J-09-155
RECOUVREMENT DE CREANCE – CREANCE – CARACTERES INCERTAIN, LIGIQUE ET EXIGIBLE – REUNION (NON) – INAPPLICATION DE LA PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER.
C’est à tort que la procédure spéciale d’injonction de payer a été utilisée dès lors que la créance dont le recouvrement est sollicité n’a pas les caractères de créance certaine, liquide et exigible.
COUR D’APPEL DE DALOA, ARRET CIVIL DU 02 FEVRIER 2005, AFFAIRE ZONO SOULEYMANE c/ SGBCI.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Vue les conclusions des parties.
Le Ministère Public entendu.
Ensemble l’expose des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
I DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement civil contradictoirement N 149 date du 28/10/2004 du Tribunal de BOUAFLE rendu sur opposition formalité par ZONO SOULEYMANE à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer n 42 en date du 06/03/2003 rendue au profit de la S G B C I, le susdit Tribunal a déclaré le sieur ZONO SOULEYMANE recevable mais mal fondé en ses actions principales et additionnelles, l’en a débouté et l’a condamné à payer à la S G B C I la somme de 4.349.906 F CFA, motifs pris de ce que ladite somme représente le passif résultant de la liquidation du compte du sieur ZONO SOULEYMANE.
Par exploit d’Huissier en date du 12 novembre 2004, le sieur ZONO SOULEYMANE a relevé appel du jugement rendu le 28/10/2004 sous le numéro 149 par le Tribunal civil de BOUAFLE.
Au soutien de son appel, il expose qu’il a entièrement remboursé le prêt de 5 000 000 F CFA qui lui a été octroyé comme l’attestent les relevés bancaires versés au dossier.
Et s’il a bénéficié de découverts et autres facilités de caisse.
La Cour constatera que les pièce justificatives de la créance produites par l’intimée sont insuffisantes pour établir véritablement l’existence de la créance ainsi que son quantum. Que ladite créance ne satisfait pas aux dispositions des articles (1,2,3, et 5) de uniforme du traité OHADA relatifs aux procédures de recouvrement simplifiées de créance.
Qu’au total, c’est à tort, soutient-il que le premier Juge l’a condamné à payer à la S G B C I la somme de 4.349.906 F. Aussi prie t-il la Cour d’infirmer la décision querellé et statuant à nouveau, constater que le solde de son compte créditeur de 1.752.092 F à la date du 24/12/2001, et d’ordonner la restitution à son profit de la somme de 10.299.615 F indûment perçu par la S G B C I et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 25 000 000 F à titre de dommages et intérêts.
Pour sa part, l’intimée, par le canal de son Conseil, la Société d’Avocats BAZIE – KOYO expose qu’elle a consenti plusieurs concours bancaires à l’appelant; Qu’au regard des mouvements du compte courant de ce dernier qui ont connu une baisse drastique et ce depuis 2000 se soldant par un passif d’un montant de 4.349.906 F, Elle a, pour le recouvrement de sa créance qui est en péril, obtenu l’ordonnance d’injonction de payer à l’encontre de l’appelant, conformément aux articles 01 et 02 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Que l’existence de ladite créance qui résulte des concours financiers consentis à l’appelant à titre de prêt ne fait point de doute de même que son exigibilité, puisque le terme fixé pour le remboursement de la créance est échu depuis le 05 décembre 2001; Que par ailleurs l’historique du compte de Monsieur ZONO à la liquidation fait apparaître un passif de 4.371. 2007 F CFA.
Qu’au regard de ce qui précède la créance de l’intimée est non seulement certaine et liquide, mais également exigible en ce qu’elle est établie, évaluée et échue depuis la date de clôture susvisé du compte litigieux; Qu’il en résulte que les conditions d’application des articles 1,2,3 et 5 de l’acte uniforme OHADA portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement sont réunies; Qu’en conséquence la Cour devra confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions.
II DES MOTIFS
Considérant que le problème de droit posé en l’espèce, était de savoir si les conditions du recours à l’injonction de payer, c’est-à-dire, d’une part les critères de créance ou caractères de celle-ci et d’autre part la nature qu’elle doit revêtir étaient réunies.
En effet, l’acte uniforme exige du créancier qui veut recouvrir à l’injonction de payer une créance certaine, c’est-à-dire une créance dont l’existence ne fait pas de doute aussi bien pour le créancier que pour le débiteur.
Une créance liquide, c’est-à-dire une créance dont le montant est déterminé et connu des deux parties et une créance exigible c’est-à-dire une créance qui est arrivée à échéance comme des parties (articles 1er de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement de créances); Qu’en outre l’acte uniforme exige que la créance ait une cause contractuelle ou résulte d’un effet de commerce ou d’un chèque (article 02 alinéa 1er 1, 2) du code précité.
Considérant que dans le cas d’espèce, la créance d’un montant de 4.349.906 F dont le recouvrement est sollicité par la voie d’injonction de payer, résulte aux dires de S G B C I de concours financiers consentis à l’appelant à titre de prêt, dont le remboursement était échu depuis le 05/ décembre 2001 et qu’à la date du 28 février 2003 le passif du compte courant n 441 01180949 du sieur ZONO ouvert dans les livres de la S G B C I était de 4.349.906 F CFA dont le recouvrement était en péril.
Mai considérant, s’agissant du prêt d’un montant de 5 000 000 f qui venait à échéance le 05 décembre 2001 que celui a été entièrement remboursé comme l’attestent les preuves versées au dossier.
Considérant en réalité que la supposée créance de 4.349.906 F CFA résulte du passif du compte courant précité à la date du 28 février 2003.
Mais considérant que le propre de tout compte courant, étant d’être tantôt créditeur, tantôt débiteur et vis versa, qu’il en résulte que le dit passif d’un montant de 4.349.906 F, constaté unilatéralement par la S G B C I à la dite date, et, ce en dehors d’un arrêté de compte contradictoire ne saurait suffire à rendre à la créance contestée les caractères certain, liquide et exigible.
Considérant que cela est d’autant plus vrai que les premiers Juges pour statuer comme ils l’ont fait, ont dû ordonner une mise en état pour mettre en évidence la créance exacte que la S G B C I avait sur le sieur ZONO.
Qu’il en résulte qu’à ce stade de la procédure les premiers Juges auraient dû en tirer les conséquences pour dire que la créance dont le recouvrement était sollicité n’était ni certaine ni liquide et ni exigible.
Que, plus grave, les premiers Juges sont passés de la procédure spécial de recouvrement simplifié de créance, à la procédure ordinaire du droit commun pour trancher le litige changeant ainsi la cause de la demande.
Considérant au total que la créance dont le recouvrement est sollicité par la S G B C I n’ayant pas les caractères de créance certaine, liquide et exigible, c’est à tort que la procédure spéciale d’injonction de payer prévue par l’acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a été utilisée; Que dès lors la décision querellée encourt infirmation en toutes ses dispositions.
Considérant que statuant à nouveau, il conviendra de déclarer le sieur ZONO SOULEYMANE, recevable et bien fondé en son opposition.
Et de dire que la créance d’un montant de 4.349.906 F CFA dont le recouvrement est sollicité par la S G B C I n’était ni certaine, ni liquide, ni exigible.
Considérant que la SGBCI succombe, qu’il écherra de mettre les dépens à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commercial et en dernier ressort.
1/ EN LA FORME
S’en rapporte à l’arrêt n 10/05 Avant-dire-droit en date du 05 janvier 2005 de la Cour D’Appel de ce siège qui a déclaré ZONO SOULEYMANE recevable en appel.
2/ AU FOND
Dit cet appel bien fondé.
En conséquence infirme la décision n 149 en date du 28 octobre 2004 du Tribunal de BOYAFLE querellée en toute des dispositions.
3/ STATUANT A NOUVEAU :
Déclare ZONO SOULEYMANE recevable et bien fondé en son opposition.
Dit que la créance querellée n’étant ni certaine ni liquide, ni exigible au sens des articles (1 et 2) de l’acte uniforme OHADA.
C’est à tort que la voie d’injonction de payer a été utilisée.
Condamne la SGBCI aux dépens.