J-09-148
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – TITRE EXECUTOIRE (ARRET DE LA COUR D’APPEL) – DEMANDE DE SURSIS A EXECUTION – SURSIS ACCORDE PAR LA COUR SUPREME – NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DE SURSIS – EFFET DE L’ORDONNANCE AU REGARD DE LA FORCE EXECUTOIRE DE L’ARRET – SURSIS EMPORTANT ABSENCE DE TITRE EXECUTOIRE (NON) – CONTESTATION DE LA SAISIE – DELAI – APPLICATION DE L’ARTICLE 170.
L’ordonnance de sursis à exécution rendue par la Cour Suprême qui a pour effet de suspendre temporairement l’exécution de la décision de la Cour d’Appel et non de l’annuler ne peut pas avoir pour effet de dénuer la saisie attribution pratiquée sur la base de cet arrêt de tout effet. Dès lors, la contestation élevée contre cette saisie doit l’être dans les délais prévus par l’article 170, faute de quoi elle doit être déclarée irrecevable.
Article 33 AUPSRVE
Article 153 AUPSRVE
Article 170 AUPSRVE
Cour d’Appel du Littoral, Arrêt N 65/REF DU 24 MARS 2008, affaire la société TEXACO Cameroun contre Mme MONKAM MBOUENDE Rose.
LA COUR
Vu la loi n 2006/15 du 29/12/06 portant organisation judiciaire de l’Etat.
Vu l’ordonnance N 202 rendue le 10 mai 2006 par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, juge du contentieux de l’exécution.
Vu la requête d’appel en date du 15 Mai 2006.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï l’appelante en ses conclusions.
Nul pour l’intimée non comparante ni représentée.
Ouï madame la Présidente du siège en son rapport.
Après avoir délibéré conformément à a loi.
EN LA FORME
Considérant que bien que régulièrement notifiée aussi bien de la requête d’appel que de la date de l’audience par l’entremise de son conseil Maître WAMBO en date 25/09/06, l’intimée n’a pas conclu.
Qu’il convient de statuer par arrêt de défaut en ce qui la concerne et contradictoirement contre l’appelante.
Considérant que par requête en date du 15/05/06 reçue au greffe le 16/05/06 et enregistrée sous le n 877 la société Texaco Cameroun, société anonyme au capital social de 900 000 000 francs CFA, immatriculée au registre de commerce sous le n 5741, dont le siège social se trouve au 114 Boulevard de la Liberté BP 214 Douala, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux Maître NGWE, Avocat au Barreau du Cameroun sise rue Clemenceau, Douala-Bonanjo, BP 4870 Douala, a interjeté appel contre l’ordonnance N 202 rendue le 02/05/06 par le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo.
Considérant que cet appel est régulier pour avoir été fait dans les forme et délai prescrits par la loi.
Qu’il convient de le recevoir.
AU FOND
Considérant que nanti de l’arrêt N 339/S rendu le 1er juillet 2005 par la Cour d’Appel de céans, dame MONKAM MBOUEDEU a fait pratiquer une saisie attribution des créances sur des comptes de la société Texaco Cameroun ouvert dans plusieurs établissement bancaires de la place dont la BICEC pour sûreté et avoir payement de la somme de 46.588.244 francs CFA.
Que suivant ordonnance N 125 du 24/01/06 le premier Président de la Cour Suprême suspendait l’exécution de cet arrêt jusqu’à l’issue du pourvoi formé par la Texaco Cameroun, ordonnance notifiée aussi bien à dame MONKAM qu’à son Huissier Maître YOSSA aux fins de donner main- levée de la saisie attribution pratiquée mais dont le mutisme a poussé la saisie à les attraire devant le juge du contentieux de l’exécution pour les mêmes fins lequel a rendu l’ordonnance critiquée.
Considérant que l’appelante fait grief au premier juge d’avoir donné une onction à la saisie attribution pratiquée sur son compte ouvert dans les livres de la BICEC en déclarant son action irrecevable comme tardive alors même que d’une part, l’ordonnance du premier Président de la Cour Suprême prescrivant la suspension de l’exécution a ôté tout caractère exécutoire à l’arrêt de la Cour d’Appel, il lui était demandé de sanctionner une voie de fait qui s’est opérée à travers une saisie abusive de n’avoir pas suffisamment motivé sa décision et d’avoir violé les dispositions de l’article 4 (8) de la loi N 92/008 du 14/08/92 modifiée fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de Justice.
Qu’elle développe que l’article 33 (1) de l’acte uniforme OHADA portant sur le recouvrement de créances et les voies d’exécution définit le titre exécutoire comme étant les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et que l’article 153 du même acte dispose que « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide exigible peut, pour en obtenir payement, saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent (…) ».
Que dès lors que l’arrêt de la Cour d’Appel de céans a été suspendu par l’ordonnance de sursis à exécution rendue par le premier Président de la Cour Suprême, il a perdu son caractère exécutoire et a cessé d’être le fondement de la saisie attribution du 26/10/05.
Que la jurisprudence est constante en ce sens; (cf. Affaire Unisis France contre Onguene Florent, Maître Embolo et Caisse autonome « constatons que l’exécution de l’arrêt N 144/S du 1er Juin 1999 de la Cour d’Appel du Centre, base légale de la saisie conservatoire des créances du 04/08/05 a été suspendue par l’ordonnance N 030 de Monsieur le premier Président de la Cour Suprême jusqu’à l’issue du pourvoi.
« Constatons que l’arrêt de 1er Juin 1999 perd son caractère exécutoire; en conséquence, ordonnons la main levée de plein droit de la saisie conservatoire du 04/08/05 ».
Que dans une autre espèce le juge a décidé que « constatons sur le fond que l’arrêt N 535/P du 24/08/01, base légale des saisies attributions en cause, a été suspendu par l’ordonnance N 066 du 26/10/01 du Président de la Cour Suprême, ce avant le payement des causes desdites saisies par les tiers saisis; constatons que comme tel, l’arrêt n 535/P susvisé dont l’exécution est poursuivie a perdu son caractère exécutoire; ordonnons par conséquent main levée de plein droit des saisies attributions des créances des 28 Août, 7 et 11 Septembre 2001 » ( Ordonnance N 107 du 24/10/02, PTPI Douala-Bonanjo, Affaire SEBC SA c/ Société Cam Industries, Me Élise Adèle KOGLA, BICEC et autres…).
Que face à l’incurie de la saisissante de lever d’office sa saisie, elle était fondée à solliciter et obtenir cette mesure du juge du contentieux de l’exécution.
Que c’est à tort que celui-ci n’a pas suivi la loi et la jurisprudence en la matière et qu’en déclarant son action irrecevable comme faite hors délai, il a violé les dispositions de l’article 170 de l’acte uniforme OHADA sus évoqué en ce sens que la contestation qui relève des délais prévus par ce texte est celle qui est exercée à la suite d’une saisie attribution des créances faite dans les conditions de l’article 153 dudit acte.
Que or la saisie attribution ses créances pratiquée par l’intimée n’était plus soutenue par un titre exécutoire et par conséquent elle pouvait élever sa contestation à tout moment; (voir en ce sens ordonnance N 107 du 24/10/02 PTPI Douala-Bonanjo du 24/10/02 « Attendu que toute action qui tend à démontrer que le titre exécutoire, fondement d’une saisie pratiquée, est ultérieurement modifié n’obéit pas au délai de l’article 170 de l’acte uniforme OHADA sus visé; … Qu’ainsi, l’action de la demanderesse tendant à relever l’inexistence du titre exécutoire reste valable ».
Considérant que la société Texaco relève en outre qu’aux termes de l’article 5 de l’ordonnance N 72/04 du 26 Août 1972 « toute décision doit être motivée en fait et en droit » et que « l’inobservation des dispositions du présent article entraîne nullité d’ordre public ».
Que l’ordonnance critiquée ne s’est pas soumise à cette exigence dès lors que d’une part, elle ne contient pas les motifs propres à la justifier mais aussi elle contient les contradictions entre les motifs, toute chose qui l’expose à la sanction de la Cour d’Appel de céans.
Qu’elle indique qu’il est contradictoire pour le juge d’affirmer que seule l’annulation de l’arrêt peut entraîner mainlevée de la saisie et de décider que toute action doit être intentée dans les délais de l’article 170 de l’acte uniforme alors que la cassation devant entraîner cette mainlevée ne pas intervenir avant le délai prévu par ce texte.
Que suivant cette logique, les comptes bancaires d’une partie saisie resteraient indéfiniment sous saisie puisque l’action en main levée de la saisie attribution tirée de l’annulation ou de la cassation de l’arrêt sera toujours irrecevable puisque intervenant toujours au-delà du délai d’un mois.
Qu’enfin, aux termes de l’article 4 (8) de la loi N 92/008 du 14/08/92 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de Justice modifié « la notification du certificat de dépôt à la partie adverse et le pourvoi d’ordre suspendent immédiatement l’exécution même commencée de la décision attaquée, jusqu’à l’intervention de l’arrêt de la juridiction saisie » et les parties se retrouvent en l’état où elles se trouvaient avant la saisie.
Qu’en refusant de tirer les conséquences de la perte du caractère exécutoire de l’arrêt mis en exécution le premier juge a violé le texte sus visé.
Qu’elle conclut donc à la reformations de l’ordonnance entreprise et que la Cour, statuant à nouveau, ordonne mainlevée de plein droit de la saisie attribution des créances du 26/10/05 et qu’elle condamne dame MONKAM aux dépens distraits au profit de son conseil Maître André Marie NGWE, Avocat aux offres de droits.
Considérant que pour rejeté l’argumentaire de l’appelante sur l’inefficacité de la force exécutoire de l’arrêt N 339/S rendu le 1er Juillet 2005 par la Cour d’Appel de céans du fait de l’ordonnance de sursis à exécution rendue par le premier Président de la Cour Suprême le 24/01/06, le premier juge soutient pertinemment que cette ordonnance n’a « pas cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’Appel mais a tout simplement sursis temporaire à son exécution jusqu’à l’issue du pourvoi » et « qu’en pareille circonstance, l’on ne saurait conclure que la saisie attribution querellée basée sur l’arrêt N 339/S du 1er Juillet 2005 de la Cour d’Appel du Littoral a été pratiquée en l’absence d’un titre exécutoire et qu’elle serait sans fondement ».
Considérant en effet que le sursis à exécution est la suspension de l’applicabilité d’un acte dans l’attente de l’arrêt à rendre sur sa légalité et la neutralisation de l’acte est absolue pendant le procès dont il fait l’objet.
Que la force exécutoire de l’arrêt est seulement mise en veilleuse jusqu’à l’issue du pourvoi, mais elle n’est pas anéantie.
Considérant dès lors que le premier juge a fait une lecture pertinente des faits de la cause ainsi qu’une juste application de la loi.
Qu’il convient de confirmer, par adoption des motifs pertinents, l’ordonnance entreprise et de condamner l’appelante aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de l’appelante, par défaut contre l’intimée, en matière civile et commerciale, chambre du contentieux de l’exécution, en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND
Confirme la décision querellée (…).