Église Évangélique du Cameroun et la société FOKOU & FILS le premier juge énonce « qu’à la lumière des pièces du dossier et les débats, il ressort sans conteste aucune que les relations contractuelles liant l’Église Évangélique du Cameroun (E.E.C) à la société BABA Sarl à propos de l’immeuble litigieux ont pris fin depuis le 31 décembre 2004.
Que cette expiration dudit contrat est intervenue antérieurement à la prise d’effet au 1er Janvier 2005 de la convention régulièrement passée par devant notaire portant un bail commercial consenti par l’Église Évangélique du Cameroun au profit de la société FOKOU & FILS Sarl portant sur le même immeuble ».
« Qu’il est dès lors constant que le seul contrat de bail encore valide est celui consenti par E.E.C au profit de la société FOKOU & FILS Sarl lequel est d’ailleurs plus avantageux pour l’E.E.C à en juger le montant c’est-à-dire le prix moyen du loyer convenu d’accord parties ».
Considérant que les affirmations du premier juge sur la durée du contrat signé entre la société BABA Sarl & l’E.E.C sont étonnamment bénévoles et ne prennent pas en compte les avenants successifs dudit contrat signé par les mêmes parties.
Qu’en effet, au contrat de bail originel signé le 12 Août 1999 entre l’Église Évangélique du Cameroun et la société BABA Sarl est annexé un avenant signé le même jour et intitulé « CLAUSES PARTICULIERES DU CONTRAT DE BAIL SIGNE LE 12 AOÛT ENTRE L’ÉGLISE EVANGELIQUE DU CAMEROUN DISTRICT DE BONAKU (CENTENAIRE DOUALA) PROPRIETAIRE DE LA SOCIETE LOCATAIRE » dont l’article 7 dispose que « le bail ne peut être renoncé par les parties qu’après une durée supplémentaire de 5 (cinq) ans à compter du 31 décembre 2003 ».
Que contrairement aux assertions du premier juge, le bail conclu entre ces parties devrait donc prendre fin le 31 Août 2008.
Considérant que cette méprise sur la durée du contrat querellé traduit une analyse impertinente des faits de la cause et expose la décision querellée à la réformation.
Qu’il y a donc lieu d’infirmer partiellement cette décision et de statuer à nouveau.
Considérant qu’aux termes de l’article 72 de l’acte uniforme OHADA sur le droit commercial général « .. le bail commercial peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée ».
Que dans le souci de protéger les commerçants locataires contre les incertitudes liées aux humeurs versatiles et mercantilistes des bailleurs, le législateur communautaire a entendu mettre en place les mécanismes pour sécuriser leurs affaires à travers la fixité de leur commerce.
Qu’aussi, le bail à durée déterminée ne peut prendre fin avant terme qu’en cas de violation par le preneur des clauses et conditions du bail et la résiliation subséquente ne pouvant être prononcée que par le juge.
Considérant dans le cas d’espèce que l’Église Évangélique du Cameroun n’allègue aucune violation des clauses et conditions du contrat de bail par son locataire BABA Sarl et aucune décision judiciaire n’a prononcé la résiliation de ce contrat.
Que leur contrat de location était valable jusqu’au 31 Août 2008.
Que c’est consciente de la méprise de ses obligations vis-à-vis de ce locataire qu’elle s’est ravisée pour solliciter la nullité du second contrat de bail passé avec la société FOKOU & FILS Sarl le 4 Août 2004, alors même que le premier était en cours.
Qu’il y a donc lieu de la recevoir en sa demande en nullité dudit contrat de bail et l’y dire fondée.
Considérant que la nullité du contrat de bail remet les parties au même et semblable état où elles se trouvaient avant la conclusion dudit, tout se passant comme si ledit contrat n’avait jamais existé.
Qu’il ressort des déclarations des parties que la société FOKOU & FILS n’a jamais versé les loyers convenus à l’Église Évangélique du Cameroun, mais qu’elle occupe une partie de l’immeuble de cette dernière en vertu du contrat annulé.
Que son occupation étant devenue sans droit ni titre, il convient d’ordonner son expulsion tant de corps, de biens que de tout occupant de son chef.
Considérant sur la demande reconventionnelle de celle-ci que le contrat de bail dont elle se prévalait pour solliciter l’expulsion de la société BABA Sarl ainsi que les dommages- intérêts étant annulé, elle se trouve dépourvue de toute qualité pour formuler de telles demandes.
Qu’il convient par conséquent de l’en douter.
Considérant que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la société BABA Sarl, par défaut contre FOKOU & FILS, en matière civile et commerciale, en appel et dernier ressort, en formation collégiale et à l’unanimité des voix.
EN LA FORME
Reçoit l’appel.
AU FOND
Infirme partiellement le jugement entrepris.
Statuant à nouveau
Annule le contrat de bail conclu par l’Église Évangélique du Cameroun le 31 décembre 2004 suivant acte N 6930 du répertoire de Maître Martine TCHOKONDET, Notaire à Douala pour violation des articles 76 et 93 suivant de l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial.
Ordonne l’expulsion de la société FOKOU & FILS des lieux qu’elle occupe tant de corps, de biens que de tous occupants de son chef.
Déboute la société FOKOU & FILS de sa demande reconventionnelle d’expulsion et des dommages- intérêts.