J-09-187
PROCEDURE – OMISSION DE STATUER – NULLITE DU JUGEMENT (OUI).
CONTRAT – CONTRAT DE VENTE – RESOLUTION DE PLEIN DROIT – CLAUSE CONTENUE DANS UN DECRET – PRODUCTION DU DECRET (NON) – ABSENCE DE PREUVE DE LA CLAUSE DE RESOLUTION DE PLEIN DROIT – APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1656 DU CODE CIVIL (NON).
CONTRAT – CONTRAT DE VENTE – CLAUSE RELOLUTOIRE DE PLEIN DROIT – CLAUSE OPERANT SYSTEMATIQUEMENT ET IRREVOCABLEMENT LA RESOLUTION DU CONTRAT (NON) – FACULTE RECONNUE A LA PARTIE DE POURSUIVRE LA CONSTATATION DE LA RESOLUTION OU D’Y RENONCER – CREANCIER NE S’ETANT PAS PREVALU DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE EN CONTINUANT D’ENCAISSER LES VERSEMENTS EFFECTUES PAR LE DEBITEUR – MAINTIEN DU CONTRAT (OUI) – RENONCIATION A LA CLAUSE RESOLUTOIRE DE PLEIN DROIT (OUI).
CONTRAT – CONTRAT DE VENTE – DELAI DE GRACE – BONNE FOI DU DEBITEUR ET VOLONTE DE REMPLIR SES ENGAGEMENTS – ACCORD (OUI).
Article 204 CODE DE PROCEDURE CIVILE
Article 206-7 CODE DE PROCEDURE CIVILE
Article 1184 CODE CIVIL
Article 1656 CODE CIVIL
L’omission de statuer constitue une cause de nullité du jugement rendu, en application des dispositions des articles 204 et 206-7 du code de procédure civile, dès lors que le premier juge ne s’est pas prononcé sur une des prétentions d’une des parties au procès.
Les dispositions de l’article 1656 du code civil ne peuvent être utilement invoquées, dès lors que le créancier ne rapporte pas la preuve du décret dans lequel serait contenue la clause résolutoire de plein droit, notamment par la production du journal officiel dans lequel le décret a été publié.
La clause résolutoire, même stipulée de plein droit, n’opère pas systématiquement et irrévocablement la résolution du contrat en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Elle constitue un droit pour la partie envers laquelle les obligations n’ont pas été remplies, qui dispose de la faculté de poursuivre la constatation de la résolution ou d’y renoncer.
Le créancier a maintenu le contrat de vente et a renoncé à la clause, dès lors que d’une part il a continué à encaisser les versements effectués et ce après le prononcé du jugement attaqué, bien que son acquéreur n’ait pas respecté les échéances et, d’autre part a sollicité la réduction du délai de grâce accordé à l’acquéreur.
Un délai de grâce doit être accordé à l’acquéreur pour apurer sa dette, dès lors qu’il a suffisamment fait la preuve de sa bonne foi et de sa volonté à remplir ses engagements.
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt civil et contradictoire n 127 du 16 février 2007, affaire Société SOGEPIE C/ Kouakou Konan Germain.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties, et des motifs ci-après.
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Considérant que par exploit en date du 29 Mars 2006, La Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat dite SOGEPIE a relevé appel du jugement civil contradictoire n 1150 rendu le 11 juillet 2005 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau ayant statué comme suit :
« Reçoit la SOGEPIE en sa demande principale.
L’y dit mal fondée; l’en déboute.
Reçoit Kouakou Konan Germain en sa demande reconventionnelle.
L’y dit bien fondée.
Dit qu’il est accordé un délai de 24 mois pour apurer le reliquat du prix de vente dû ».
Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement attaqué et des pièces du dossier que l’Etat de Côte d’Ivoire a cédé le 13 juin 1988 à Kouakou Konan Germain l’appartement n 201 sis a Abidjan Cocody 216 logement à raison d’un prix de vente de 6.665.600 FCFA.
Que le prix de vente devait s’effectuer par prélèvement à la source pendant à la source pendant une période de dix ans s’étendant jusqu’en 1998.
Qu’un état des paiements établit en 2004 par La Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat dite SOGEPIE a révélé que M. Kouakou Konan Germain, à cette date, n’a effectué qu’un règlement partiel d’un montant de 4.855.576 FCFA de sorte qu’il restait devoir à l’Etat la somme reliquataire de 1.800 000 FCFA.
Que la SOGEPIE, sur la base de cet état des règlements, a assigné l’acquéreur M. Kouakou Konan Germain en résolution du contrat de vente, en expulsion et en réparation de préjudice subi, en application des art. 1584 et 1596 du Code civil.
Que devant le Tribunal, M Kouakou Konan Germain a reconnu devoir à l’Etat la somme reliquataire de 1.800 000 FCFA sur le prix de vente de l’appartement et justifiant le non respect des échéances par sa mise à la retraite anticipée par l’effet d’une loi de 1995, aggravée par des problèmes de santé, et a sollicité un délai de deux ans pour apurer sa dette.
Que le Tribunal, au motif que M. Kouakou Konan Germain a suffisamment fait la preuve de sa bonne foi et a manifesté sa volonté d’exécuter sa part d’obligation a rendu la décision faisant l’objet du présent appel.
Considérant que dans son acte d’appel, la SOGEPIE reproche au premier juge d’avoir accordé à l’acquéreur défaillant un délai de grâce de 24 mois en violation des dispositions de l’art. 39 de l’Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution qui n’autorise le juge à ne reporter ou à n’échelonner la dette que dans la limite d’une année.
Que se fondant sur les dispositions des art.1134 et 1650 du Code civil, elle demande la résolution du contrat de vente pour non respect des échéances de paiement du prix, et le cas échéant, la réduction du délai de grâce à un an.
Qu’elle sollicite donc l’infirmation du jugement querellé.
Considérant qu’en réplique M. Kouakou Konan Germain, intimé, fait valoir qu’il a notifié le jugement querellé à la SOGEPIE le 20 Décembre 2006.
Que celle-ci n’ayant manifesté aucune réaction, il a depuis le 06 Février 2006, repris les paiements du prix de vente en vue d’apurer le reliquat de sa dette en déposant des chèques dans les services de la SOGEPIE.
Que celle-ci a régulièrement encaissées les chèques déposés.
Qu’en incluant le dernier paiement effectué le 07 Février 2007, le montant total des sommes versées depuis la notification du jugement attaqué s’élève à la somme de 1 000 000 FCFA.
Que sur la somme reliquataire de 1.800 000 FCFA, il reste plus devoir que celle de 800 000 FCFA.
Qu’il soutient qu’en consentant à percevoir les paiements, la SOGEPIE a accepté le verdict du Tribunal lui accordant un délai de grâce.
Qu’il sollicite donc la confirmation du jugement entrepris en demandant à la cour de prendre en compte le fait que l’appartement en cause est son seul bien.
Considérant que le Ministère Public, dans ses conclusions écrites en date du 10 Février 2007, relève qu’en acceptant de recevoir les paiements après la notification du jugement attaqué, la SOGEPIE a acquiescé audit jugement.
Que l’acquiescement au jugement impliquant soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours, il prie la Cour de déclarer irrecevable l’appel de la SOGEPIE et de confirmer en conséquence le jugement querellé.
Considérant que dans ses observations après conclusions écrites du Ministère Public, la SOGEPIE relève que le fait de recevoir des paiements après le prononcé du jugement n’implique pas acquiescement audit jugement, et ce d’autant plus qu’il en a relevé appel.
Que par ailleurs, l’art.15 du décret n 95-859 du 06 Octobre 1995 fixant les modalités et conditions de la vente des logements de l’Etat dispose que « dans le cas de vente à tempérament, celle-ci est faite sous condition résolutoire en cas de suspension de paiement par l’acquéreur, la vente sera résolu de plein droit, conformément aux articles 1584 et 1656 du Code civil ».
Qu’elle en déduit que la vente conclue avec l’intimé est assortie d’une clause résolutoire de plein droit.
Qu’en présence d’une telle clause, le juge n’a pas la possibilité de décider s’il y a lieu ou non à résolution.
Qu’il ne peut que constater la résolution du contrat après avoir relevé, comme c’est le cas de M. Kouakou Konan Germain, que l’une des parties n’a pas rempli ses obligations nées du contrat.
Que le juge ne peut accorder aucun délai de grâce.
Que pour sa part, l’intimé demande à la Cour d’adopter les conclusions du Ministère public.
DES MOTIFS
Sur le caractère de la décision
Considérant que l’intimé a eu connaissance de la procédure et fait valoir ses moyens.
Qu’il y a lieu, en applications des dispositions de l’art.144 du Code de procédure civile, de statuer contradictoirement.
En la forme
Considérant que l’appel de la SOGEPIE a été relevé dans les formes et délais prévus par les art.164 à 169 du Code de procédure civile.
Qu’il y a lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
Sur l’annulation du jugement
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que la SOGEPIE avait sollicité la réparation du préjudice subi du fait du non respect par l’acquéreur des échéances dans le paiement du prix de vente.
Que cependant, il ressort du jugement attaqué que le premier juge ne s’est pas prononcé sur cette prétention.
Que cela constitue une omission de statuer, cause de nullité du jugement rendu, en application des dispositions des art.204 et 206-7 du Code de procédure civile.
Que dès lors, il échet de déclarer nul le jugement entrepris et d’évoquer, la cause étant en état, les parties préalablement entendues en leurs observations.
Sur les demandes principale en résolution de contrat de vente et reconventionnelle en délai de grâce
Considérant que pour solliciter la résolution du contrat de cession, la SOGEPIE invoque principalement une clause résolutoire de plein droit qui serait contenue dans l’art.15 du décret n 95-859 du 06 Octobre 1995.
Que cependant, s’il est de principe que « la Cour connaît le droit » il est admis que lorsqu’un plaideur invoque en sa faveur un texte particulier, il est tenu d’en rapporter la preuve afin de pouvoir en bénéficier.
Qu’en l’espèce, la SOGEPIE se contente de reproduire une partie de l’art.15 du prétendu décret sans en rapporter la preuve notamment par la production du journal officiel dans lequel le décret a été publié.
Qu’à défaut de production du décret allégué, il y a lieu de dire que la preuve de l’existence de la clause résolutoire de plein droit n’est pas rapportée.
Qu’en conséquence, la SOGEPIE ne peut utilement invoquer les dispositions de l’art.1656 du Code civil dont l’application suppose établie l’existence de la clause résolutoire de plein droit.
Qu’en tout état de cause, il ressort des dispositions des art.1184 et 1656 du Code civil que la clause résolutoire, même citée de plein droit, n’opère pas systématiquement et irrévocablement la résolution du contrat en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations.
Qu’elle constitue un droit la partie envers laquelle les obligations n’ont pas été remplies, et qui, des lors, dispose de la faculté de poursuivre la constatation de la résolution ou d’y renoncer et choisir d’amener la partie défaillante, par les moyens de droit appropriés, à exécuter ses engagements.
Qu’en l’espèce il résulte des pièces du dossier que la SOGEPIE ne s’est pas prévalue de la clause résolutoire de plein droit devant le premier juge, ni dans son acte d’appel ni dans ses conclusions du 25 Janvier 2007, mais seulement dans ses observations après les conclusions écrites du Ministère Public.
Que mieux, il résulte des conclusions des parties et des reçus de versement produits par M. Kouakou Konan Germain que la SOGEPIE, bien que son acquéreur n’ait pas respecté les échéances de paiement a continué, après le prononcé du jugement attaqué, à encaisser les versements effectués aux titre du reliquat du prix de vente, ce qui indique qu’elle a entendu maintenir le contrat de cession plutôt que de poursuivre la constatation de la résolution de plein droit.
Que mieux encore, dans son acte d’appel, elle a reproché au premier Juge d’avoir accordé à l’acquéreur un délai de grâce de 24 mois et a sollicité la réduction de ce délai a une année, ce qui montre de manière évidente son intention de continuer encore pour une année ses relations contractuelles avec M. Kouakou Konan germain.
Que de ce qui précède, il ressort que la SOGEPIE a renoncé à la clause résolutoire de plein droit de sorte qu’il est possible d’accorder à l’acquéreur un délai de grâce si les circonstances l’exigent.
Considérant que l’acquéreur M. Kouakou Konan Germain, par les paiements d’un montant global de 1 000 000 FCFA effectués sur la somme reliquataire de 1.800 000 FCFA a fait suffisamment la preuve de sa bonne foi et de sa volonté à remplir ses engagements.
Qu’il échet, en application des dispositions l’art.39 de l’acte uniforme relatif aux voies d’exécution, de lui accorder un délai de grâce d’une année à compter du présent arrêt pour apurer sa dette.
Sur les demandes en expulsion et en réparation de préjudice
Considérant que la demande en résolution du contrat est rejetée et un délai de grâce est accordé a l’acquéreur.
Que dès lors, la demande d’expulsion ne se justifie plus.
Qu’il a donc lieu de la rejeter.
Considérant par ailleurs que la SOGEPIE sollicite des réparations sans démontrer l’existence d’un préjudice.
Qu’il y a lieu de la débouter de sa prétention en application des dispositions de l’art. 1149 du Code civil.
Sur les dépens
Considérant que l’appelante succombe.
Qu’il sied, de la condamner aux dépens en application des dispositions de l’art. 149 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale, administrative et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare la Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat dite SOGEPIE recevable en son appel.
AU FOND
Vu les conclusions écrites du Ministère Public.
Annule le jugement entrepris
Évoquant :
Reçoit la SOGEPIE en sa demande principale.
L’y dit mal fondée.
L’en déboute.
Reçoit M. Kouakou Konan Germain en sa demande reconventionnelle.
L’y dit bien fondé.
Lui accorde un délai de grâce de 12 mois à compter du présent arrêt pour apurer sa dette.
Met les dépens à la charge de la SOGEPIE.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, (3ème Chambre Civile B), a été signé par le Président et le Greffier.