J-09-174
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL – BAIL COMMERCIAL – BAIL PROFESSIONNEL – DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL – NON RESPECT DU DELAI DE REPONSE A LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT – DECHEANCE DU DROIT DE REFUSER LE RENOUVELLEMENT.
Depuis l’avènement de l’AUDCG, le droit au renouvellement d’un bail n’est pas limité à la seule activité commerciale; elle profite à toute activité professionnelle, notamment à l’exercice d’une profession libérale, comme en l’espèce.
Le preneur et le bailleur doivent se conformer aux conditions cumulées des articles 91 et 92 de l’AUDCG. Entre autres, dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur doit justifier avoir exploité conformément aux stipulations du bail l’activité prévue à celle-ci pendant une durée minimale de deux ans; Il peut demander un renouvellement par acte extrajudiciaire trois mois au plus tard avant l’expiration du bail; faute de quoi il est déchu de son droit; le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail est réputé avoir accepté celle-ci.
Tribunal Régional de Niamey, Audience publique, jugement civil N 084 du 03 Mars 2004. Affaire : Cabinet Pannell Kerr Forster (PKF) c/ Mr Abdourahamane Boubacar.
Par exploit de Maître Moussa Soumana, huissier de justice à Niamey, le cabinet PANNELL Kerr Forster (PKF) a assigné Monsieur Abdourahamane Boubacar devant le Tribunal régional de Niamey pour :
S’entendre dire et juger qu’il a commis un abus de droit de reprise.
S’entendre condamner à payer à PKF la somme de 40 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.
Voir ordonner l’exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours.
S’entendre condamner aux dépens.
LES FAITS
Attendu que le 8 novembre 1991, un contrat de location d’un immeuble à usage professionnel fut conclu entre Abdourahamane Boubacar représenté par son frère Amadou Boubacar et le cabinet PANNELL KERR FORSTER pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction régulièrement et successivement reconduit jusqu’au 20 Septembre 2002 date à laquelle Abdourahamane Boubacar adressait à PKF une lettre par laquelle il mettait fin à leur contrat et les invitait à quitter les lieux qu’il compte transformer en domicile personnel dans un délai de trois mois.
Attendu que le cabinet PANNELL KERR FORSTER soutient que Abdourahamane Boubacar ne saurait ignorer que le bail qui le lie est un bail commercial dont le refus de renouvellement, à fortiori la résiliation expose le bailleur au paiement d’une indemnité d’éviction conformément à l’article 94 du traité OHADA aux termes duquel « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, en réglant au locataire une indemnité d’éviction ».
Attendu que Abdourahamane Boubacar est un ressortissant nigérien résidant en Côte d’Ivoire; que c’est la raison pour laquelle même lors de la conclusion du bail avec le cabinet PANNELL KERR FORSTER, il était représenté par son frère Amadou Boubacar.
Que lorsque courant année 2002 la Côte d’ivoire plongeait dans une période d’insécurité, il fut contraint en toute urgence de regagner le Niger avec toute sa famille et manifesta donc son intention de reprendre l’immeuble objet du bail en date du 8 novembre 1991 pour y habiter et loger sa famille; qu’eu égard aux raisons avancées par le propriétaire, le preneur (PKF) accepta sans empêcher de libérer les lieux.
Que donc le bail a pris fin à l’amiable.
Que PKF n’eut aucune difficulté à se réinstaller puisqu’elle a eu la chance de trouver un local à proximité.
DISCUSSION
Sur la nature du bail
Attendu qu’en l’espèce il ne s’agit pas de bail commercial au sens stricto sensu mais bien d’un bail professionnel auquel le législateur OHADA a voulu faire bénéficier du statut des baux commerciaux.
Que la commercialité de l’activité est déterminante.
Sur les circonstances de la rupture
Attendu que Abdourahamane Boubacar a vécu dans sa maison pendant cinq mois et lorsque la situation s’est normalisée en Côte d’Ivoire, il a regagné ce pays pour y reprendre son travail; que c’est en ce moment que la société FORACO qui venait à peine de s’installer au Niger saisit cette opportunité pour reprendre cet immeuble à bail par contrat en date du 10 Mai 2003.
Il résulte de cette analyse des faits que la réclamation de PKF est manifestement mal fondée d’une part en raison de la déchéance du droit au renouvellement et au caractère amiable de la résolution du bail consenti à PKF et d’autre part en l’absence de préjudice subi eu égard à la nature de l’activité de PKF.
Attendu que pour que l’action de PKF prospère, il faut qu’elle démontre qu’elle bénéficie bien du droit au renouvellement du bail.
Attendu en effet qu’il résulte des dispositions de l’article 91 de l’acte uniforme sur le droit Commercial Général : « le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue à celle-ci pendant une durée minimale de deux ans »
Attendu que depuis l’avènement de l’acte uniforme sur le droit commercial général, ce droit au renouvellement n’est plus automatique; il s’exerce désormais dans les conditions obligatoires définies par l’article 92 al 1 aux termes duquel « dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail peut demander le renouvellement de celui-ci par acte extrajudiciaire trois mois au plus tard avant l’expiration du bail »
Que l’alinéa 2 du même texte dispose : « le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail »; de même l’alinéa 3 précise que « le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail est réputé accepté le principe du renouvellement du bail ».
Attendu en l’espèce que PKF ne prouve pas qu’elle a formé sa demande de renouvellement par acte extrajudiciaire (exploit d’huissier) trois mois avant l’expiration de la période en cours c’est-à-dire au plus tard le 15 octobre 2003, le bail expirant le 15 janvier 2004.
Il résulte de tout ce qui précède que PKF doit être déclarée déchue du droit au renouvellement du bail, et d’en tirer les conséquences.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale en premier ressort :
Reçoit le cabinet PANNELL FORSTER et Abdourahamane Boubacar en leurs requêtes comme étant régulières en la forme.
Au fond :
Constate qu’en vertu des articles 91 et 92 du code OHADA, PKF est déchue du droit au renouvellement du bail liant les parties.
En conséquence, déboute PKF de sa demande d’indemnité d’éviction.
Rejette toutes les autres demandes de PKF.
La condamne aux dépens.
Avis d’appel : 2 mois.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé : le président et le greffier.