J-09-185
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – TITRE – JUGEMENT – JUGEMENT FRAPPE D’APPEL – JUGEMENT VALANT TITRE EXECUTOIRE AU SENS DE L’ARTICLE 33 DE L’AUPSRVE (NON) – NULLITE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE ET SA CONVERSION EN SAISIE VENTE – MAINLEVEE.
Le jugement ne pouvant être exécutoire que s’il a acquis l’autorité de la chose jugée, le titre dont se prévaut le créancier n’est pas un titre exécutoire puisque frappé d’appel dans les délais légaux. Dès lors, bien que revêtu de la formule exécutoire, le jugement ne saurait être considéré comme un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AUPSRVE.
Par conséquent, il y a lieu de déclarer nulles la saisie conservatoire et sa conversion en saisie vente et d’en ordonner la mainlevée.
Article 33 AUPSRVE
Tribunal de première instance d’Abengourou, Ordonnance de référé n 37 du 24 Octobre 2006, Affaire Holz Ivoire C/ 1. Tropical Bois 2. Boussou Maxime 3. Gnaba Gnadjue Jérémie.
Attendu que par exploit en date du 20 septembre 2006, de Maître BROU N’DA GAUDENS, Huissier de Justice à Abengourou, la société HOLZ IVOIRE a assigné en référé la société TROPICAL BOIS, Monsieur BOUSSOU MAXIME et Maître GNABA GNADJUE JEREMIE, Huissier de Justice, à l’effet d’entendre ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles en date du 29 août 2006, pratiquée à son préjudice par la société TROPICAL BOIS et de la conversion de cette saisie en saisie vente en date du 1er septembre 2006.
Attendu que soutenir son action, la société HOLZ-IVOIRE explique que par jugement civil n 62 du 31 mai 2006 de la section de tribunal d’Adzopé, elle a été condamnée solidairement avec Monsieur BOUSSOU MAXIME à payer à la société TROPICAL BOIS, la somme principale de 141.809.990 francs CFA.
Que ce jugement lui a été signifié suivant exploit en date du 29 août 2006, de Maître GNABA GNADJUE JEREMIE, Huissier de Justice à Abengourou.
Que ce même jour, TROPICAL BOIS a fait pratiquer par le ministère de Maître GNABA, une saisie conservatoire sur ses biens meubles; que le 1er septembre 2006, cette saisie a été convertie en saisie vente.
Que le 13 septembre 2006, elle a relevé appel du jugement dont s’agit.
Attendu que la demanderesse poursuit pour dire que la saisie conservatoire pratiquée sur ses biens est entachée de vices qui rendent nulle au regard des articles 55,64-1 et 64-9 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’elle explique en effet, que le créancier qui désire pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur doit être muni, selon les articles 54 et 55 de l’acte uniforme, soit d’une autorisation judiciaire de saisir, soit d’un titre exécutoire.
Qu’en l’espèce, la société TROPICAL BOIS prétend être dispensée d’une autorisation judiciaire de saisir puisque bénéficiaire du jugement n 62 du 31 mai 2006, de la section de Tribunal d’Adzopé; que ce jugement, dit-elle, n’est pas en l’état un titre exécutoire puisqu’il est frappé d’appel; qu’en effet, explique-t-elle, un jugement n’est exécutoire que s’il n’est plus susceptible des voies de recours, les voies de recours étant suspensives d’exécution.
Que poursuit-elle, le jugement, qui au demeurant est un extrait des minutes du greffe et non une grosse bien que revêtu de la formule exécutoire en violation des dispositions de l’article 257 du code de procédure civile, n’a pas de force exécutoire.
Qu’il aurait fallu à la société TROPICAL BOIS, une autorisation judiciaire avant de pratiquer la saisie querellée.
Attendu que la demanderesse fait savoir que par ailleurs que le procès-verbal de saisie conservatoire de biens daté du 29 août 2006, dressé par Maître GNABA GNADJUE JEREMIE, doit être déclaré nul de nullité absolue, en ce qu’il ne mentionne pas les noms, prénoms et qualités des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie.
Attendu que la société HOLZ IVOIRE affirme enfin que TROPICAL BOIS lui a servi un acte de conversion de saisie conservatoire de biens en en saisie vente, par exploit de Maître GNABA GNADJUE JEREMIE, en date du 1er septembre 2006.
Que s’il est vrai que l’article 69 du traité OHADA permet au créancier saisissant de convertir la saisie conservatoire en saisie vente, cela n’est possible que si ce créancier est muni d’un titre exécutoire; que la preuve du titre exécutoire doit être fait par la production d’un certificat de non appel; or en l’espèce, dit-elle, le jugement de la Section de Tribunal d’Adzopé dont se prévaut la société TROPICAL BOIS au soutien de la conversion est frappé d’appel et n’est pas assorti de l’exécution provisoire.
Attendu qu’au regard de ce qui précède, la demanderesse sollicite que la saisie conservatoire pratiquée sur ses biens et sa conversion en saisie vente soient déclarées nulles et qu’en conséquence, il en soit ordonné la mainlevée.
Attendu que la société TROPICAL BOIS, par le biais de son conseil, Maître MOLARE THOMAS, Avocat à la Cour, rétorque que le jugement civil n 62 du 31 mai 2006, de la Section de Tribunal d’Adzopé dont elle se prévaut au soutien de la saisie conservatoire par elle pratiquée, le 29 août 2006, est un titre exécutoire parce que revêtu de la formule exécutoire; que peu importe que le jugement à lui remis par le greffier en chef soit un extrait des minutes du greffe et non une grosse; qu’en effet, affirme-t-elle, selon les dispositions de l’articles 33 du traité OHADA portant organisation des voies d’exécution, constituent des titres exécutoires, les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire; que ce texte qui est supérieur aux normes nationales, ne fait aucune distinction entre un extrait et une grosse d’une décision juridictionnelle.
Que par ailleurs, pour exécuter le jugement dont s’agit contre la société HOLZ- IVOIRE et monsieur BOUSSOU MAXIME, elle n’avait pas besoin de produire un certificat de non appel dans la mesure où ils ne sont pas tiers, mais partie prenante au procès; qu’en outre, bénéficiant d’un titre exécutoire, elle pouvait pratiquer la saisie conservatoire querellée sans autorisation juridictionnelle préalable.
Attendu que TROPICAL BOIS déclare enfin, que le jugement dont elle se prévaut étant frappé d’appel, elle ne pouvait valablement pas convertir la saisie conservatoire en saisie vente; que cette conversion est en conséquence nulle; que cependant, la saisie conservatoire reste valable.
SUR CE
EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
Attendu que les parties ont comparu et plaidé; qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire.
Sur la recevabilité de l’action
Attendu que la société HOLZ-IVOIRE a introduit son action dans les forme et condition légales; qu’il échet de la déclarer recevable.
AU FOND
Sur la mainlevée de la saisie conservatoire
Attendu que pour pratiquer la saisie conservatoire querellée sur les biens de la société HOLZ-IVOIRE, TROPICAL BOIS se prévaut du jugement n 62 du 31 mai 2006 de la Section de Tribunal d’Adzopé.
Mais attendu qu’un jugement ne peut être exécutoire que s’il a acquis l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire s’il n’est plus susceptible de voie de recours.
Attendu qu’en l’espèce, le jugement dont s’agit a été signifié à la HOLZ-IVOIRE, le 29 août 2006; que la demanderesse a relevé appel de ce jugement le 13 septembre 2006, c’est-à-dire dans le délai d’un mois prescrit par les articles 168 et 325 du code de procédure civile, commerciale et administrative.
Qu’il s’ensuit que c’est à tort que la société TROPICAL BOIS a pratiqué une saisie conservatoire sur les biens de la demanderesse et converti ladite saisie en saisie vente, le 1er septembre 2006, alors que le titre dont elle se prévaut n’est pas un titre exécutoire parce que frappé d’appel dans les délais légaux; qu’en effet, ce jugement bien que revêtu de la formule exécutoire ne saurait être considéré comme un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme portant organisation des voies d’exécution, car, une décision juridictionnelle ne peut être revêtue de la formule exécutoire que si elle n’est plus susceptible de voie de recours; que tel n’étant pas le cas en l’espèce, c’est à tort que le greffier en chef de la Section de Tribunal d’Adzopé a opposé la formule exécutoire sur le jugement dont s’agit.
Qu’il échet en conséquence de déclarer nulles la saisie conservatoire querellée et sa conversion en saisie vente et d’en ordonner la mainlevée sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens de défense.
Sur les dépens
Attendu que la société TROPICAL BOIS ayant succombé à la suite de la procédure, il y a lieu de la condamner aux entiers dépens.
Sur l’exécution provisoire
Attendu que la saisie pratiquée par la société TROPICAL BOIS étant foncièrement illégale, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision afin de faire cesser immédiatement le préjudice subi par la demanderesse.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’urgence et en premier ressort.
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent et vu l’urgence.
En la forme, déclarons la société HOLZ IVOIRE recevable en son action.
Au fond, la déclarons bien fondée.
Déclarons nulle la saisie conservatoire pratiquée le 29 août 2006 sur ses biens.
Déclarons également nulle la conversion de cette saisie conservatoire en saisie vente intervenue le 1er septembre 2006.
En conséquence, ordonnons la mainlevée de ladite saisie.
Condamnons la société TROPICAL BOIS aux entiers dépens.
Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision sur la minute et avant enregistrement.
Et avons signé avec le Greffier.