J-09-169
PROCEDURES COLLECTIVES – LIQUIDATION JUDICIAIRE – JUGEMENT D’OUVERTURE – DATE DE CESSATION DES PAIEMENTS.
INCOMPETENCE DU TRIBUNAL SAISI.
Si, dans le jugement d’ouverture de liquidation judiciaire, la juridiction qui a rendu le jugement a omis de fixer la date de la cessation des paiements, cette dernière peut, conformément aux dispositions de l’article 34 AUPCAP modifier cette date par une décision postérieure à la décision d’ouverture.
La juridiction ayant rendu une décision d’ouverture de liquidation doit se déclarer incompétente lorsqu’elle est saisie en appel pour la même affaire.
Article 34 AUPCAP
Article 88 AUPCAP
Tribunal Régional de Niamey (Niger), Jugement civil n 141 du 07/05/2003. Affaire : ELHADJI MAMANE ZINGUILE c/ COMANI S.A et YOSSOU BASSIROU.
Par exploit d’huissier du 1er Juillet 2002 puis par requête aux fins d’abréviation des délais, Elhadji Mamane Zinguilé, commerçant domicilié à Maradi, assisté de maître Mano Salaou, avocat à la Cour, a fait assigner Monsieur Youssou Bachirou, es-qualité de syndic de la liquidation de la société COMANI S.A., à l’effet d’obtenir la date de la cessation des paiements de la dite société au 21 Mars 2000.
Le demandeur expose que par jugement n 49 rendu le 27/02/2002, le Tribunal régional de Niamey avait prononcé la liquidation judiciaire de COMANI S.A et ont omis de fixer la date de la cessation de payer au 21 Mars 2000 de telle sorte que celle-ci est réputée avoir pris effet à la date de jugement conformément à l’article 34 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives. Il poursuit que COMANI S.A étant manifestement insolvable depuis le 21 Mars 2000, date à laquelle il lui avait signifié l’arrêt de condamnation à lui payer sa créance, il sollicite à nouveau et conformément aux dispositions de l’article 34-3, le recul à son profit de la date de cessation des paiements.
Par conclusions du 05 Novembre 2002, Maître Yayé Mounkaila, conseil de COMANI SA, soulève in limine litis l’incompétence du tribunal. Subsidiairement, il demande le rejet des prétentions du requérant pour violation des dispositions des articles 34 et 88 de l’acte uniforme portant sur les procédures collectives et d’apurement du passif. A défaut, il sollicite que la date de cessation des paiements soit fixée au 27 Février 2002.
Pour justifier l’incompétence du tribunal, COMANI S.A soutient qu’en vertu de l’appel interjeté par le demandeur contre le jugement d’ouverture de la liquidation, seule la cour d’appel et en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, serait compétente pour statuer sur les prétentions émises, le premier juge étant dessaisi de ce fait.
Au fond, COMANI estime que la date de cessation des paiements fixée par décision d’ouverture de la procédure collective, ou une décision postérieure serait irrévocable de l’expiration du délai d’opposition prévu à l’article 88 de l’acte uniforme précité. Cette date poursuit-il, ne saurait au demeurant être antérieure de plus de 18 mois au prononcé de la décision.
Par notes versées en cours de délibéré, le demandeur maintient ses prétentions.
Il rejette l’exception de compétence soulevée au motif que l’article 34 alinéa 3 de l’acte uniforme précité, prévoit que » la juridiction compétente peut modifier, dans les limites fixées au précédent alinéa, la date de la cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture ».
Il conclut qu’en tout état de cause, l’effet dévolutif de l’appel ne porterait que sur les seuls points où le premier juge se serait prononcé sur la date de cessation des paiements malgré la demande qui lui a été faite. Il poursuit en relevant que ses conclusions d’appel n’étant pas comme de son adversaire qui n’avait pas fait appel incident, on ne saurait présumer que son appel avait pour objet la date de cessation des paiements.
Selon d’autres arguments exposés par le demandeur, et notamment l’urgence caractérisant les procédures collectives, le demandeur soutient que l’incompétence soulevée ne saurait être admise et que le tribunal devait statuer surtout que l’appel a été interjeté hors délai.
Concernant la forclusion relevée par COMANI S.A et qui résulterait de l’article 88 de l’acte uniforme, le demandeur soutient que celle-ci ne s’appliquerait qu’aux créanciers revendiquant qui n’auraient pas déposé leur état de créance avant la date de clôture prévue par la loi.
A propos de la date de cessation des paiements, le créancier sollicite son recul à la date du 27 Août 2000 conformément à l’alinéa 2 de l’article 34 de l’acte uniforme.
Attendu qu’il convient de statuer d’abord sur l’incompétence soulevée et ensuite s’il y’a lieu sur le fond.
Attendu que COMANI S.A soutient l’incompétence du tribunal au motif que le demandeur avait interjeté appel de sa décision rendue le 27 Février 2002 et qu’en vertu de l’effet dévolutif, le premier juge serait dessaisi; que pour sa part, Mamane Zinguilé estime que le premier juge demeure toujours compétent d’une part en vertu des dispositions de l’article 34 al 3 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, d’autre part que le motif de son appel ne peut être présumé comme portant sur la date de cessation des paiements; qu’enfin, l’urgence exprimée par le législateur OHADA ne peut s’opposer à la saisine du premier juge.
Attendu que le demandeur par exploit du 3 Mai 2001, avait saisi le tribunal de Niamey afin qu’il constate la cessation des paiements de COMANI S.A au jour de la signification de l’arrêt de condamnation soit le 21 Mars 2000, de prononcer la mise en liquidation et nommer les organes chargés d’y procéder; que par jugement n 49 du 27 Février 2002, le tribunal a statué sur tous les chefs de demande sauf celui concernant la date de cessation des paiements; que Mamane Zinguilé, 15 jours après a interjeté appel de ladite décision, que par requête du 01/07/2002, il introduisait devant le tribunal une nouvelle demande tendant à obtenir toujours le recul de la date de cessation des paiements.
Mais attendu que même si l’article 34 alinéa 3 de l’acte uniforme précité dispose comme le soutient le demandeur que « la juridiction compétente peut modifier, dans les limites fixées au précédent alinéa, la date de cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture… », on peut conclure que la saisine du tribunal puisse se faire en méconnaissance des règles d’organisation judiciaire et notamment celle régissant l’appel et ses effets, qui sont des principes d’ordre public pour lesquels OHADA n’a pas compétence législative pour en modifier les règles; que par conséquent, en cas d’appel, l’effet dévolutif en dessaisit le premier juge; que manifestement, le demandeur a opté pour la saisine du tribunal de se propres aveux même, que parce qu’il était forclos en son appel; que le motif de l’appel dont il tend à dissimuler ne peut porter que sur le recul de la date de cessation des paiements au sujet de laquelle le premier juge avait omis de statuer, cause dont seul le juge d’appel peut réparer et non une seconde saisine de la première juridiction qui ne peut que se déclarer incompétente.
Attendu que Mamane Zinguilé qui succombe sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
Se déclare incompétent.
Condamne Mamane Zinguilé aux dépens.
Ont signé le Président et le Greffier les jours, mois et an que dessus.